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Actualités - OPINION

Management Tentez la confiance…

Par Abdel-Maoula CHAAR * Il y a quelques jours, une chaîne de télévision diffusait une émission étonnante. On y voyait des entreprises qui épiaient leurs employés au moyen de dizaine de caméras de surveillance, d’autres qui espionnaient les communications électroniques de leurs salariés grâce à des logiciels spécialisés ou qui faisaient suivre leurs vendeurs par des détectives privés pour s’assurer que ceux-ci effectuaient bien la tournée de leurs clients. Les dirigeants expliquaient ces mesures en arguant du fait qu’ils avaient été volés par un employé de confiance, que la productivité de leurs salariés était en baisse à cause de leur fréquentation assidue de sites Internet non professionnels (coquins et autres) ou que le vendeur qu’ils avaient fait suivre passait le plus clair de son temps à la piscine. À leur avis, les mesures adoptées permettaient de régler leurs problèmes. Il ne s’agit pas de s’interroger, ici, sur la légitimité de ces mesures, mais sur leurs résultats effectifs. Pour cela, nous allons tenter une métaphore. Ce procédé est couramment utilisé lorsqu’il s’agit d’expliquer des situations complexes. Il permet de saisir intuitivement certaines réalités. Ainsi, dans le cadre de l’étude des organisations, on utilise beaucoup la métaphore de l’organisation-machine pour comprendre le fonctionnement de la bureaucratie ou celle de l’organisation-culture pour saisir toute la complexité des interactions qui se déroulent dans le cadre de la firme. Dans le cas qui nous intéresse, l’image de l’entreprise-prison semble s’imposer. Elle permet de constater qu’à l’image d’un prisonnier, l’aspiration première d’un employé surveillé à outrance devient la fuite. Pour cela, il dispose d’un instrument qui lui permet de s’assurer des plages de liberté : sa zone d’incertitude. Celle-ci est composée de tous les éléments que la direction ne peut pas formellement contrôler. L’employé ne dévoilera pas, par exemple, ses compétences et capacités réelles. Dans ces conditions, comment savoir ce qu’il sait réellement faire et, partant, comment évaluer le temps dont il a effectivement besoin pour accomplir les tâches qui lui sont confiées ? On pourrait, aussi, évoquer des questions reliées à la maîtrise du savoir-faire, des réseaux de relations ou des règles institutionnelles, etc. Ainsi, en voulant contrôler le détail de la vie de leur compagnie, certains dirigeants finissent par arriver à la situation assez paradoxale où ils en perdent partiellement le contrôle. Cette situation est d’autant plus déplaisante que ces responsables commencent par ne pas se rendre compte de la situation (c’est le principe même de la zone d’incertitude) et au moment où ils le font, les moyens coercitifs qu’ils utilisent pour essayer de réduire la zone d’incertitude de leurs employés poussent ces derniers à essayer de l’élargir à nouveau en en déplaçant certains éléments… ce qui fait sombrer l’entreprise dans la sempiternelle lutte entre pouvoirs formel et informel. Dans ces conditions, faut-il laisser les voleurs voler, les paresseux paresser et les flâneurs flâner ? L’objectif de ces réflexions sur la zone d’incertitude n’est pas d’excuser des comportements indus, mais de relever que le « flicage » des organisations n’adresse que des symptômes en ignorant le fond de la question. La mise en place de la solution à ce type de problèmes peut être extrêmement complexe alors que son principe directeur tient en une phrase : instituer une dynamique organisationnelle qui mène à la création de zone de confiance en lieu et place de zone d’incertitude. * Spécialiste en stratégie et théorie des organisations – Centre de recherche et d’études doctorales de l’ESA (CRED) En coopération avec l’ESA

Par Abdel-Maoula CHAAR *

Il y a quelques jours, une chaîne de télévision diffusait une émission étonnante. On y voyait des entreprises qui épiaient leurs employés au moyen de dizaine de caméras de surveillance, d’autres qui espionnaient les communications électroniques de leurs salariés grâce à des logiciels spécialisés ou qui faisaient suivre leurs vendeurs par...