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Le courant politique verra le jour officiellement vendredi Le rassemblement de l’Option libanaise, ou la volonté de ramener les chiites au cœur du projet de l’État

Œuvrer pour l’édification d’un État de droit, souverain, civil et moderne ; lutter contre l’aliénation politique à l’étranger ; briser cette dynamique réductionniste qu’est la fusion entre le parti politique et la communauté et militer pour le pluralisme et la diversité politique à l’intérieur des communautés ; détruire le mur de la peur et rompre le monopole exercé par le duopole Amal-Hezbollah à l’intérieur de la communauté chiite ; se dépenser sans relâche pour la mise en place d’une démocratie et d’une citoyenneté ; permettre enfin de refaire triompher au Liban « l’option libanaise », par-delà toutes les autres allégeances. À première vue, il s’agit pratiquement d’une série d’épreuves comparable aux travaux d’Hercule. C’est pourtant le pari que s’est fixé le rassemblement de l’Option libanaise, qui doit voir le jour officiellement vendredi, dans le cadre d’une conférence de presse à l’hôtel Riviera. L’État, le processus de l’État. L’adhésion des chiites au processus de l’État, seul et unique projet politique viable. S’il est un leitmotiv qui revient sans cesse dans le discours des responsables du rassemblement de l’Option libanaise, c’est bien celui-là. Et pour cause : l’objectif principal de « l’Option libanaise » est de créer une situation indépendante, authentiquement libanaise, comme l’explique le coordinateur du rassemblement, Ahmad Matar. Conscients des dangers existentiels qui guettent le pays, un groupe de personnalités chiites engagées et indépendantes, dont des hommes politiques (la figure de proue étant le chef du Courant du Liban des compétences, Ahmad el-Assaad), des intellectuels et des personnalités de la société civile, ont perçu la nécessité d’essayer de paver la voie à un saut qualitatif au niveau de l’action politique. Ces personnalités « ont nettement perçu l’existence d’un tabou à briser sur le plan chiite pour instaurer le pluralisme politique au sein de la communauté et reprendre contact avec l’option chiite originelle ». D’emblée, le propos est clair : l’Option libanaise est en rupture avec les courants qui monopolisent aujourd’hui la décision politique au sein de la communauté chiite. Le rassemblement entend marquer un renouveau, le point de départ d’une nouvelle dynamique sur la scène chiite, et, par effet sismique, sur la scène nationale. Mais ce renouveau s’inscrit dans la continuité d’un héritage politique clair : celui de l’option chiite traditionnelle – c’est-à-dire antérieure aux phénomènes créés après la révolution iranienne –, dont le projet a toujours été, en fin de compte, le Liban, et non des projets idéologiques à dimension régionale ou des politiques d’axes. « La communauté chiite ne doit avoir aucun projet hors du contexte de l’État libanais. Cela doit être le cas de toutes les communautés d’ailleurs. Les chiites constituent une composante essentielle du tissu socio-culturel libanais. Le Liban est unique dans le Proche-Orient en raison de son pluralisme et de sa diversité, qui est une source inouïe de richesse. Il est nécessaire de consolider l’héritage des ulémas du Jabal Amel, qui ont constitué, à travers l’histoire, une référence non seulement sur le plan chiite libanais, mais à l’échelle du monde arabo-islamique », indique M. Matar. Inutile de préciser que c’est bien évidemment l’héritage de l’imam Moussa Sadr et de l’imam Mohammad Mahdi Chamseddine qui est sans aucun complexe mis en évidence dans le discours de l’Option libanaise. Bien au contraire. Il s’agit d’une fierté, celle d’être libanais, et d’œuvrer, dans l’esprit de l’imam Chamseddine, pour un État civil au Liban, loin de tout projet qui puisse être spécifique aux chiites. « Notre objectif est l’État civil et moderne qui traite avec les citoyens non sur la base de leur appartenance confessionnelle et sectaire, mais sur celle de leur allégeance au Liban, patrie définitive pour tous ses fils », précise Ahmad Matar. L’État civil L’édification d’un État civil est d’ailleurs une revendication récurrente dans le discours du rassemblement. Et ce projet va de pair avec l’enracinement de la liberté d’expression et d’opinion, constante héritée de l’histoire libanaise, le respect de l’opinion différente, la promotion de la démocratie, du pluralisme, de la diversité et de la citoyenneté. Pour l’Option libanaise, le seul moyen d’en finir avec la crise actuelle, c’est de comprendre que le projet de l’État est le seul parapluie à même de protéger toutes les communautés, et qu’il est donc temps d’en finir avec cette osmose entre le parti et la communauté, tissée à l’aide de l’idéologie religieuse et des pseudo-référents sacrés. « Les Libanais, toutes tendances confondues, en ont ras le bol du discours sectaire et confessionnel. Les expériences historiques contemporaines prouvent que ni le maronitisme politique n’a été couronné de succès ni le sunnisme politique. Le chiisme politique non plus ne passera pas. Le seul cadre qui puisse triompher, c’est l’imbrication de tous les Libanais, dans toutes leurs tendances, dans le processus de l’État », souligne M. Matar. Tout se recoupe, pour le rassemblement, dans cette question d’allégeance au seul Liban, aussi bien le Liban civil, celui de l’État et des institutions par opposition aux communautés, que le Liban libanais, dans un esprit patriotique, aux antipodes des projets régionaux de toutes sortes. « Il est nécessaire de créer un front interne sur la base d’une allégeance nationale au Liban. Si ce défi n’est pas relevé, si l’État libanais ne devient pas une bonne fois pour toutes le cadre garantissant l’existence et l’action de toutes les parties, nous resterons victimes des influences étrangères », estime ainsi M. Matar, avant d’exprimer son « rejet de l’aliénation politique à l’étranger au sein de toutes les communautés et sa volonté d’œuvrer pour instaurer le pluralisme au sein des communautés ». « Cela ne peut qu’enrichir la société, loin du “clonage” et de l’esprit systématique », souligne-t-il. Une série de messages Par-delà les objectifs on ne peut plus clairs de l’Option libanaise, le rassemblement ne cache pas sa volonté d’adresser certains messages ça et là, à différents destinataires, aussi bien à des acteurs internes qu’à la légalité internationale. À la majorité, l’Option libanaise reproche ainsi l’approche pragmatique qui l’a conduite à s’allier aux composantes chiites du 8 Mars lors des dernières législatives dans le cadre de l’alliance quadripartite. « Cette alliance est venue consolider la logique du partage du gâteau confessionnel et sectaire. C’est pourquoi nous rejetons ce phénomène qui conduit une communauté à être réduite à un parti politique, d’où la nécessité d’une loi électorale équitable qui garantisse la liberté d’expression et une juste représentativité. Le duopole Amal-Hezbollah n’est pas capable de maintenir seul son influence sur la scène chiite. Il y a des facteurs extérieurs qui l’aident. L’approche du 14 Mars est fausse, elle a été à l’encontre des principes même du 14 Mars. L’alliance quadripartite avait peut-être pour but de “libaniser” le phénomène constitué par le 8 Mars, mais il a frappé la possibilité de mettre en place une dynamique démocratique, que ce soit chez les chiites ou ailleurs. Les démocrates chiites n’ont d’ailleurs pas été les seuls à être lésés par cette alliance », indique Ahmad Matar. Et l’entrée en matière pour briser ce duopole se situe à un niveau supérieur, celui de la nature de la loi électorale. C’est d’ailleurs là que réside le problème initial, souligne M. Matar. « Tous les Libanais aspirent à une loi électorale qui puisse exprimer leurs aspirations. Le problème n’est pas seulement au niveau du despotisme. Il y a des mécanismes qui consolident ce despotisme. La consolidation de la démocratie institutionnelle, la mise en place d’une loi électorale avec l’adoption de la proportionnelle, ainsi que l’existence d’une loi moderne sur les partis politiques peuvent créer une nouvelle dynamique sur la scène politique interne. Si nous n’arrivons pas à le faire, c’est le désastre », dit-il. Le monopole de la violence à l’État Deuxième message, à la communauté internationale cette fois. « La légalité internationale est le cadre qui garantit la sécurité et la stabilité du monde. Nous appuyons les différentes résolutions de l’ONU, qui visent à la stabilité du Liban. Le Liban a certes besoin d’une stratégie défensive. Les armes du Hezbollah doivent entrer dans le cadre de cette stratégie défensive. Mais il faut que l’État établisse son autorité sur l’ensemble de son territoire et détienne le monopole de la violence légitime », précise Ahmad Matar, avant de mettre l’accent sur le rôle national de l’armée, « seule institution qui devrait être concernée par la défense du territoire libanais ». Troisième message enfin, qui concerne les relations avec la Syrie. Là aussi, la position de l’Option libanaise est sans équivoque : « Le Liban a le droit d’avoir des relations normales avec la Syrie, fondées sur un respect mutuel entre les deux peuples dans le cadre de relations diplomatiques et d’une reconnaissance officielle syrienne de la souveraineté du Liban, ce que tous les Libanais ont toujours voulu. Cependant, le régime syrien a des visées sur le Liban et refuse de reconnaître l’entité libanaise indépendante. Il y a une tentative permanente de la part du régime syrien d’affaiblir la logique de la patrie définitive. Nous ne pouvons rester dans le cadre de la logique de la tutelle éternellement. » Le rassemblement de l’Option libanaise n’est pas un accident de l’histoire. Il est le fruit de concertations sérieuses pour créer un élément nouveau, dynamique, ouvert et fédérateur sur la scène libanaise. Il est, de ce fait, à prendre au sérieux, au vu de l’intensité du dévouement et du travail fourni par ses membres. Le défi est à la hauteur des efforts fournis : il s’agit de remettre la communauté chiite au cœur même du processus de l’édification de l’État, à l’heure où d’autres forces bien connues ne cessent d’accentuer le fossé entre la communauté et l’idée de l’État. Par trois fois, récemment, le Liban est passé, pour une multitude de raisons, à côté de la chance d’édifier l’État et d’entrer dans la modernité. La première était l’accord de Taëf, la seconde la libération du Sud, et la troisième le 14 mars 2005. Il s’agit cette fois de ne pas rater l’opportunité lorsqu’elle se présentera. Telle est l’obsession du rassemblement de l’Option libanaise. Michel HAJJI GEORGIOU

Œuvrer pour l’édification d’un État de droit, souverain, civil et moderne ; lutter contre l’aliénation politique à l’étranger ; briser cette dynamique réductionniste qu’est la fusion entre le parti politique et la communauté et militer pour le pluralisme et la diversité politique à l’intérieur des communautés ; détruire le mur de la peur et rompre le monopole exercé...