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Actualités - OPINION

LE POINT Printemps précoce

Qu’on se le tienne pour dit : quand on cherche Mahmoud Ahmadinejad, on le trouve. Ali Akbar Hachémi Rafsandjani en a fait l’expérience pas plus tard qu’hier, quand le chef de l’État s’en est vivement pris à lui sans le nommer, choisissant plutôt de dénoncer ceux « qui se qualifient d’analystes et de politiciens » pour demander aux gens de « plier au lieu de se dresser contre les ennemis ». Ah ! Mais... L’impétueux président iranien est familier de ce genre de charge, lui dont les propos tiennent plus souvent de la harangue passionnée que du discours raisonné, et on n’est pas près d’oublier ses philippiques enflammées contre l’État hébreu, qu’il ressort périodiquement, comme en rappel, à ceux qui auraient tendance à l’oublier, qu’en matière d’outrances verbales, nul ne pourrait lui en remonter. En réalité, il importerait de ne pas prendre l’homme pour, en définitive, ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire le maître du pays, et la situation en grande partie par lui créée pour un simple conflit avec l’Occident sur un programme d’armement nucléaire qui se trouve encore dans les limbes et qui, dans le fond, ne fait peur à personne, malgré les cris d’orfraie poussés ici ou là par des dirigeants en quête d’un rétablissement à peu de frais. Car cette bombe, les experts en conviennent même s’ils divergent sur les délais pour sa mise au point, représente un bien commode épouvantail. Mais le bel argument que celui-là, pour l’Administration américaine en quête d’un nouveau « vilain » (comme dans tout bon western) après la chute de la maison baassiste en Irak comme pour le maître de Téhéran, en position de faiblesse aujourd’hui, face à des adversaires qui recommencent à montrer les crocs. Avec son adversaire d’hier dans la course à la présidence, l’ancien maire de la capitale a plus d’un compte à régler. À tort ou à raison, il sent que le vent souffle de nouveau dans la bonne direction, la sienne bien entendu, depuis que l’ayatollah Ali Khamenei, revenu semble-t-il à de meilleurs sentiments à son égard, a approuvé le choix de deux nouveaux membres du Conseil de discernement proches de lui, pour remplacer deux alliés de Rafsandjani, par ailleurs maître de cet organisme chargé de valider les options du gouvernement. Jusqu’alors, le guide suprême s’était fort bien accommodé d’une situation au flou soigneusement entretenu par lui, ce qui lui permettait d’assumer le rôle censé être le sien : celui d’ultime recours, comme stipulé dans le concept du vilayet e-faqih. Mais la remise en cause, depuis quelque temps, de l’autorité du président risquait tôt ou tard de ternir l’aura dont aime s’entourer le successeur de Ruhollah Khomeiny, sans compter qu’elle était de nature à aiguiser l’appétit de la vieille garde religieuse, constituée d’un groupe de grands ayatollahs peu suspects – exception faite pour quelques-uns – de sympathie à l’égard d’un homme, civil de surcroît, qu’ils jugent potentiellement dangereux, principalement en raison de ses outrances verbales. Dans la ville sainte de Qom, on avait jugé malvenue sa petite phrase prononcée au lendemain de son élection, au détour d’un entretien avec l’envoyé spécial de l’agence d’information américaine UPI : « Nous n’avons pas fait la révolution, avait-il déclaré alors, pour établir la démocratie. » Le paradoxe iranien – ce n’est pas le seul – réside dans le fait que le pays, même si cela n’est pas dit explicitement, est régi par des chefs qui ne sont pas désignés par le peuple, tandis que les élus populaires, eux, ne gouvernent pas. Et le rang occupé dans la hiérarchie religieuse revêt une importance toute relative dès lors qu’il s’agit d’exercer une haute charge. Ainsi, Rafsandjani n’est qu’hodjatoleslam, un titre dont l’obtention ne nécessite pas des études particulièrement poussées, mais ses attributions au sein de l’Assemblée des experts lui garantissent le droit d’intervenir dans les affaires de l’État, même si – ce qui est le cas – de sérieux soupçons de corruption pèsent sur sa personne. Certes, l’atmosphère ces temps-ci est loin de refléter un sentiment de fin de règne, mais il flotte dans l’air comme une odeur de révolte, bien faible pour l’heure, annonciatrice d’un printemps sinon chaud à tout le moins tiède. Après les jeunes, ce sont les féministes qui commencent à bouger pour réclamer des modifications de la loi islamique et l’égalité des droits avec les hommes. À quoi s’ajoute la multiplication des incidents dans les régions où vivent des minorités religieuses ou ethniques : le Khouzistan, avec son pétrole, son gaz, son eau et ses 2 millions d’Arabes, le Balouchistan en proie à un chômage qui touche jusqu’à 50 pour cent de la population active, le Kurdistan iranien et ses 4,8 millions de Kurdes, pour ne citer que ces zones. En bref, de quoi donner des idées à l’Administration Bush. Laquelle commençait à sérieusement en manquer... Christian MERVILLE

Qu’on se le tienne pour dit : quand on cherche Mahmoud Ahmadinejad, on le trouve. Ali Akbar Hachémi Rafsandjani en a fait l’expérience pas plus tard qu’hier, quand le chef de l’État s’en est vivement pris à lui sans le nommer, choisissant plutôt de dénoncer ceux « qui se qualifient d’analystes et de politiciens » pour demander aux gens de « plier au lieu de se...