Rechercher
Rechercher

Actualités

Environnement - La hot line de « Al-Bi’a wal Tanmia » met en évidence des scandales à répétition De Jbeil à Enfeh, un littoral qui attend encore d’être bien nettoyé

Où sont passés les cinq millions de dollars consacrés à la mission de la compagnie américaine Seacor, chargée de nettoyer les traces de la marée noire dans les régions de Jbeil, Amchit et jusqu’à Enfeh ? La hot line environnementale de la revue Al-Bi’a wal Tanmia de mars, qui pose la question, revient sur ce qu’elle a appelé les « scandales » du nettoyage de la marée noire, causée par un bombardement israélien sur les dépôts de fuel de la centrale électrique de Jiyeh en juillet, et ce au lendemain de la déclaration du ministère de l’Environnement sur la fin officielle de la première partie du nettoyage et après le départ des organisations internationales. Une tournée effectuée par l’équipe de la hot line sur le terrain a permis de constater que les travaux de la compagnie américaine, dont les fonds proviennent de l’Agence américaine de développement, se sont limités au port historique de Jbeil, alors que le fuel continue de polluer les autres sites, tout en étant ramené vers la mer à la moindre tempête. Même le sable pollué récolté à Jbeil par Seacor, poursuit le rapport de la hot line, a été placé au-dessus des conteneurs en plastique qui avaient été utilisés par l’association libanaise Bahr Loubnan (chargée du nettoyage d’une partie du littoral) pour rassembler les résidus pétroliers sortis du fond marin, ce qui a causé des fissures dans ces conteneurs. « La question est de savoir sur quoi Seacor a dépensé les cinq millions de dollars, surtout quand on sait que les dépenses de Bahr Loubnan pour nettoyer le fond marin de Jiyeh jusqu’à Ramlet el-Baïda n’ont pas dépassé le demi-million de dollars », s’est demandé l’équipe de la hot line. Celle-ci rappelle que quelque 225 mètres cubes (soit 405 tonnes) de fuel ont été retirés du fond de l’eau, auxquels il faut ajouter quelque 1 000 mètres cubes de fuel flottant et 6 000 mètres cubes de sable et de galets pollués. Le texte rapporte l’opinion de l’experte environnementale Fifi Kallab, présidente de l’association Byblos Ecologia, qui a fortement critiqué la gestion du dossier par la compagnie Seacor et la surveillance qu’elle a jugée « secondaire » du ministère de l’Environnement. Sur ce sujet, la hot line a appris que Seacor aurait prévenu le ministère qu’elle reviendrait travailler vers la fin du printemps. « Or d’ici là, les vagues et les tempêtes de l’hiver auront rendu le fuel à la mer, ce qui nous ramène à la case départ puisque les vagues entraîneront le pétrole de nouveau vers la côte », souligne le texte. La hot line n’a pas non plus ménagé l’action de la compagnie grecque Environment Protection Engineering qui a été chargée par l’État de nettoyer les côtes rocheuses de Jiyeh à Saadiyate, avec un budget canadien de 565 000 dollars. « Or il s’est avéré que le niveau de nettoyage est moins que satisfaisant, rapporte l’équipe d’experts. Les rochers restent de couleur marron ou carrément noire. De plus, aucune matière absorbante pour le fuel n’est utilisée dans l’eau pour résorber le pétrole provenant des rochers. » Le rapport de la hot line souligne cependant que la situation est différente au niveau de l’île des Palmiers (réserve naturelle au large de Tripoli). Interrogé à ce sujet, le président du comité de la réserve, Ghassan Jaradi, a expliqué qu’un premier nettoyage a été effectué tant bien que mal en août 2006 (au lendemain de la guerre), afin de sauver la saison de reproduction des tortues de mer, ce qui a été fait. Dès octobre, c’est avec l’aide de l’Agence suisse de coopération et de développement que l’île a été nettoyée en profondeur, en collaboration avec les pêcheurs. M. Jaradi a estimé que les résultats étaient « satisfaisants dans une première étape », vu que, avec un budget de moins de 100 000 dollars, les côtes rocheuses et sablonneuses ont été nettoyées manuellement. Les résidus ont été collectés dans des conteneurs au port de Tripoli, puis transportés vers la raffinerie de Beddawi le 21 février dernier. M. Jaradi attire cependant l’attention des autorités sur la nécessité d’une seconde campagne de nettoyage axée sur les rochers pollués devant être pulvérisés avec des produits chimiques. Au niveau de Ramlet el-Baïda (Beyrouth), la présidente de l’association Cedars for Care, Effat Idriss, a critiqué la première vague de travaux de nettoyage effectués sur cette plage de sable, en raison du fait que le sable pollué a été placé au-dessus du sable propre, l’un provoquant la pollution de l’autre. Elle a cependant estimé que la campagne menée plus tard par l’association Bahr Loubnan était plus réussie, sachant que le délai de fin des travaux était en février, mais que des équipes de plongeurs de l’association continuent de faire un suivi et de retirer le fuel trouvé progressivement sur le site. Par ailleurs, la hot line aborde un autre sujet épineux, celui du sable et des galets pollués récoltés par les uns et les autres le long du littoral et qui n’ont toujours pas été transportés dans un endroit sûr ni traités. Le rapport de la hot line fait état d’une proposition qui avait été faite par la cimenterie Holcim ; celle-ci avait suggéré de transporter à ses frais le fuel récolté et de le brûler dans ses fours, en d’autres termes, une utilisation similaire à ce qui devait être la sienne à l’origine, « une solution approuvée par les experts ». Or, souligne le texte, « le ministère a refusé d’adopter cette solution, et préfère transporter ces conteneurs et ces sacs des plages où ils se trouvent, et où certains ont été abîmés par la succession de hausses de température et de tempêtes après sept mois à l’air libre, vers les raffineries de Zahrani et de Beddawi, où ils attendront le traitement adéquat ». Industries nuisibles dans des quartiers résidentiels Ce bilan global sur la marée noire n’a cependant pas empêché l’équipe de la hot line environnementale de s’intéresser à d’autres sujets écologiques, provenant des plaintes de citoyens (rappelons qu’il est possible de contacter cette ligne verte au 01-210510 pour rapporter toutes sortes de problèmes environnementaux). Des industries situées en plein cœur de quartiers résidentiels ont provoqué l’ire des voisins, remettant sur le tapis la nécessité de l’application d’un zoning digne de ce nom dans le pays. Ainsi, les citoyens de Jouret el-Ballout (Metn) se plaignent depuis des années de la présence d’une cimenterie, MSC, dans le village, qui dégage de la poussière et provoque une pollution sonore régulière, ce qui a une incidence sur la santé des habitants (troubles respiratoires, troubles du sommeil...). Un des habitants rappelle que l’usine (qui n’est qu’à une dizaine de mètres de certaines maisons) est établie depuis 1998, et qu’elle était supposée rester en activité pour seulement six mois. Une plainte en 2000 a provoqué sa fermeture pour... quinze jours uniquement. Depuis, les promesses de délocalisation restent creuses, et l’usine ne fait au contraire que renforcer son équipement, selon les observations des citoyens. Contactée par la hot line, la directrice de l’usine, Mylène Moawad, précise que « l’établissement a obtenu un permis pour ravitailler les travaux de l’autoroute de Baabdat ». Or l’équipe de la hot line a constaté que le tronçon de l’autoroute à proximité de l’usine a été achevé depuis longtemps, et que les travaux plus récents se situent à plus d’un kilomètre de là, ce qui accrédite la thèse des habitants selon laquelle l’usine travaille pour des chantiers dans les villages environnants. Sur la poussière dégagée, Mme Moawad argue que l’usine est dotée de filtres, ce qui n’est pas l’avis du département concerné au ministère de l’Environnement, qui a inspecté le site. D’ailleurs le ministère révèle avoir envoyé des lettres aux autres ministères concernés pour pouvoir prendre les mesures nécessaires, sans réponse pour l’instant. Autre usine, autre région, même histoire. Le fameux fleuve Nahr Ibrahim, berceau de la légende d’Adonis, n’est même plus digne d’être protégé aux yeux de nos responsables. Des industriels influents ont transformé sa traditionnelle couleur rouge, née du limon qui s’y répand naturellement durant la saison des pluies, en une couleur blanche causée par le déversement du calcaire de leur activité de taillage de pierre. « Cette usine a aussi transformé la vie des riverains en un vrai cauchemar », selon les témoignages recueillis par la hot line et l’expérience vécue par la correspondante de la revue : bruits diurnes et nocturnes (alors que l’activité industrielle devrait se terminer à 17h30), poussières qui se dégagent à quelques mètres seulement des maisons les plus proches, causant des troubles respiratoires... Les plaintes des habitants se sont succédé sans résultat. Comme on pouvait s’y attendre, l’avocate de l’usine, Hayat Karam, interrogée par la hot line, précise que « l’établissement fonctionne en vertu d’un permis ». Or, comme l’ont constaté les observateurs et l’enquête de la hot line, « certains des équipements n’ont même pas été légalisés par le ministère de l’Industrie, notamment une scie spéciale, mais fonctionnent quand même ». Le président du conseil municipal de Aqaybé où est située l’usine, Faouzi Daccache, a assuré à la hot line qu’il était « incapable de faire respecter des décisions prises à l’encontre de ces industriels ». Les habitants, pour leur part, le soupçonnent de « complicité avec les industriels ». De leur côté, le président du conseil municipal de Nahr Ibrahim, Georges Ghanem, et onze autres présidents de municipalité travaillent à faire adopter un plan de protection du fleuve, tel qu’ils l’ont affirmé à la correspondante de la hot line. En effet, ne serait-il pas temps de protéger les ressources hydrauliques d’un pays qui, changement climatique aidant, pourrait bientôt manquer d’eau ? Et la santé physique et mentale d’un nombre toujours croissant de citoyens ne mérite-t-elle pas une attention plus soutenue de la part des autorités ? Serait-il trop demander que d’exiger des stratégies nationales dans ce pays... S. B.
Où sont passés les cinq millions de dollars consacrés à la mission de la compagnie américaine Seacor, chargée de nettoyer les traces de la marée noire dans les régions de Jbeil, Amchit et jusqu’à Enfeh ? La hot line environnementale de la revue Al-Bi’a wal Tanmia de mars, qui pose la question, revient sur ce qu’elle a appelé les « scandales » du nettoyage de la marée...