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Actualités - CHRONOLOGIE

COLLOQUE - « Journée professionnelle franco-libanaise sur le livre et l’édition » Le lecteur, seul véritable promoteur du livre en crise ?

Dans le but de développer les relations franco-libanaises dans le secteur de l’édition, la Mission culturelle de l’ambassade de France au Liban et le Bureau international de l’édition française (BIEF) ont organisé une « Journée professionnelle franco-libanaise sur le livre et l’édition » qui s’est tenue à l’École supérieure des affaires, Clemenceau. Le colloque a réuni plus d’une quarantaine de professionnels, un chiffre qui témoigne de l’intérêt suscité, si l’on songe que la plupart des structures représentées, librairies, distributeurs, comme éditeurs travaillent avec peu d’effectif. C’est pour répondre à cet objectif que trois thèmes, autour desquelles s’est articulée cette première édition, ont été choisis : le droit d’auteur ; les partenariats éditoriaux et les coéditions ; l’organisation de la chaîne du livre. « Ces trois volets sont les rouages de tout échange éditorial, a estimé Denis Gaillard, conseiller de coopération et d’action culturelle et directeur de la Mission culturelle de l’ambassade de France. Sans harmonisation du droit d’auteur, les éditeurs hésitent à se lancer dans des cessions de droit, sans coéditions et partenariats, les maisons d’édition, isolées dans un marché difficile, sont fragilisées ; sans connaissance de la chaîne du livre des autres pays, les relations sont moins spontanées et plus frileuses. » Gaillard a enchaîné en annonçant la création du programme Georges Schéhadé pour l’édition, ainsi que la création d’un site Internet proposant des informations sur les livres traduits du français vers l’arabe. Il a rappelé également les efforts déployés par le ministère de la Culture pour encourager le lecteur, dont l’allocation d’un budget d’un million et demi d’euros pour l’approvisionnement des bibliothèques publiques en livres. Gaillard a également noté que le festival « Les belles étrangères » consacre son édition 2007 au Liban. Une douzaine d’écrivains libanais sont ainsi invités à une série de rencontres dans toute la France, dans des librairies, des bibliothèques, des universités et des associations culturelles. Un livre et un film accompagnent l’événement. Les points positifs existent certes mais, et il ne s’agit d’un secret pour personne, le secteur du livre au Liban et notamment celui de l’édition passe par une crise aiguë. Pour Sélim Nasr, conseiller principal au PNUD, la situation n’est pas insurmontable si une collaboration étroite est établie entre les éditeurs libanais et les institutions privées et publiques. Il a ensuite rappelé le rôle primordial qu’a joué le livre dans le façonnement de l’identité culturelle du Liban, rappelant que le secteur de l’édition au Liban alimente 50 % du marché arabe. D’où l’importance de profiter de l’expérience accumulée dans ce domaine et de développer ce secteur dans ses aspects technologique et juridique. La loi du plus faible L’aspect juridique de l’édition, justement, a été abordé lors de la première séance du colloque dont les trois volets étaient animés par Jean-Guy Boin, économiste, sociologue et directeur du Bureau international de l’édition française (BIEF). Premier à prendre la parole, Paul Otchakovsky-Laurens, directeur des éditions POL, a alerté l’assistance sur les dangers qui menacent le secteur de l’édition et notamment la violation des droits d’auteur sur Internet. L’édition papier reste, pour lui, le meilleur vecteur de transmission de la culture, de la connaissance et de la pensée. Rouhi Baalbacki, directeur général des éditions Dar el-Ilm Lilmalayin, a disséqué les droits de l’éditeur au Liban en signalant les conventions ratifiées par le Liban. « Plus un livre est vendu, plus l’auteur et l’éditeur libanais deviennent stressés. Car le succès d’une œuvre allèche les pirates et freine ainsi les éditions successives. » Rany Joseph Sader, président du Centre de recherches juridiques Sader éditeurs, a axé son intervention sur les droits du livre et de l’édition au Liban, et notamment l’atteinte aux droits d’auteur et les problèmes de photocopie. Selon lui, 40 % des livres au Liban seraient piratés et les tribunaux spécialisés sont dans l’incapacité de prouver la culpabilité des pirates. Après avoir établi un parallèle entre l’édition traditionnelle (sur papier) et l’édition électronique (notamment sur Internet), il a souligné que le Contrat d’édition était insuffisamment réglementé au Liban, contrairement à ce qui se fait en France. Au cours du deuxième volet du colloque, portant le thème des « Partenariats éditoriaux et les coéditions en France et au Liban », Pierre Vallaud, éditions de la Réunion des musées nationaux (RMN), a souligné l’importance des coéditions entre deux pays, surtout lorsque cela implique la traduction de l’œuvre. Cela permet une réduction du coût du livre ainsi qu’une meilleure pénétration du marché. Rana Idriss a voulu, pour sa part, faire profiter l’audience de son expérience en tant que directrice de Dar el-Adab, une maison d’édition spécialisée dans la publication du roman écrit et traduit en arabe. « Il est évident que le nombre de lecteurs arabes est en déclin aujourd’hui et ils sont de moins en moins intéressés par la pensée française. » Elle a ensuite cité plusieurs facteurs qui ne sont pas intrinsèques à la position des intellectuels français dont le déclin général de la lecture en langue arabe, surtout concernant les œuvres de valeur littéraire et critique de la pensée politique. La censure, la langue anglaise qui ne cesse de prendre de l’ampleur, la domination de l’information américaine et l’intérêt non négligeable pour les auteurs d’Amérique latine et de l’Europe de l’Est. « Nous croyons que la traduction du français à l’arabe reprendra son essor avec l’amélioration du marché arabe du livre. Pour cela, les subventions et les programmes d’aide à la traduction des institutions françaises et arabes sont requis ». Sami Naufal, directeur du groupe Librairie Antoine et coéditeur Hachette/Edicef, a pour sa part donné un bref aperçu des conditions qui ont amené la Librairie Antoine et Hachette Edicef vers une édition scolaire très réussie. Mais auparavant, il a posé la question suivante : Quand y aura-t-il une coédition ? Par opposition par exemple à un simple achat des droits de traduction, d’adaptation, voire même de simple licence d’impression localement ? Et de répondre : « Une telle possibilité existe lorsque le marché est propice ; le projet nécessite un besoin de financement important, d’où l’utilité de se mettre à deux et il y a une possibilité évidente de synergie : compétences distinctes de chacune des parties. » Une chaîne et des liens Dans le cadre du troisième volet intitulé « L’organisation de la chaîne du livre en France et au Liban », Alain Gründ, président du BIEF, a donné une analyse détaillée du marché du livre en France, un marché où l’on estime à un total PVP d’environ 6 milliards d’euros. « Le livre représente 50 % des achats de produits culturels qui représentaient, en 2005, 8,5 milliards d’euros au total pour 685 millions d’unités vendues. » Pour simplifier les choses, disons qu’un Français sur deux achète au moins un livre par an. Pour ce marché plutôt stagnant, quelles stratégies adopter, indépendamment des efforts de création ? M. Gründ a proposé trois solutions pour les éditeurs, les libraires et les acteurs de la chaîne. Pour les éditeurs, il s’agirait de cibler les opérations de promotion, notamment la mise en avant dans les librairies, de développer un partenariat avec les revendeurs et notamment aider les petits libraires à surmonter leurs difficultés et à optimiser l’emploi des outils collectifs générateurs de gains de productivité. Pour les libraires, il leur faudrait aller à la rencontre des clients (faire une belle librairie ne suffit pas) ; penser à tous les usages du livre, celui qu’on achète pour soi et celui qu’on offre, et jouer localement un rôle d’animation culturelle. Le président du BIEF conseille finalement à tous les acteurs de la chaîne de valoriser le produit, de mettre en avant les qualités du livre en étant un outil bon marché de formation et de culture, facile à utiliser et sa diversité qui correspond aux besoins de chacun. La chaîne du livre, justement, était l’objet d’une intervention détaillée de Georges Tabet, directeur des Messageries du Moyen-Orient. De l’auteur au lecteur, la chaîne du livre comprend 4 grandes étapes : la création (ou l’auteur et ses droits) ; l’édition ; la diffusion et la distribution. Elle suppose la solidarité entre les différents acteurs. La création d’un ouvrage et les différentes manières d’assurer et de préserver les droits d’auteur de même que les partenariats éditoriaux ayant été traités par ses prédécesseurs, Tabet s’est intéressé essentiellement à la diffusion et la distribution d’ouvrages locaux ou français au Liban et libanais à l’export. « Les métiers d’éditeur, de diffuseur et de distributeur sont en fait identiques dans tous les pays, a-t-il indiqué. Leur enchaînement peut prendre des formes différentes dans un pays donné et surtout à l’export. Il y a plus de 300 maisons d’édition au Liban en langue arabe, mais aussi en langue étrangère. Un grand nombre a été créé au service des marchés arabes. Le marché libanais n’est hélas pas aussi structuré qu’en France. Dépendant de sa dimension, l’éditeur libanais cumule souvent les rôles de diffuseur et de distributeur. » Tabet a également noté qu’il n’y a pas à sa connaissance de diffuseurs au Liban, mais quelques grossistes. Concernant la distribution, Georges Tabet a précisé qu’il existe deux catégories d’ouvrages arabes : les livres religieux et les autres (romans, références…). Les nouveautés ne sont pas aussi nombreuses dans la deuxième catégorie. « Il est donc naturel que, contrairement à ce que nous avons vu tout à l’heure, les échanges commerciaux dans le sens Liban-France ne soient ni organisés ni subventionnés. Il y a cependant une édition libanaise en français ou bilingue qui mériterait d’être mieux diffusée », a-t-il noté avant de conclure par des souhaits. Ainsi, à l’importateur libanais, il propose de meilleures remises (à l’instar de l’édition anglo-saxonne) et surtout « une facturation HT (hors taxes) généralisée, un accès moins cher à l’information professionnelle, un accès aux petits éditeurs dans de meilleures conditions à travers le CELF (Centre d’exportation du livre français) ». Pour l’exportateur libanais, il souhaite l’existence d’un ou de plusieurs diffuseurs spécialisés pour le livre étranger. Ainsi que, d’une manière plus généralisée, l’adoption du code-barres ; la création dans un premier temps d’un site où seraient répertoriés tous les éditeurs libanais et le type d’ouvrages qu’ils éditent ; la création d’une société groupant plusieurs éditeurs qui se chargerait de l’export vers un pays déterminé (type CELF) et le patronage et l’aide du ministère de la Culture pour une meilleure présence dans les Salons internationaux. Le marché arabe Pour Maroun Nehmé, directeur des éditions Dar el-Majani et de la Librairie Orientale, « le marché français est d’une complexité assez particulière pour les éditeurs libanais d’ouvrages arabes, francophones et bilingues, étant donné la structure de ce marché et “la destructuration “ du marché du livre arabe en France ». Parmi les problèmes du secteur, M. Nehmé cite les frais d’approche exorbitants en France. « S’il est disponible dans les librairies moyennes et dans les grandes surfaces, le même ouvrage est vendu à des prix très différents, selon le taux multiplicateur de chaque point de vente. » En ce qui concerne les pays arabes, plusieurs moyens de distribution sont possibles, selon M. Nehmé : auprès des ministères de la Culture et de l’Éducation, via les foires et expositions, dans les librairies grandes surfaces, à travers les distributeurs traditionnels, les librairies moyennes et le e-commerce. Mais le développement de ce dernier est freiné par deux éléments : la censure dans les pays arabes et les frais de transport exorbitants pour les commandes individuelles entre le Liban et les pays arabes. « Dans un marché arabe très disparate, “l’avantage comparatif” de l’édition libanaise n’est plus reconnu comme tel, a ajouté le libraire. L’offre abondante de produits presque identiques, l’inexistence de véritables promotions, le nombre limité des lieux d’expositions (types grandes surfaces, librairies moyennes) ne permettent pas une pénétration durable du marché. Le client, lecteur final, est le seul et vrai promoteur du livre. C’est lui qui envoie des messages forts à l’éditeur et non l’inverse. » « Dans la chaîne du livre, il arrive souvent que le Liban ne joue plus que le rôle d’imprimeur, les éditeurs arabes préférant imprimer au Liban et réexporter les tirages vers leurs pays respectifs. D’un point de vue stratégique, nous nous réinstallons au début de la chaîne du livre et ne contrôlons plus le bout. » Comme solutions internes et externes à ces problèmes, M. Nehmé propose des partenariats (la langue étant la même à quelques nuances près) en remplacement du simple rôle d’exportateur. Il invite les professionnels du livre à miser sur les avantages comparatifs du Liban en matière de « Knowhow », particulièrement dans les domaines du scolaire et du parascolaire. Il prône la création d’une chaîne de librairies (Brandname) pour soutenir le partenariat éditorial et publier des auteurs locaux. Ainsi que la création d’une plate-forme de distribution, regroupant un grand nombre d’éditeurs libanais importants, qui deviendrait incontournable pour les importateurs arabes.
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