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Actualités - REPORTAGE

Jacques Roussellier, ancien porte-parole de la Minurso, explique les différents enjeux du plus vieux litige territorial d’Afrique Après trente ans de conflit, le statu quo toujours en vigueur au Sahara occidental Rania MASSOUD

Alors que la question épineuse du Sahara occidental semblait être dans une « impasse illimitée », le 11 avril dernier, le Maroc et le Front Polisario ont tous deux soumis aux Nations unies deux projets opposés pour mettre fin au plus vieux litige territorial d’Afrique qui les divise depuis 32 ans. Aujourd’hui, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se saisir du dossier et appeler les parties à des négociations directes et sans conditions préalables sur l’avenir du Sahara occidental. Jacques Roussellier, chercheur adjoint au Middle East Institute et ancien porte-parole de la Mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), explique à « L’Orient-Le Jour » pourquoi le conflit n’a toujours pas été réglé, 16 ans après le déploiement de la mission onusienne dans la région. Depuis le 6 septembre 1991, aucun progrès majeur n’a été enregistré dans l’épineuse question du Sahara occidental. Cette date importante marque la fin du conflit armé qui a opposé le Maroc aux combattants séparatistes du Front Polisario, soutenus militairement, financièrement et diplomatiquement par l’Algérie. Cette « trêve », toujours en vigueur et qui est intervenue sous l’égide de l’ONU, était censée favoriser l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental. Cette consultation n’a toutefois jamais eu lieu, malgré les efforts de l’ex-secrétaire d’État américain, James Baker, qui a été chargé de ce dossier par Kofi Annan dès sa nomination en 1997 comme secrétaire général de l’ONU. « L’obstacle le plus important qui a empêché l’organisation du référendum est la question du recensement de la population au Sahara occidental. Le Polisario insistait pour que ce référendum se base sur un recensement qui date de l’époque coloniale espagnole, étant donné qu’une grande partie de la population qui réside aujourd’hui dans la région est promarocaine », explique Jacques Roussellier. Le Maroc contrôle aujourd’hui près de 80% du Sahara occidental. Des dizaines de milliers de Marocains, venus du Nord, se sont installés au fil des ans dans la partie du Sahara contrôlée par l’armée marocaine, attirés par des salaires généreux dans la fonction publique locale et des exemptions fiscales (voir l’article ci-dessous). Deux plans, la même impasse Mais le 11 avril, le débat sur l’autodétermination du Sahara occidental a de nouveau été relancé. Le Maroc et le Polisario viennent chacun de soumettre à l’ONU un plan visant à résoudre le litige territorial. Toutefois, les deux textes divergent fortement : Rabat n’est en effet pas prêt à autoriser la tenue d’un référendum, réclamée par les Sahraouis, sur l’indépendance de l’ancienne colonie espagnole. Le plan marocain propose l’autonomie au Sahara occidental tout en conservant la « compétence exclusive sur les attributs de souveraineté, notamment le drapeau, l’hymne national et la monnaie ». Le gouvernement marocain garderait également le contrôle sur la sécurité nationale, les relations extérieures et l’ordre juridictionnel. Parallèlement, le Polisario s’est déclaré, dans son propre « projet de solution », prêt à accorder au Maroc des « garanties » en matière de sécurité, d’exploitation en commun des richesses naturelles, et a promis d’octroyer la nationalité sahraouie aux résidents marocains de ce territoire au cas où un référendum se concluait par l’indépendance. « Le texte présenté par les indépendantistes sahraouis n’est en réalité qu’une répétition de leurs demandes et il ne peut être ainsi considéré comme un plan de paix, estime M. Roussellier. D’un autre côté, en comparant le projet marocain à celui de James Baker, présenté en 2000, l’on constate que Rabat a fait un pas en avant et trois autres en arrière. » Selon l’ancien porte-parole de l’ONU, l’avantage du plan Baker est qu’il a su « marier les deux positions ». « Il avait proposé l’autonomie au Front Polisario, tout en restant vague sur l’idée d’un référendum d’indépendance. Baker pariait qu’avec le temps, les Sahraouis, une fois devenus autonomes, deviendraient mieux organisés et abandonneraient par la suite la chimère d’un État indépendant », explique-t-il. L’ONU divisée Aujourd’hui, le Conseil de sécurité de l’ONU devrait réexaminer la question, et inciter le Maroc et le Polisario à négocier sans conditions l’avenir du Sahara occidental. Il y a six mois, Kofi Annan avait tenté vainement d’obtenir du Conseil de sécurité qu’il impose des négociations directes entre les deux parties, mais le Conseil ne l’avait pas suivi. La situation a toutefois changé récemment : chacun des deux camps dispose désormais d’un plan et de soutiens au Conseil. Ces deux derniers mois, Rabat a mené une vaste campagne diplomatique en envoyant des émissaires dans tous les pays membres du Conseil de sécurité, et dans de nombreux pays du monde arabe, d’Europe, et d’Amérique latine. Le Maroc a ainsi réussi à gagner la sympathie de plusieurs capitales, dont Madrid, l’ancienne puissance coloniale, et Washington. Le Polisario et l’Algérie disposent, quant à eux, du soutien de l’Italie, de l’Afrique du Sud et des pays en développement. « Aucun pays membre du Conseil de sécurité – même pas les États-Unis – ne va forcer une résolution qui donnera l’avantage à l’une des parties en litige, estime M. Roussellier. Il ne faut pas oublier que l’Algérie et le Maroc sont des “États fragilisés” après avoir été frappés, il y a seulement quelques semaines, par des attentats meurtriers. Il n’y aura, à mon avis, pas de pression pour faire passer une résolution controversée sur la question. » C’est donc le statu quo qui l’emporte pour le moment au Sahara occidental. Mais face à un « échec diplomatique » pour la résolution du conflit, certains experts en terrorisme international ont mis en garde contre un retour à la lutte armée des combattants du Polisario. Rabat est même allé jusqu’à faire le lien entre le mouvement indépendantiste et le réseau d’el-Qaëda. « Cette thèse n’est pas crédible », assure toutefois M. Roussellier. Selon lui, la menace terroriste n’est à craindre qu’à long terme, surtout en l’absence d’une « réelle coopération » entre Alger et Rabat. Le chercheur français assure que si le Maroc et l’Algérie ne coordonnent pas leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme, c’est la sécurité de tout le Maghreb qui sera en jeu. « La région pourrait être frappée par des attentats de grande envergure, encore inconnus jusqu’à ce jour », estime-t-il.
Alors que la question épineuse du Sahara occidental semblait être dans une « impasse illimitée », le 11 avril dernier, le Maroc et le Front Polisario ont tous deux soumis aux Nations unies deux projets opposés pour mettre fin au plus vieux litige territorial d’Afrique qui les divise depuis 32 ans. Aujourd’hui, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se saisir du dossier et...