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RENCONTRE - Son dernier livre, « Raghm kol haza… », est en librairie Nour Salman entre littérature et action caritative

Il y a presque l’image d’un des plus beaux films d’Anatole Litvak «All This and Heaven Too» dans le dernier recueil de poésie en arabe de Nour Salman, justement intitulé «Raghm kol haza...» (qui se traduirait par «Malgré tout cela...»,122 pages, Dar Nelson). Malgré quoi ? Malgré tout cela, pardi ! Et l’on comprend parfaitement, par simple intuition, par le biais d’une triste connivence, que ce filandreux et vague « tout cela », c’est le marasme, la décrépitude et l’attente fébrile d’un quotidien qui perd de plus en plus ses couleurs et sa saveur. Un ras-le-bol de ce chaos, de cette anarchie, de cette dégradation et de ce pourrissement qui se sont installés en toute tranquille et impudente insolence… Une image, avec quelques mots, qui en dit trop sur la réalité non seulement du Liban, mais aussi d’une région qui s’est depuis longtemps écartée de toute notion de paix, d’ordre, d’organisation, de planification et de sérénité. Attrapée de justesse avant de prendre un vol pour Sydney en Australie où l’ Union du patrimoine arabe lui décerne le prix Gebran pour l’ensemble de son œuvre littéraire, Nour Salman, lunettes et ensemble noirs, perles nacrées aux oreilles et camé au cou, évoque, au cours d’une rencontre, une longue carrière vouée à l’écriture depuis 1962 et à l’action caritative. Une carrière littéraire riche de nombreux ouvrages allant de l’essai (Soufisme de l’islam, Étude sur la poésie symboliste moderne, Littérature algérienne entre refus et libération) aux nouvelles et romans (al-Aayn al- hamraa-L’œil rouge, traduit en chinois ! Et demeurent la mer et le ciel), en passant par la poésie (Une aube pour la colère, Ila rajoulen lam ya’ti-À un homme qui n’est pas venu)… Digne fille et héritière de Zahia Salman pour ses travaux d’entraide sociale, Nour Salman a promis à sa mère qu’elle sera toujours là pour l’enfance et les démunis. Mais à côté de cette activité faite de don, de labeur et de générosité, et dont elle en parle d’ailleurs avec une extrême discrétion, avec la délicatesse d’une personne marchant sur la pointe des pieds pour ne pas déranger, la femme de lettres est bien plus volubile quand il s’agit de romans, de poésie soufie, du Hallaj, de l’amour, de Dieu… « Je me sens plus à l’aise avec la poésie libre, dit Nour Salman en parlant de son dernier opus. C’est une expression qui emboîte le pas au rythme du siècle. La prosodie de la métrique classique, rigoureuse et contraignante, ne m’a pas satisfaite. Dans cet ouvrage, fidèle à mon inspiration de toujours, j’aborde les sujets, simples ou brûlants, où l’être est en communication avec ce qui l’entoure. De la foi aux intermittences du cœur, en passant par ce qui fait la tessiture de ce qui nous inspire, tout m’intéresse pour mieux parler de l’être vivant. Malgré cette déplorable situation, je tenais à dire, par cette poésie existentielle, combien tous les espoirs sont encore permis. Je suis blessée pour le Liban et je m’interroge tous les jours sur cette grâce qu’est l’amour, solution miracle à tout, et qui nous est donnée à profusion par Dieu. J’ai toujours pensé que le pouvoir isole. Mes mots sont ceux d’une élévation éthérée qui nous emmène bien loin des tourmentes du corps quoiqu’il y ait une soif inextinguible des corps dans le monde arabe… Je suis réaliste et je me refuse aux idées romantiques. Avouons-le, il y a des libertés bien plus terribles et troublantes en dépit des “ abaya ” qu’on porte… Qu’est-ce que j’attends de la littérature ? Beaucoup ! Car la littérature est une expression majeure. Si j’essaye d’être simple dans mon écriture, c’est pour une plus grande et meilleure portée de ma pensée. En cette époque de rapidité, les gens ne peuvent se concentrer sur les grands développements. C’est pour cela que je m’interroge sur l’avenir du roman. Le rythme du siècle est pour la concision. Ce livre, Raghm kol haza, me rapproche de mes concitoyens tout en attestant combien je les aime et partage leurs préoccupations… La femme en Orient ne doit pas perdre son rôle ; elle demeure avant tout une partenaire et non une suivante. Je suis une citoyenne qui réagit à tout. Je ne peux pas me contenter des apparences. Et seule la femme peut faire cela, car elle a de l’intuition… Je le redis une fois de plus, je suis blessée pour le Liban qui devrait être beaucoup mieux que cela ! Avec une culture à la portée de tous. Une femme tenant un rôle plus déterminant, dans une égalité juste pour sa nature et son essence. Et des intellectuels plus actifs et non pas tenus à l’écart de toutes les décisions ! Les poètes ont voix au chapitre aussi, il faut les écouter, car ce sont des élus, des messagers, des prophètes… » Edgar DAVIDIAN
Il y a presque l’image d’un des plus beaux films d’Anatole Litvak «All This and Heaven Too» dans le dernier recueil de poésie en arabe de Nour Salman, justement intitulé «Raghm kol haza...» (qui se traduirait par «Malgré tout cela...»,122 pages, Dar Nelson). Malgré quoi ? Malgré tout cela, pardi ! Et l’on comprend parfaitement, par simple intuition, par le biais...