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Actualités - OPINION

Nasrallah autorise et freine en même temps le retour des ministres chiites aux affaires Des signes d’ouverture qu’on laisse cependant mariner dans le flou Philippe ABI-AKL

Le pays de toutes les ambiguïtés, de tous les amalgames, de toutes les confusions. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, observait Musset, un peu à la manière de La Palice, du reste. Mais Hassan Nasrallah n’ouvre ni ne ferme la porte. Il autorise et freine en même temps le retour des ministres chiites aux affaires. Dans ce sens qu’il leur enjoint de se contenter de signer les formalités du courrier quotidien. À domicile, sans même gagner leurs bureaux. Ce qui limite encore la notion, déjà réductrice, d’expédition des affaires courantes. Il s’était auparavant répété qu’il s’était entendu avec son allié d’Amal, le président Nabih Berry, pour que les ministres de leur bloc reprennent le collier, aux fins de traiter les problèmes des gens. Ce à quoi le Conseil supérieur chiite avait naturellement fait écho lors de sa dernière réunion. D’autant plus volontiers que cette instance voyait s’accumuler les plaintes des citoyens appartenant à la communauté, les particuliers protestant contre le fait que leurs affaires étaient bloquées, alors que les Libanais des autres communautés gardaient l’avantage de voir leurs intérêts défendus par les ministres non démissionnaires. Plus encore, certains de ces ministres en place, chargés par intérim de départements de services, sont accusés de les gérer en défavorisant systématiquement les demandeurs chiites. Les titulaires originels ont dès lors, sur instructions des leaders, relancé les directeurs généraux de leurs ministères pour les prier de leur adresser désormais le courrier et les formalités à signer, contournant ainsi les intérimaires qui n’ont pas légalement le droit de signature lorsque le titulaire, même démissionnaire, est présent. Pour tout dire, le secrétaire général du Hezbollah récuse, au sujet de ce retour qui n’en est pas un, toute signification politique de fond. Il douche de la sorte les applaudissements de la majorité, qui avait cru voir un rai de lumière poindre sous la porte opposante fermée, notamment côté Parlement. Un moment bluffés, les loyalistes avaient cru qu’il deviendrait peut-être, et enfin, possible de voir le tribunal international ratifié à la Chambre. Et, pourquoi pas, de voir les représentants chiites participer de nouveau au Conseil des ministres. Logique À noter que le ministre lahoudiste Yaacoub Sarraf, également démissionnaire, a refusé pour sa part de jouer le jeu de l’équivoque. Il a indiqué qu’il ne compte pas reprendre le travail ni expédier les affaires courantes, car rien n’ayant changé dans la situation de base, il n’y a pas de raison qu’il modifie son attitude. Ajoutant qu’en bonne logique, il ne peut à la fois boycotter le gouvernement et contresigner ses arrêtés. Autre précision qu’apporte Sarraf : comme la loi sur le budget n’a pas été votée, pour financer les programmes et les travaux de son département, il lui serait matériellement nécessaire de réclamer des crédits à un président du Conseil qu’il ne reconnaît pas. Selon des sources informées, le président Lahoud aurait exprimé en privé que la décision chiite n’est pas bonne car elle semble réhabiliter le gouvernement Siniora. Les aounistes, de leur côté, avouent avoir été pris de court et n’avoir pas été informés par le tandem chiite de ses intentions. C’est d’ailleurs au nom de la même logique avancée par Yaacoub Sarraf que les loyalistes ont voulu, dans un premier temps, voir dans la décision chiite une démarche positive. Et même une reconnaissance indéniable du gouvernement en place et de sa légalité. En espérant que la normalisation se trouverait complétée bientôt par l’annulation de la démission collective des ministres chiites. Ce qui, selon les loyalistes, se justifierait par le double fait que les dossiers du cabinet d’union et du tribunal sont classés, dépassés. Dans le même esprit, les majoritaires répètent que le sit-in du centre-ville, si préjudiciable économiquement, n’a plus lieu d’être. Enfin, ils se rassurent : la démarche chiite signifie, à tout le moins, que l’opposition ne songe plus vraiment à renverser le gouvernement en faveur d’un cabinet de transition restreint mis en place pour gérer l’échéance de la présidentielle. Mais, redisons-le, Hassan Nasrallah précise que le semi-retour ne peut en aucun cas être interprété comme un changement de cap politique ou même comme une évolution d’ouverture.
Le pays de toutes les ambiguïtés, de tous les amalgames, de toutes les confusions. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, observait Musset, un peu à la manière de La Palice, du reste. Mais Hassan Nasrallah n’ouvre ni ne ferme la porte. Il autorise et freine en même temps le retour des ministres chiites aux affaires. Dans ce sens qu’il leur enjoint de se contenter de signer les...