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Actualités - OPINION

« Les salauds ne sont jamais tristes »*

Nous étions des milliers, des dizaines de milliers à assister, agglutinés à nos téléviseurs, à l’élection présidentielle française de dimanche dernier. Nous étions accrochés, fascinés, émerveillés, mais aussi envieux de constater, de ressentir ce que la démocratie a de plus beau à offrir. Nous étions aussi désemparés, un goût amer à la bouche (accompagné d’un soupçon de déprime), à nous interroger sur la raison pour laquelle nous n’avions pas le droit, nous aussi, de vivre pleinement, amplement, une telle expérience. Le peuple français a voté pour une vision, pour un programme, pour des idées claires et contemporaines. Le peuple français a voté pour le changement, en acceptant d’entamer en douceur ce virage qu’est l’espoir d’un meilleur lendemain. Il a aussi voté pour un homme, pour sa pugnacité, son imagination, son audace, sa volonté et détermination à regarder de l’avant, à rassembler, à faire table rase de nombreux préjugés, à faire bouger les choses, à refuser le statut quo. À dire la vérité. Le peuple français a cru en ce message et l’a clairement exprimé. Sans ambages ni embarras. Et tout cela dans un scrupuleux respect de la Constitution. Arrivé à ce niveau du texte, je réalise comme notre paysage politique (ou plutôt jungle cacophonique) est loin, loin de tout cela. Au Liban, vision = myopie ; programme = ça veut dire quoi ? ; clarté = tromperie ; volonté et pugnacité = esprit revanchard et égoïsme ; imagination = je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez. Je t’asphalte ce bout de route et tu t’écrases ; fermeté = politicaille de bazar (qui n’a de surcroît plus rien d’insolite ou d’exotique) ; respect de la Constitution = viol répétitif (serial raping) avec toujours l’exception, une « seule fois » (chez nous, exception = rebelotte…). Nous nous targuons d’être une démocratie consensuelle et parlementaire. Et pour se donner bonne conscience, ces irresponsables qui croient nous gouverner se gargarisent de paroles dénuées de tout bon sens, vides de toute substance, véritable désert, désolant de bêtise ; ânonnent à longueur de journée que nous avons le mérite (oui, le mérite) d’être quand même la seule démocratie dans une région où ce concept a peu de signification (faux : observez Israël qui juge son pouvoir exécutif, la Turquie qui dit non aux méandres de l’obscurantisme, Chypre qui coule de beaux jours…) ; insultent quotidiennement notre intelligence en brandissant à qui mieux mieux des épouvantails de pacotille (la chasse aux sorcières est un concept révolu…). Messieurs, le progrès ne se mesure pas, ne se compare pas à la médiocrité. Bien au contraire. Ce n’est pas en étant nombriliste qu’on aspire à avancer. Plutôt en acceptant de toujours mieux faire, en se remettant perpétuellement en cause, en refusant le statu quo et en se disant que « good is never good enough ». Messieurs, qui dit démocratie, dit fusion entre les citoyens, tous les citoyens ; dit amour de la patrie (et non pas de sa patrie à caractère confessionnel, tribal, féodal…, véritables hécatombe et archaïsme qui nous poussent inexorablement vers des abysses). Et voilà plus de 70 ans que ça dure ! Nous sommes des centaines de milliers de citoyens qui en ont franchement marre de vos bouderies, de vos retournements de veste, de vos sermons ennuyeux à mourir, de vos leçons de morale (je dirai en fait d’immoralité politique). Nous avons honte d’être encore sous votre joug. Les « maalik », « dawletak », « fakhamtak », « saadtak » et j’en passe sont d’une ère révolue. Monsieur, c’est tellement plus simple. Nous vivons au XXIe siècle, parbleu. Le monde avance à une vitesse vertigineuse et vous vous complaisez dans vos crises existentielles et avez l’audace de vouloir nous entraîner avec vous. Je dois cependant reconnaître que vous souscrivez parfaitement à cette pensée de Goethe : « Qui ne sait pas tirer les leçons de 3 000 ans vit seulement au jour le jour. » Voilà ce que nous ressentons. Oui, l’avenir n’appartient qu’au mérite. Mais ça, c’est une autre histoire… Karim S. TABET Directeur général de Drive Communication *Romain Gary.

Nous étions des milliers, des dizaines de milliers à assister, agglutinés à nos téléviseurs, à l’élection présidentielle française de dimanche dernier.
Nous étions accrochés, fascinés, émerveillés, mais aussi envieux de constater, de ressentir ce que la démocratie a de plus beau à offrir.
Nous étions aussi désemparés, un goût amer à la bouche (accompagné...