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Actualités - REPORTAGE

L’accord entre l’ONU et le gouvernement libanais sur la création d’un tribunal spécial pour le Liban

Attendu que, dans sa résolution 1664 (2006) du 29 mars 2006, faisant suite à une demande du gouvernement libanais tendant à voir créer un tribunal international pour juger toutes les personnes responsables du crime terroriste qui a tué l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et d’autres personnes, le Conseil de sécurité a rappelé toutes ses résolutions antérieures sur la question, en particulier les résolutions 1595 (2005) du 7 avril 2005, 1636 (2005) du 31 octobre 2005 et 1644 (2005) du 15 décembre 2005, Attendu que le Conseil de sécurité a prié le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ci-après « le secrétaire général ») de négocier un accord avec le gouvernement libanais en vue de créer un tribunal international fondé sur les normes internationales de justice pénale les plus élevées, en tenant compte des recommandations présentées dans le rapport du 21 mars 2006 (S/2006/176) et des opinions exprimées par les membres du Conseil, Attendu que le secrétaire général et le gouvernement de la République libanaise (ci-après « le Gouvernement ») ont mené des négociations en vue de la création d’un tribunal spécial pour le Liban (ci-après « le tribunal spécial » ou « le Tribunal »), L’Organisation des Nations unies et la République libanaise (désignées ensemble ci-après comme « les Parties ») sont convenues de ce qui suit : Article premier Création du tribunal spécial 1. Il est créé par le présent accord un tribunal spécial pour le Liban chargé de poursuivre les personnes responsables de l’attentat du 14 février 2005 qui a entraîné la mort de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et d’autres personnes et causé des blessures à d’autres personnes. S’il estime que d’autres attentats terroristes survenus au Liban entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005 ou à toute autre date ultérieure décidée par les parties avec l’assentiment du Conseil de sécurité ont, conformément aux principes de la justice pénale, un lien avec l’attentat du 14 février 2005 et sont de nature et de gravité similaires, le Tribunal aura également compétence à l’égard des personnes qui en sont responsables. Ce lien peut être, sans s’y limiter, une combinaison des éléments suivants : l’intention criminelle (le mobile), le but recherché, la qualité des personnes visées, le mode opératoire et les auteurs. 2. Le tribunal spécial est régi par le statut du tribunal spécial pour le Liban qui est joint au présent accord, dont il fait partie intégrante. Article 2 Composition du tribunal spécial et nomination des juges 1. Le tribunal spécial comprend les organes suivants : les chambres, le procureur, le greffe et le bureau de la défense. 2. Les chambres se composent d’un juge de la mise en état, d’une chambre de première instance et d’une chambre d’appel, étant entendu qu’il sera créé une deuxième chambre de première instance si le secrétaire général ou le président du tribunal spécial le demande à l’issue d’une période de six mois au moins à compter de la date d’entrée en fonction du tribunal spécial. 3. Les chambres se composent d’au moins onze et d’au plus quatorze juges indépendants, répartis comme suit : a) Un juge international faisant fonction de juge de la mise en état ; b) Trois juges affectés à la chambre de première instance, dont un juge libanais et deux juges internationaux ; c) S’il est créé une deuxième chambre de première instance, elle sera composée de la manière décrite à l’alinéa b) ci-dessus ; d) Cinq juges affectés à la chambre d’appel, dont deux juges libanais et trois juges internationaux ; et e) Deux juges suppléants, dont un juge libanais et un juge international. 4. Les juges du Tribunal doivent jouir de la plus haute considération morale, être connus pour leur impartialité et leur intégrité et posséder une grande expérience des fonctions judiciaires. Ils exercent leurs fonctions en toute indépendance et n’acceptent ni ne sollicitent d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autre source. 5. a) Les juges libanais affectés à la chambre de première instance ou à la chambre d’appel ainsi que les juges suppléants sont nommés par le secrétaire général d’une liste de douze noms qui lui est présentée par le gouvernement sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. b) Les juges internationaux appelés à faire fonction de juge de la mise en état ou à siéger à la chambre de première instance ou à la chambre d’appel ainsi que les juges suppléants sont nommés par le secrétaire général parmi des candidats présentés par les États membres, à son invitation, ainsi que par des personnes compétentes. c) Le gouvernement et le secrétaire général se consultent sur la nomination des juges. d) Le secrétaire général nomme les juges sur recommandation d’un jury de sélection qu’il établit après en avoir avisé le Conseil de sécurité. Le jury de sélection se compose de deux juges siégeant ou ayant siégé dans un tribunal international et du représentant du secrétaire général. 6. À la demande du président d’une chambre de première instance, le président du tribunal spécial peut, si l’intérêt de la justice le commande, désigner un juge suppléant qui sera présent à tous les stades de la procédure de façon à pouvoir remplacer tout juge qui se trouverait dans l’impossibilité de continuer à siéger. 7. Les juges sont nommés pour un mandat de trois ans et renouvelable pour une durée à déterminer par le secrétaire général en consultation avec le gouvernement. 8. Lorsqu’ils réintègrent leur corps d’origine dans l’administration judiciaire libanaise, les juges libanais du tribunal spécial se voient reconnaître l’intégralité de leur temps de service au Tribunal et sont réintégrés à un niveau au moins comparable à celui de leur position ancienne. Article 3 Nomination du procureur et du procureur adjoint 1. Après avoir consulté le gouvernement, le secrétaire général nomme le procureur pour un mandat de trois ans, renouvelable pour une durée à déterminer par le secrétaire général en consultation avec le gouvernement. 2. Le secrétaire général nomme le procureur sur recommandation d’un jury de sélection qu’il établit après en avoir avisé le Conseil de sécurité. Le jury de sélection se compose de deux juges siégeant ou ayant siégé dans un tribunal international et du représentant du secrétaire général. 3. Le gouvernement nomme, après avoir consulté le secrétaire général et le procureur, un procureur adjoint libanais chargé d’assister le procureur dans la conduite des enquêtes et des poursuites. 4. Le procureur et le procureur adjoint doivent jouir de la plus haute considération morale et justifier d’une compétence professionnelle du niveau le plus élevé ainsi que d’une grande expérience des enquêtes et poursuites pénales. Ils exercent leurs fonctions en toute indépendance et n’acceptent ni ne sollicitent d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autre source. 5. Le procureur est assisté du personnel libanais et international dont il peut avoir besoin pour s’acquitter efficacement des fonctions à lui assigner. Article 4 Nomination du greffier 1. Le secrétaire général nomme le greffier, qui est chargé d’assurer le secrétariat des chambres et du bureau du procureur et de recruter et d’administrer tout le personnel d’appui. Il administre également les ressources financières et le personnel du tribunal spécial. 2. Le greffier est un fonctionnaire de l’Organisation des Nations unies. Il est nommé pour un mandat de trois ans, renouvelable pour une durée à déterminer par le secrétaire général en consultation avec le gouvernement. Article 5 Financement du tribunal spécial 1. Les dépenses du tribunal spécial sont prises en charge comme suit : a) Cinquante et un pour cent des dépenses du Tribunal sont financées par les contributions volontaires des États ; b) Quarante-neuf pour cent des dépenses du Tribunal sont prises en charge par le gouvernement libanais. 2. I1 est entendu que le secrétaire général engagera le processus de création du Tribunal lorsqu’il aura suffisamment de contributions pour financer la création du Tribunal et douze mois d’activité de celui-ci, plus des annonces de contributions correspondant aux dépenses prévues pour les vingt-quatre mois suivants d’activité du Tribunal. Si les contributions volontaires étaient insuffisantes pour permettre au Tribunal de s’acquitter de son mandat, le secrétaire général et le Conseil de sécurité étudieraient d’autres moyens de financement. Article 6 Comité de gestion Les parties se consultent sur la création d’un comité de gestion. Article 7 Capacité juridique Le tribunal spécial a la capacité juridique : a)De contracter ; b) D’acquérir et d’aliéner des biens meubles et immeubles ; c)D’ester en justice ; d) De conclure avec des États les accords nécessaires à l’exercice de ses fonctions et à son fonctionnement. Article 8 Siège du tribunal spécial 1. Le tribunal spécial siège hors du Liban. Le choix du siège tiendra dûment compte des considérations de justice, d’équité et d’efficacité en matière sécuritaire et administrative, notamment des droits des victimes et de l’accès aux témoins, et sera subordonné à la conclusion d’un accord de siège entre l’Organisation des Nations unies, le gouvernement et l’État d’accueil du Tribunal. 2. Le tribunal spécial peut siéger hors de son siège s’il l’estime nécessaire pour exercer efficacement ses fonctions. 3. Il sera créé au Liban un bureau du tribunal spécial chargé des enquêtes, sous réserve de la conclusion des accords nécessaires avec le gouvernement. Article 9 Inviolabilité des locaux, archives et autres documents du Tribunal 1. Le bureau du tribunal spécial au Liban est inviolable. Les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires pour prémunir le Tribunal contre toute dépossession de tout ou partie de ses locaux sauf son consentement exprès. 2. Les biens, fonds et avoirs du bureau du tribunal spécial au Liban, où qu’ils se trouvent et quel que soit leur détenteur, sont exempts de perquisition, saisie, réquisition, confiscation, expropriation et toute autre forme d’ingérence résultant d’une décision exécutive, administrative, judiciaire ou législative. 3. Les archives du bureau du tribunal spécial au Liban, et d’une manière générale tous les documents et matériels mis à sa disposition, lui appartenant ou qu’il utilise sont inviolables, où qu’ils se trouvent et quel qu’en soit le détenteur. Article 10 Fonds, avoirs et autres biens Le bureau du tribunal spécial et ses fonds, avoirs et autres biens au Liban, où qu’ils se trouvent et quel que soit leur détenteur, jouissent d’une immunité de juridiction absolue, sauf renonciation expresse par le Tribunal en telle ou telle circonstance précise, étant toutefois entendu que la renonciation ne peut s’étendre à des mesures d’exécution. Article 11 Privilèges et immunités des juges, du procureur, du greffier et du chef du bureau de la défense 1. Les juges, le procureur, le procureur adjoint, le greffier et le chef du bureau de la défense jouissent, sur le territoire libanais, des privilèges, immunités, exemptions et facilités accordés aux agents diplomatiques conformément à la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. 2. Les privilèges et immunités sont accordés aux juges, au procureur, au procureur adjoint, au greffier et au chef du bureau de la défense dans l’intérêt du tribunal spécial et non à l’avantage personnel des intéressés. Le droit et le devoir de lever l’immunité dans tous les cas où elle peut l’être sans nuire au but pour lequel elle est accordée appartiennent au secrétaire général, agissant en consultation avec le président du tribunal. Article 12 Privilèges et immunités du personnel international et libanais 1. Les membres du personnel libanais et international du bureau du tribunal spécial jouissent, sur le territoire libanais : a) De l’immunité de juridiction à raison de tous les actes accomplis par eux à titre officiel (y compris leurs paroles et écrits). Ils continuent de jouir de cette immunité après qu’ils ont quitté le service du tribunal spécial ; b) De l’exonération de tout impôt sur les traitements, indemnités et émoluments qui leur sont versés. 2. Les membres du personnel international jouissent de surcroît : a) De l’exemption de toutes restrictions à l’immigration ; b) Du droit d’importer en franchise de droits de douane et d’impôts indirects, sauf le paiement de services, leurs mobilier et effets lorsqu’ils prennent pour la première fois leurs fonctions officielles au Liban. 3. Ces privilèges et immunités sont accordés aux fonctionnaires du bureau du tribunal spécial dans l’intérêt du Tribunal et non pour leur avantage personnel. Le droit et le devoir de lever l’immunité dans tous les cas où elle peut l’être sans nuire au but pour lequel elle est accordée appartiennent au greffier du Tribunal. Article 13 Conseils de la défense 1. Le gouvernement veille à ce que le conseil d’un suspect ou d’un accusé dont la qualité est reconnue par le tribunal spécial ne soit soumis à aucune mesure susceptible de nuire à sa liberté ou à son indépendance dans l’exercice de ses fonctions. 2. Le conseil jouit en particulier : a) De l’immunité d’arrestation personnelle ou de détention et de saisie de ses bagages personnels ; b) De l’inviolabilité de tous documents ayant trait à l’exercice de ses fonctions de conseil d’un suspect ou d’un accusé ; c) De l’immunité de juridiction pénale ou civile à raison des actes accomplis par lui en sa qualité de conseil (y compris ses paroles et écrits). Il conserve cette immunité après qu’il a cessé ses fonctions de conseil d’un suspect ou d’un accusé ; d) De l’exemption de toutes restrictions à l’immigration pendant son séjour ainsi que pendant ses déplacements à destination et au retour du Tribunal. Article 14 Sécurité et protection des personnes visées dans le présent accord Le gouvernement prend toutes mesures efficaces et suffisantes pour garantir la sécurité, la sûreté et la protection sur le territoire libanais du personnel du bureau du tribunal spécial et des autres personnes visées dans le présent accord. Il prend toutes mesures appropriées, dans la limite de ses moyens, pour protéger le matériel et les locaux du bureau contre tout attentat ou action susceptible d’empêcher le Tribunal de s’acquitter de son mandat. Article 15 Coopération avec le tribunal spécial 1. Le gouvernement coopère avec tous les organes du tribunal spécial, en particulier avec le procureur et le conseil de la défense, à tous les stades de la procédure. Il facilite l’accès du procureur et du conseil de la défense aux lieux, personnes et documents dont ils ont besoin à des fins d’enquêtes. 2. Le gouvernement donne suite sans retard indu à toute demande d’assistance que lui adresse le tribunal spécial et à toute ordonnance prise par les chambres, y compris, sans s’y limiter, en ce qui concerne : a) L’identification et la localisation de personnes ; b) La signification d’actes ; c) L’arrestation ou la détention de personnes ; d) Le transfèrement d’accusés au Tribunal. Article 16 Amnistie Le gouvernement s’engage à n’amnistier aucune personne de l’un quelconque des crimes relevant de la compétence du tribunal spécial. Toute amnistie accordée à quiconque pour l’un de ces crimes ne fera pas obstacle à l’exercice de poursuites. Article 17 Dispositions pratiques Par souci d’efficacité et d’économie dans le fonctionnement du tribunal spécial : a) Les dispositions voulues seront prises pour garantir une transition coordonnée entre les activités de la commission d’enquête internationale indépendante créée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1595 (2005) et celles du bureau du procureur ; b) Les juges de la chambre de première instance et de la chambre d’appel prendront leurs fonctions à une date qui sera fixée par le secrétaire général en consultation avec le président du tribunal spécial. En attendant, les juges des deux chambres seront appelés ponctuellement à traiter de questions d’organisation et siégeront en tant que de besoin. Article 18 Règlement des différends Tout différend entre les parties concernant l’interprétation ou l’application du présent accord est réglé par voie de négociation ou par tout autre moyen convenu entre elles d’un commun accord. Article 19 Entrée en vigueur de l’accord et commencement des travaux du tribunal spécial 1. Le présent accord entrera en vigueur le lendemain du jour où le gouvernement aura notifié par écrit à l’Organisation des Nations unies qu’il a accompli les formalités requises à cet effet. 2. Le tribunal spécial commencera ses travaux à une date qui sera fixée par le secrétaire général en consultation avec le gouvernement, compte tenu de l’avancement des travaux de la commission d’enquête internationale indépendante. Article 20 Amendement Le présent accord pourra être modifié par convention écrite entre les parties. Article 21 Durée de l’accord 1. Le présent accord restera en vigueur pour une durée de trois ans à compter du commencement des travaux du tribunal spécial. 2. Trois ans après le commencement des travaux du tribunal spécial, les parties examineront en consultation avec le Conseil de sécurité l’état d’avancement des travaux du tribunal spécial. Si le Tribunal n’a pas terminé ses travaux au terme de cette période de trois ans, pour lui permettre de le faire, l’accord sera prolongé pour une ou plusieurs périodes dont la durée sera déterminée par le secrétaire général en consultation avec le gouvernement et le Conseil de sécurité. 3. Les dispositions du présent accord relatives à l’inviolabilité des fonds, avoirs, archives et documents du bureau du tribunal spécial au Liban, aux privilèges et immunités des personnes visées dans l’accord, aux conseils de la défense et à la protection des victimes et des témoins resteront en vigueur après son extinction. En foi de quoi, les soussignés, représentants dûment autorisés de l’Organisation des Nations unies et de la République libanaise, ont signé le présent accord.
Attendu que, dans sa résolution 1664 (2006) du 29 mars 2006, faisant suite à une demande du gouvernement libanais tendant à voir créer un tribunal international pour juger toutes les personnes responsables du crime terroriste qui a tué l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et d’autres personnes, le Conseil de sécurité a rappelé toutes ses résolutions...