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Actualités - OPINION

Aphorismes Hubris-Vertu : 3-0

Un peu partout en Europe, les actes de violence se multiplient autour des matches de foot, entraînant parfois, comme à Paris ou à Catane, mort d’homme. Alors que les honnêtes gens s’indignent et que des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour stigmatiser les hooligans et exiger qu’un terme soit mis à leurs agissements, la réponse des autorités se résume en trois mots : législation, contrôle et répression. Tant et si bien qu’à force de listes noires, de fouilles corporelles, de grillages, de sas, de ségrégation, de miradors et de caméras de surveillance, les stades de foot prennent des allures de camps de concentration. Mais le problème est-il vraiment là où l’on croit qu’il est ? Rien n’est moins sûr. Lorsqu’on voit des vedettes du ballon rond simuler, tricher, plonger dans la surface de réparation, provoquer leur adversaire verbalement, le frapper même et, plus généralement, faire de tout pour gagner, même au prix de l’honneur et de l’équité, doit-on s’étonner que les gosses qui les adulent et les voient se comporter comme des forcenés en fassent de même ? Dans ce jeu de miroirs où la violence sur les gradins est le reflet de celle qui s’exerce sur le terrain, c’est en réalité la responsabilité des joueurs qui est engagée. Mais avant de blâmer les joueurs, sans doute devrait-on se dire que la violence sur le terrain est elle-même le reflet d’une autre violence, qui s’exerce dans les coulisses. C’est là que le ton est donné, que les mots d’ordre sont lancés, que les magouilles se préparent et que des fortunes se font et se défont en cachets, en matchs truqués, en arbitres achetés, en transferts et en droits de retransmission. Comment s’étonner, après cela, qu’une fois sur la pelouse, les joueurs pratiquent volontiers les coups bas ? Ils seraient fair-play, que leurs dirigeants les tanceraient. Dans ce jeu de miroirs où la violence sur la pelouse n’est que le reflet de celle qui a cours dans les coulisses, c’est la responsabilité des entraîneurs, des agents de joueurs et des présidents de clubs et de fédérations qui est cette fois engagée. Mais avant de blâmer les professionnels du foot, sans doute devrait-on se dire que la violence qui a cours dans ce sport est elle-même le reflet d’une violence qui s’exerce dans la société où elle est non seulement tolérée, mais encouragée. Certes, elle se donne ici d’autres noms, préférant s’appeler libre concurrence, avancement, accomplissement, dépassement de soi, spectacle, publicité, célébrité, succès, mais elle n’en répond pas moins à une seule et unique loi sur laquelle Horace avait parfaitement mis le doigt : « Fais-toi une place, nous dit-elle, si possible avec grâce, sinon, par tous les moyens. » Oui, par tous les moyens. Quitte à sacrifier pour cela la justice à l’ambition, l’honneur à l’accumulation et la vérité au désir d’adulation. Dans ce jeu de miroirs où la violence du foot reflète celle de la société, c’est cette fois-ci la responsabilité de cette dernière qui est engagée. Mais avant de blâmer la société, sans doute serait-il bon de se demander si la violence qui s’y exerce ne serait pas finalement le reflet de celle que nous portons en nous-mêmes. Car la société n’est jamais que la somme des individus qui la composent. Les guerres, les rivalités économiques, les conflits sociaux et politiques, les échauffourées sur le terrain et les batailles rangées sur les gradins ne seraient alors que la manifestation spectaculaire de notre comportement quotidien qui privilégie en permanence la démesure à la tempérance. En somme, ces hooligans que nous dénonçons et que nous souhaiterions voir jetés en prison, c’est nous. Hubris-Vertu : 3-0. Le score est sans appel. L’Hubris se qualifie aisément pour le prochain tour de la compétition. La Vertu, elle, est éliminée. Percy KEMP

Un peu partout en Europe, les actes de violence se multiplient autour des matches de foot, entraînant parfois, comme à Paris ou à Catane, mort d’homme. Alors que les honnêtes gens s’indignent et que des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour stigmatiser les hooligans et exiger qu’un terme soit mis à leurs agissements, la réponse des autorités se résume en...