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Actualités - OPINION

EFFEUILLAGE Vue sur mer

J’ai été longtemps désirée, longtemps attendue… Et lorsque Monsieur Vilars a eu les moyens financiers de réaliser son rêve, les travaux ont commencé. Pendant un peu plus de deux ans, sa famille avait imaginé, jusque dans les moindres détails, ce lieu privilégié qui devait abriter leur bonheur. Je me souviens que Monsieur Vilars était présent tous les jours sur le chantier. Sitôt son travail terminé, il supervisait celui des ouvriers et n’avait de cesse de les interroger pour être informé de tout : il connaît mon anatomie mieux que personne. Et je suis bien aise d’appartenir à un homme qui m’a consacré autant de temps et qui m’est très attaché puisque je réponds à toutes ses attentes. J’ai de bonnes raisons de croire qu’il ne me vendra pas. Il n’est pas rare qu’une maison change de propriétaires ou de locataires, se vide de ses hôtes et de ses meubles… J’espère ne jamais connaître ce triste sort. Comment ne pas s’attacher à ceux qui vivent à l’intérieur de nos murs? J’aime profondément cette famille, je la connais si bien… Je sais qu’il arrive à Nicolas de mentir quand il prétend être rentré la veille avant deux heures du matin. Je sais que Manon lit des livres en cachette sous sa couverture grâce à une lampe de poche. Je sais les sourires et les larmes du petit Lucas qui gigote dans son berceau. Je sais que sa maman se réveille plusieurs fois la nuit pour surveiller sa respiration. Je connais tous les objets qui leur sont familiers et conserve même dans mes greniers des bricoles auxquelles ils attachent une grande valeur affective; et dont la présence rassure même si elles sont oubliées. Je connais tous les sons qui les entourent. Je sais le bruit de l’eau chaude dans les tuyaux, l’imperceptible craquèlement des étagères sous le poids des livres, le doux crépitement du feu dans la cheminée… Je sais les mots que Nicolas murmure à l’oreille de sa fiancée. Je sais les berceuses que sa maman chante pour Lucas et que Manon fredonne à son tour. Je suis une maison au toit de tuiles rouges et aux volets bleus. J’offre une vue imprenable sur la mer ; je suis une maison où l’on peut vivre heureux. Les Vilars y croient tout au moins. Mais je sais, moi, que ni la mer, ni les tuiles rouges, ni les volets bleus ne sont indispensables à leur bonheur. Il y a tant d’amour dans leur vie… Lamia EL-SAAD
J’ai été longtemps désirée, longtemps attendue… Et lorsque Monsieur Vilars a eu les moyens financiers de réaliser son rêve, les travaux ont commencé.
Pendant un peu plus de deux ans, sa famille avait imaginé, jusque dans les moindres détails, ce lieu privilégié qui devait abriter leur bonheur.
Je me souviens que Monsieur Vilars était présent tous les jours sur le...