Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

L’alignement de certains journalistes fausse la règle du jeu La guerre des médias approfondit le clivage politique et menace les fondements du 4e pouvoir Jeanine JALKH

La polarisation de la scène politique libanaise en deux camps adverses a entraîné dans son sillage une majorité d’intellectuels et de journalistes qui mène par d’autres moyens la guerre politico-idéologique en cours. Depuis le déclenchement de la révolution du Cèdre, provoquée par l’assassinat de Rafic Hariri, le paysage médiatique libanais a évolué au gré des événements qui, depuis, n’ont cessé d’endeuiller le pays. Les nombreux défis auxquels sont confrontés les journalistes libanais dans la conjoncture présente et à la lumière du profond clivage dont souffre le pays ont été au centre d’un séminaire organisé par l’association Maharat, en collaboration avec Friedrich-Ebert-Stiftung sur le thème du « Rôle des médias dans la construction d’une culture de la paix ». Aussitôt débarrassés du poids des pressions syriennes exercées sur le corps du métier durant la période de l’occupation, les journalistes – du moins une majorité d’entre eux – ont pris d’autant plus à cœur leur combat en faveur de la liberté que plusieurs de leurs collègues ont été menacés, voire éliminés, dans le cadre de la série noire des assassinats politiques. La lutte pour leur survie intellectuelle mais aussi physique a eu pour conséquence un alignement politique quasi passionnel, qui a fini par éloigner bon nombre d’entre eux de toute objectivité. En réaction, les médias dits de l’opposition se sont blindés dans leurs convictions et prises de position, se transformant en une tribune politique pour défendre et fédérer les opinions du camp adverse. Mise en sourdine durant l’offensive israélienne contre le Liban, la guerre des médias a repris de plus belle dès la cessation des hostilités, la majorité faisant assumer au Hezbollah la responsabilité des destructions et des morts, l’opposition accusant à son tour ses adversaires de trahison suprême. Un combat relayé par les médias en place… La question de l’adoption du tribunal international a achevé d’envenimer le climat politique de part et d’autre. Désormais, les organes de presse et les médias audiovisuels, dans leur grande majorité, ne font plus que répercuter, en l’approfondissant, la crise politique. Armés de leurs supports médiatiques, majorité et opposition exploitent à leur tour l’espace d’expression public que leur offrent les journalistes de part et d’autre. S’éloignant de plus en plus de leur mission première, qui est d’informer et de révéler la vérité quelle qu’elle soit, certains journalistes se sont transformés en un instrument de propagande aux mains des responsables politiques qui n’hésitent pas parfois à les soudoyer. Inquiets des déviations que subit depuis un certain temps la profession, des intellectuels – anciens journalistes, professeurs d’université – tirent la sonnette d’alarme en mettant en garde contre une récidive de l’expérience de la guerre civile dont le feu a été, 20 ans durant, alimenté par les médias eux-mêmes. On ne le dira jamais assez : la répartition des médias audiovisuels et des organes de presse sur base de critères communautaires et politiques a été un élément décisif dans l’approfondissement des clivages parmi les journalistes, dont certains sont pris au piège du jeu politique imposé par les patrons des médias. Ceux d’entre eux qui subissent cet état de fait sans pouvoir le contrecarrer n’ont généralement devant eux que deux options : se plier à la réalité ou se reconvertir à une autre carrière. Si la diversité des opinions est un tant soit peu assurée par le foisonnement des chaînes de télévision, de radio et des organes de presse, elle ne garantit pas pour autant une véritable liberté de presse, entendue sous l’angle de la vérification de l’information, de l’esprit critique et de la reddition de comptes. Se confondant souvent avec l’un ou l’autre des trois pouvoirs politiques en place, le quatrième pouvoir risque ainsi de perdre sa raison d’être.
La polarisation de la scène politique libanaise en deux camps adverses a entraîné dans son sillage une majorité d’intellectuels et de journalistes qui mène par d’autres moyens la guerre politico-idéologique en cours. Depuis le déclenchement de la révolution du Cèdre, provoquée par l’assassinat de Rafic Hariri, le paysage médiatique libanais a évolué au gré des événements...