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Actualités - OPINION

Libre

J’ai toujours envisagé la liberté dans son sens le plus large : la liberté de penser, d’aller et de venir, de croire, de choisir sa religion, de voter, d’adhérer à un parti politique, de faire sa route. La liberté est un grand mot que je ne comprends pas toujours, car si la liberté est toujours proclamée, elle fait souvent l’objet d’atteintes diverses. Je suis née chrétienne, j’ai grandi à Beyrouth, les événements divers ont conditionné mes déplacements, une certaine évolution inévitable – et pas forcément choisie – a dirigé mon avenir et j’ai accepté, sans même faire l’effort d’un refus quelconque, des valeurs communes à la majorité des personnes que j’ai connues sans que celles-ci ne soient réfléchies, mesurées ou vraiment censurées. Je suis libre, oui. Au sens d’une liberté bien réglementée. Le cours de libertés publiques ne m’a pas été d’un grand secours. Car d’abord, il fallait que je me réveille tôt pour y assister : déjà la liberté de faire la grasse matinée est solennellement violée. Ensuite, car les libertés citées dans le cours (que j’ai reçu d’une amie plus sérieuse) sont limitativement énumérées. J’ai décidé alors de comprendre la liberté dans un sens plus restreint, le mien. Ma liberté de comprendre la liberté. La liberté qui me convient est celle que je façonne : une liberté naïve, fragile, hésitante, particulière, superficielle. Mais une liberté choisie. La liberté de lui dire je t’aime sans avoir peur de son regard fugitif. La liberté de faire des mouvements sensuels sur une musique rebelle. La liberté de réfléchir à une vie commune sans complexes ni formalités. La liberté de faire des études de stylisme. La liberté de partir un moment, sans avoir à signaler son départ, sa destination, l’éventualité du retour. La liberté de ne jamais revenir. La liberté n’a pas à être constitutionnelle. Son essentiel réside dans les gestes quotidiens. La liberté de rejeter ses amis un samedi soir car la télé se fait plus attirante. La liberté de les rappeler le lendemain et de leur dire que le résumé de la soirée précédente ne m’intéresse guère. La liberté dans un décolleté plongeant. La liberté dans un dos nu impudique. La liberté dans une démarche hautaine. La liberté de mettre entre parenthèses un sérieux accumulé pour faire un tour romantique dans les vallées obscures d’une montagne majestueuse. La liberté de ne rien dire, pas un mot, de se serrer la main, de regarder ailleurs, de s’éviter. La liberté de tout comprendre quand même. Je suis libre. Libre de choisir en quoi et comment. Libre d’accepter ces choses qu’on me donne et de les transformer. Libre de m’évader pour une période et de ne donner aucune explication. Libre de revenir tellement différente. Oui, je suis libre. Libre et bien dans cette liberté arrogante que je m’approprie. Libre dans un corps qui refuse tout modèle. Libre dans un pays qui essaie de faire comme moi. Libre dans le sens le plus profond. Libre dans tout ce que le mot peut englober, bannissant limites et frontières. Libre avec toi. Karen AYAT Étudiante en droit-USJ

J’ai toujours envisagé la liberté dans son sens le plus large : la liberté de penser, d’aller et de venir, de croire, de choisir sa religion, de voter, d’adhérer à un parti politique, de faire sa route. La liberté est un grand mot que je ne comprends pas toujours, car si la liberté est toujours proclamée, elle fait souvent l’objet d’atteintes diverses. Je suis née...