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Actualités

Une question de choix

Le profond clivage politique actuel génère une multitude d’analyses tantôt le liant à des axes régionaux et tantôt à des calculs politiques internes. Cependant, on lit très peu d’analyses sur l’impact irréversible des pratiques politiques actuelles sur l’échelle des valeurs et le développement politique de la (fragile) démocratie libanaise. Malheureusement, cet état de fait n’est pas l’apanage d’un seul groupement/pôle politique. Il est facilement identifiable au niveau de l’ensemble de la classe politique, toutes tendances confondues. Le sommet de l’absurdité réside dans les justifications que quelques « théoriciens » de l’établissement politique essayent d’imposer à l’opinion publique. En identifiant le plus petit dénominateur commun, on réalise que toutes ces justifications tournent autour de causes « existentielles », « fatalistes »... Bref, c’est le destin qui est toujours en jeu. À écouter ces théoriciens, on a souvent l’impression que ce n’est pas « leur » choix politique, mais qu’ils ont été « acculés » à adopter une position déterminée suite aux pressions émanant de « l’autre partie ». Donc c’est toujours la faute aux autres, comme c’est le cas au niveau des dictatures les plus ordinaires. L’une des calamités du monde arabe est d’avoir lié son potentiel de réforme et de développement à une « cause existentielle ». Le résultat est bien évidemment un retard considérable (à tous les niveaux), auquel s’ajoute une défaite cuisante au niveau de « la cause », éternel décor de la rhétorique depuis 1948. Les Arabes n’ont pas seulement essuyé un échec dans leur lutte contre Israël, mais ils ont aussi surtout contribué à leur propre sous-développement. Évidemment, au Liban, la « cause » n’est pas la même. Elle est « vérité », « souveraineté », « liberté », « démocratie » pour les uns, et « participation », « arabité », « résistance à l’occupation », « éradication de la corruption » pour les autres. On tient toujours à nous faire comprendre qu’aucune solution n’est envisageable (tant du côté de la majorité que de celle de l’opposition) avant la « victoire totale ». Entre-temps, les libertés continuent à être bafouées, la sécurité malmenée par les calculs politiciens. Tout ne s’arrête pas là. En effet le droit élémentaire à la vie reste sous la coupe des fantômes, la justice est pratiquement bloquée, les réformes (politiques, sociales, économiques, culturelles...) gelées, la bonne gouvernance reléguée aux oubliettes, la révélation des horreurs de la guerre et la vraie « vérité et réconciliation » ignorées, le plan pour améliorer la situation des droits de l’homme promis pour le XXIVe siècle, etc. Mais il va sans dire qu’on continue à lutter pour la « cause ». En attendant, on se permet (et l’on justifie sans aucune pudeur) une politique de bout de gouffre, une maximisation à outrance de la tension politique, la diffusion d’une culture de haine et de trahison, un éloignement généralisé des pratiques démocratiques saines, etc. Comme si la démocratie n’était valable qu’en période de sérénité. À travers cette logique, on rejoint celle des pires dictatures qui justifiaient leur répression et leur sous-développement par la « guerre », la « crise », la « cause », la « lutte »… Une société lucide n’accepterait jamais que l’on bloque la vie constitutionnelle, les institutions exécutives et législatives et le pouvoir judiciaire. Elle n’accepterait pas non plus que l’on dénie le principe de la démocratie consensuelle (éternellement essentielle pour le cas libanais), de la réforme des organes de sécurité, de la lutte contre la corruption, que l’on ajourne sine die le processus de « vérité et réconciliation ». Tout cela en prenant pour excuse la « cause », quelle que soit cette cause. À chaque fois que l’on positionne l’accomplissement de la « cause » en porte-à-faux avec les pratiques démocratiques, on revient à l’ère obscurantiste, totalitaire. Il n’est pas vrai que nous n’avons pas de choix et que nous sommes victimes de notre destinée. Tout compte fait, pour les simples citoyens, ce n’est qu’une question de choix ; un choix qui devrait absolument justifier les comptes dans les urnes tout au plus dans deux ans ! À bientôt. Dr Élie ABOUAOUN Chargé de cours à l’Univesité Saint-Joseph

Le profond clivage politique actuel génère une multitude d’analyses tantôt le liant à des axes régionaux et tantôt à des calculs politiques internes. Cependant, on lit très peu d’analyses sur l’impact irréversible des pratiques politiques actuelles sur l’échelle des valeurs et le développement politique de la (fragile) démocratie libanaise. Malheureusement, cet...