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Le comédien s’associe avec des acteurs israéliens pour combattre l’extrémisme, l’ignorance et la haine Ray Hanania, un humoriste US d’origine palestinienne au service de la paix Propos recueillis par Rania MASSOUD

Ray Hanania est loin d’être un homme ordinaire. Journaliste américain d’origine palestinienne, il décide de se lancer dans la comédie « stand-up » juste après les attentats du 11 septembre 2001, en réaction à la haine aveugle ressentie par de nombreux Américains envers la communauté arabe. Ray est issu d’une famille chrétienne de Jérusalem. Son père, Georges, a servi dans l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Lui-même d’ailleurs est un ancien combattant de la guerre du Vietnam. À 54 ans, après plus de trente ans de carrière dans le journalisme, Ray Hanania, connu pour sa modération, a reçu plus de six prix journalistiques et a même été nominé pour le prestigieux prix Pulitzer en 1991. Marié à une juive, il se consacre aujourd’hui, avec des comédiens israéliens, à la lutte contre l’extrémisme, l’ignorance et la haine, avec l’humour pour seule arme. Dans un entretien accordé à « L’Orient-Le Jour », il nous dévoile sa personnalité tragi-comique et son rêve de voir, un jour, Palestiniens et Israéliens vivant enfin en paix, côte à côte. Q - Comment vous est venue l’idée de faire de la comédie « stand-up » avec des acteurs israéliens ? « J’ai toujours pensé que les dirigeants politiques arabes et israéliens sont les principaux responsables du conflit au Moyen-Orient. Je suis convaincu qu’en tant qu’individus nous pouvons, à travers la communication, surmonter nos différences, surtout dans cette région du monde. C’est donc après les attentats contre le World Trade Centre que j’ai décidé de me lancer dans la comédie. Je me rappelle qu’un jour, après le 11-Septembre, une Américaine s’est approchée de moi et m’a demandé d’un air révolté : « Comment as-tu pu renoncer au christianisme pour te convertir en Arabe ? » Les États-Unis sont l’un des pays les plus éduqués au monde, mais, malheureusement, une large partie de la population américaine manque de culture générale. J’exerce le métier de journaliste depuis 32 ans et j’ai gagné de nombreux prix, mais ce jour-là j’ai compris qu’aucun article journalistique ne pourra changer l’avis des nombreux Américains qui pensent comme cette femme. L’humour, par contre, est l’un des moyens de communication les plus puissants parce qu’il permet de vaincre et de surmonter la haine et la peur. Après quelques années, j’ai décidé de jouer avec des comédiens juifs, mais surtout israéliens, parce que j’étais persuadé qu’il fallait agir pour combattre la haine qui sépare nos peuples. La comédie est le meilleur moyen de changer les esprits. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Charley Warady, un humoriste israélien. Warady, Aaron Freeman (un autre comédien juif noir) et moi-même avons décidé de faire une tournée en Israël afin de voir si nous pouvons amener le public israélien à “ écouter ” le message de paix d’un Palestinien dans un contexte comique. Nous avons déjà organisé cinq spectacles en l’espace de deux semaines à Tel-Aviv et à Jérusalem et tous étaient pleins à craquer. Nous allons poursuivre notre tournée en mai et nous espérons attirer cette fois un plus large public, arabe cette fois. » Q - Pensez-vous pouvoir jouer un jour de l’autre côté du « mur », dans les territoires palestiniens occupés ? « J’ai beaucoup essayé d’organiser des spectacles du côté arabe, mais on m’a toujours répondu que la situation s’est tellement détériorée qu’il est impossible de garantir la sécurité des acteurs israéliens. Je ne suis donc pas très sûr de pouvoir jouer à Bethléem ou à Ramallah. Nous sommes cependant en train d’étudier la possibilité d’organiser un concours de talent des deux côtés afin d’encourager les Palestiniens et les Israéliens à se familiariser avec la comédie “stand-up ”. » Q - Quels sont les principaux sujets que vous abordez dans vos spectacles ? « Mon spectacle aborde de nombreux sujets sur lesquels j’aime plaisanter. Il y a d’abord la vie des Arabes aux États-Unis après le 11-Septembre. Je blague donc beaucoup sur la situation dans les aéroports, par exemple. J’évoque aussi des faits inspirés de ma vie personnelle, comme celui de grandir dans une famille arabe aux États-Unis. Lorsque j’étais enfant, mes amis m’ont une fois demandé à l’école : “ Tu es quoi ? ” Je leur ai répondu que j’étais américain. “ Non, tu ne l’es pas ! ” ont-ils répliqué. À la maison, j’ai demandé à mon père : “ Papa, qu’est-ce que je suis ? ” “ Mon Dieu ! Ne leur dis surtout pas que tu es palestinien. Dis-leur plutôt que tu es syrien ou libanais », m’a-t-il répondu. Le lendemain matin, à l’école, mes camarades de classe m’ont à nouveau posé la même question : “ Tu es quoi ? ” Alors je leur ai spontanément répondu : “ Mon père me dit que je suis une céréale et que maman est probablement lesbienne. ” Dans une partie de mon spectacle, j’aborde aussi la question du conflit israélo-palestinien. En voilà une plaisanterie par exemple : “ Je suis récemment parti en voyage… à bord de la compagnie (israélienne) El Al. Je pensais que j’étais sur le vol vers le Mexique, mais je me suis retrouvé en route vers Israël. C’était un vol très inhabituel… Au milieu du voyage, j’ai senti le besoin d’aller aux toilettes. Lorsque j’y suis arrivé, j’ai découvert qu’il y avait déjà quelqu’un à l’intérieur. Mais, chose bizarre, le signe sur la porte des toilettes n’indiquait pas le mot “Occupé”. À la place, ils avaient inscrit “ Zone de toilettes disputée ” ! J’ai donc décidé de retourner à mon siège et, surprise, je découvre que quelqu’un l’a déjà occupé. C’est alors qu’un activiste pro-israélien me dit que je n’ai plus le droit de retour mais que, par contre, je suis autorisé à travailler dans la cuisinette de l’avion, à y préparer des plats casher, si j’en suis capable bien sûr… » Q - Avez-vous jamais été menacé par des extrémistes ? « Non, je n’ai jamais reçu de menaces. Je pense que les extrémistes sont des lâches. Ils ont déjà lancé une campagne contre moi parce que je suis marié à une juive. Aux États-Unis, deux semaines après avoir joué avec les comédiens israéliens, plusieurs organisations arabes m’ont boycotté. Plus de cinq de mes spectacles ont été annulés. Ils m’ont dit que ça n’avait rien à voir avec ma tournée en Israël, mais je sais que cinq annulations en moins de deux semaines après une tournée en Israël est plus qu’une simple coïncidence. » Q - En tant que Palestinien, pensez-vous qu’une paix avec les Israéliens est possible dans le futur proche ? « Oui, la paix est certainement possible. Ce qui m’inquiète par contre est la lente disparition de notre identité dans ce qui reste de la “ Palestine ”. Plus le conflit persiste, plus la présence juive imprègne des villes comme Jérusalem, ainsi que d’autres localités. Je suis de ceux qui favorisent une solution à deux États. Ne serait-ce que pour sauver l’identité palestinienne, je pense que les Israéliens et les Arabes doivent vivre en paix, côte à côte, en se reconnaissant mutuellement. »
Ray Hanania est loin d’être un homme ordinaire. Journaliste américain d’origine palestinienne, il décide de se lancer dans la comédie « stand-up » juste après les attentats du 11 septembre 2001, en réaction à la haine aveugle ressentie par de nombreux Américains envers la communauté arabe. Ray est issu d’une famille chrétienne de Jérusalem. Son père, Georges, a...