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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE Bagdad PD Blues

Peu de métiers sont plus terrifiants que celui de policier en patrouille à Bagdad : il faut plonger au quotidien dans l’antre de la peur, à bord d’un Land Cruiser non blindé. Les policiers sont à cran. Ils crient des ordres aux automobilistes, gesticulant avec leur kalachnikov. Les murs de la salle de conférences de leur quartier général fortifié sont recouverts des portraits de 180 « martyrs » tués dans l’exercice de leurs fonctions. L’unité de patrouille de Bagdad a commencé à afficher ces portraits en 2003. Mais depuis 2005, il n’y a plus de place sur les murs. « Ce n’est qu’une goutte dans l’océan. Il y a tellement de gens qui ont versé leur sang », soupire un officier. « C’était nos camarades. Nous sommes une famille. » La police irakienne est en première ligne alors qu’un nouveau plan de sécurisation de Bagdad a été lancé pour tenter de maîtriser les violences confessionnelles. Les policiers sont déployés aux côtés des soldats américains, qui circulent à bord de véhicules blindés Stryker appuyés par des hélicoptères de combat, ainsi que des militaires irakiens, bien armés à bord de leurs Humvees. Avec leurs armes légères et leurs pick-up usés ou leurs 4x4 Toyota, les agents de police irakiens sont les plus vulnérables aux attaques quotidiennes. Néanmoins, le moral est meilleur depuis le lancement du nouveau plan de sécurité de Bagdad, baptisé « Opération Fardh al-Qanoun » (« Imposer la loi »). Même si le général Ali Hossein al-Yassiri, commandant des patrouilles de police de Bagdad, juge que la « sécurité ne sera pas rétablie rapidement » et qu’il y « aura des problèmes », il veut croire que les « choses vont s’améliorer ». Le convoi du général sort lentement de sa base, située dans le quartier Karrada, passant devant une bannière noire hissée là en hommage à l’officier Ali Rahmin Karim, « tué dans une attaque lâche alors qu’il exerçait son devoir sacré ». Klaxonnant sans relâche, la patrouille se dirige vers le quartier proche de Zayouna, jadis l’un des plus plaisants de la capitale. Dans la rue Roubaï, le général Yassiri descend de voiture pour saluer les policiers en poste à un des points de contrôle les plus dangereux de la capitale, dans un secteur connu pour les attentats à la voiture piégée d’el-Qaëda. Deux Apache de l’armée américaine survolent le secteur, mais, au sol, le commandant irakien n’est protégé que par un policier corpulent armé d’un fusil automatique et un groupe d’officiers novices. Il est satisfait : depuis le début du nouveau plan de sécurité en février, les violences confessionnelles ont diminué et la vie revient dans cette rue, jadis très commerçante. « Les choses vont mieux. Vos hommes font un bon travail », assure Samer Mohammad, fleuriste de 47 ans, à l’adresse du commandant de police. « Il y a eu des changements, les choses vont un peu mieux, nous espérons que ça va marcher », confie-t-il à l’AFP. Mais tout le monde n’est pas du même avis. « Rien n’a changé », dit Marwa, femme au foyer de 20 ans sortie malgré tout faire ses courses rue Roubaï. Le général Yassiri l’a entendue. Il intervient. « D’accord, les choses ont un petit peu changé », admet-elle. Non loin de là, Layla Abdelhamid profite de l’accalmie pour faire les courses avec sa petite-fille. « Nous craignons pour notre vie, pour nos époux et nos enfants. Il y a moins d’enlèvements, mais il y a toujours des voitures piégées, et j’ai appris qu’un policier avait été tué près d’ici ce matin même », dit-elle. Les officiers veulent plus d’armes, des véhicules neufs, de meilleurs équipements. « Ils ne me donnent que 10 litres de diesel par jour », rit l’un des chauffeurs. « Comment voulez-vous appliquer un “plan de sécurité” avec ça ? » Le grésillement du talkie-walkie se fait entendre et une voix annonce qu’une voiture piégée a explosé dans un marché : « Nous avons trois morts et 35 blessés. Nous avons besoin d’eau pour éteindre le feu. » Dave CLARK (AFP)

Peu de métiers sont plus terrifiants que celui de policier en patrouille à Bagdad : il faut plonger au quotidien dans l’antre de la peur, à bord d’un Land Cruiser non blindé.

Les policiers sont à cran. Ils crient des ordres aux automobilistes, gesticulant avec leur kalachnikov. Les murs de la salle de conférences de leur quartier général fortifié sont recouverts des...