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Une religion qui a traversé les mers dans les cales des navires des négriers « Enriquito », gardien des « Orishas » de Cuba, héritier des esclaves africains

Petit-fils d’une esclave amenée à Cuba depuis l’Afrique, « Enriquito » (« petit Henri ») est, à 90 ans, le plus célèbre des prêtres d’une religion qui a traversé les mers dans les cales des navires négriers et qui, aujourd’hui, est plus vivante que jamais dans l’île communiste. Dans la « Chapelle de Saint-Lazare », sa maison du quartier La Hata de Guanabacoa, le faubourg légendaire de La Havane, berceau des adeptes de la santeria, Enrique Hernandez Armenteros parle avec fierté du sang qui lui coule dans les veines. « Ma grand-mère fut amenée à Cuba comme esclave depuis le Congo, et je suis le continuateur de ce que les esclaves ont apporté ici. Je me sens heureux et fier parce que chaque jour, les religions d’origine africaine sont plus populaires », raconte ce vieillard de petite taille, mais d’allure altière. « Tata n’ganga » (plus haut dignitaire) de la religion bantoue, connue sous l’appellation de « Palo Monte », membre de la confrérie carabalie abakua et « babalao » (prêtre) de la règle d’Ocha, ou santeria, Enriquito, vivant exemple du syncrétisme religieux cubain, n’en est pas moins baptisé à l’Église catholique. Sa maison, très simple, est ainsi consacrée à saint Lazare, « Babalou ayé » dans la santeria, divinité populaire représentée par un mendiant barbu en guenilles de couleur violette, appuyé sur des béquilles. Les Cubains lui attribuent des pouvoirs de guérison. Une image en plâtre du saint, gardée dans une urne en verre, voit défiler les fidèles. À ses pieds, en offrandes, des fleurs, des bougies, des cigares et des bouteilles de rhum. « Tout le monde m’appelle Enriquito », dit-il en dévoilant l’intérieur de sa maison-chapelle, dont chaque pièce abrite un autel aux divinités de la santeria, dans un univers mystique planté de bougies multicolores. Dans le temple de la règle d’Ocha, des paniers de fruits, des fleurs, des verres d’eau et des bougies pour Ochun, l’« orisha » – la divinité – de la sensualité et de l’amour, avec le jaune pour couleur. Yemaya, la maîtresse des océans, avec le bleu, Chango, le guerrier – l’« Ogun ferraille » du vaudou – avec le rouge, et Oubatala, le dieu des idées, et sa couleur blanche. Au fond de la maison, l’autel bantou ou de la règle Conga. Entre plumes d’oiseaux sacrifiés, clous rouillés, photos de parents et de filleuls morts, cigares et verres de rhum, un cliché daté du 29 novembre 1998 : Enriquito, souriant et vêtu de blanc, pose à côté d’un barbu en uniforme vert olive : Fidel Castro. « C’est le commandant (Fidel Castro) qui m’a fait appeler au Conseil d’État pour me rendre hommage », dit-il en montrant diplômes et mentions honorifiques qui ornent le mur. Depuis que le gouvernement de Castro a réautorisé les processions religieuses après la visite du pape Jean-Paul II en 1998, Enriquito promène chaque 16 décembre l’image de saint Lazare avec ses voisins dans les rues de Guanabacoa. Dans la salle à manger, des peintures murales reproduisent les horreurs de l’esclavage : ici un Noir attaché à un arbre fouetté par un Blanc, là un autre frappé pour s’être rebellé dans la caravane qui le conduit au bateau négrier. Plus loin, une blonde aux yeux verts, vêtue de rouge vif, balance des hanches voluptueuses au son des tambours de Blancs et de Mulâtres : « Cette religion, pourtant d’origine noire, ne fait aucune discrimination », explique le babalao, pour qui « la culture la plus populaire et la plus riche de notre pays est héritière de l’Afrique », avec son héritage, « les percussions, les rythmes, la musique, la religion », dit-il. Une grande fête se prépare pour le 22 juin. L’association religieuse afrocubaine Les fils de saint Lazare, fondée par Enriquito et son épouse Maria Nicasia, « Nica », célébrera ses 50 ans. Eux ont eu 11 enfants, 32 petits-enfants et quelque 2 000 filleuls à Cuba et à l’étranger : un héritage « qui ne s’éteindra jamais », dit-il. Isabel SANCHEZ/AFP



Petit-fils d’une esclave amenée à Cuba depuis l’Afrique, « Enriquito » (« petit Henri ») est, à 90 ans, le plus célèbre des prêtres d’une religion qui a traversé les mers dans les cales des navires négriers et qui, aujourd’hui, est plus vivante que jamais dans l’île communiste. Dans la « Chapelle de Saint-Lazare », sa maison du quartier La Hata de...