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Actualités - REPORTAGE

Social - Un projet de l’Union des handicapés du Liban à l’adresse d’associations de tous bords Donner aux ONG les moyens de participer à la mise en place du budget national

À quoi cela sert-il de mener des mouvements civils de revendication des droits si l’on n’a aucune incidence sur l’élaboration du budget national et sur le calendrier des dépenses de l’État, qui seuls peuvent infléchir sérieusement le cours des choses ? Cette problématique est posée actuellement par l’Union des handicapés du Liban, qui s’est lancée dans un projet visant à assurer une formation, à l’intention d’ONG de tous bords, pour une meilleure connaissance des rouages des finances et de la préparation du budget national. L’objectif ? Arriver à établir une réelle coopération entre société civile et gouvernement, devant mener, selon les initiateurs du projet, à une plus grande transparence et à des budgets nationaux plus ciblés, répondant mieux aux besoins des différentes catégories de la population. Bien que le projet ait été lancé par l’Union des handicapés du Liban, il s’adresse à toutes sortes d’associations et devrait résulter en la création d’un réseau national dans le cadre de ce que l’association appelle un « budget alternatif ». Le directeur du projet, Mohammad Loutfi, précise que le financement provient d’une ONG américaine, l’Institut démocratique national (NDI), qui a déjà travaillé sur ce sujet dans d’autres pays. M. Loutfi indique que le travail se poursuivra sans délai précis, « tant que les moyens seront disponibles ». L’association a organisé récemment un atelier de travail à l’hôtel Crown Plaza, avec des experts et des représentants de la société civile. M. Loutfi explique que ce projet est intégré à l’agenda de l’union depuis l’année 2000, qui est l’année au cours de laquelle la loi n° 220 garantissant les droits des handicapés a été adoptée. « C’est à ce moment que l’union a réalisé que tous les projets et toutes les lois adoptés par l’État sont applicables dans la mesure où une part plus ou moins importante du budget leur est consacrée, indique-t-il. D’un autre côté, c’est à travers les parts de budget consacrées à tel ou tel secteur que l’on se rend compte de la hiérarchisation des priorités de l’État. » Mais n’ont-ils pas, par leurs observations, constaté que de tels secteurs ne figuraient pas en tête des priorités officielles ? « Non, ils ne le sont pas, reconnaît-il. Mais cela peut être dû à deux raisons : soit l’État n’est pas conscient de la portée sociale de ces questions, soit c’est la société civile qui n’a pas assez bien reflété, dans son discours, la nécessité de consacrer des budgets suffisants pour de tels projets sociaux. » M. Loutfi ajoute : « La prestation de la société civile n’a pas été déterminante dans le domaine parce qu’elle n’a pas assez vite réalisé l’importance de cette question, ou encore parce qu’elle manquait d’informations sur le sujet. » Fait remarquable : bien que l’Union des handicapés du Liban, comme son nom l’indique, soit spécialisée dans la revendication des droits des personnes handicapées, elle n’a pas axé ce projet sur ce seul domaine, mais a fait en sorte qu’il profite aux militants de nombreux secteurs sociaux. « Il faut rappeler en premier que notre ONG est l’une de celles qui croient en la politique de l’insertion sociale, d’où la conviction que nos causes sociales sont reliées les unes aux autres, explique M. Loutfi. Et pour que ces causes soient mieux entendues, il est indispensable que cette action commune soit entreprise. Nous considérons qu’en prenant part à une action bénéfique pour tous, nous servons la cause des handicapés. » Il y a aussi l’importance du partenariat, qui permet à l’ONG qui se trouve à l’origine du projet de profiter des expertises des autres organisations, ajoute M. Loutfi. « L’ampleur de l’impact de notre action sur l’État en sera décuplée puisque l’étendue de nos connaissances sera plus grande », souligne-t-il. Et de poursuivre : « Si je soulève la cause des handicapés de manière simplement théorique, cela se révèlera bien moins efficace que si je parle, en parallèle, du secteur des transports et de son adaptabilité aux exigences du handicap, ou encore si je démontre le lien qui existe entre notre cause et celle des droits des femmes ou de l’écologie, et leur incidence sur la vie d’un handicapé. Voilà pourquoi nous avons opté, concernant ce projet, pour une telle formule, parce que, dans une question aussi essentielle que celle du budget, nous pensons que c’est la meilleure façon d’assurer l’insertion des handicapés à tous les niveaux sociaux. » Un réseau civil et national Qu’est-ce qu’un budget alternatif ? « Il s’agit d’un concept lié à une action sur plusieurs étapes, explique M. Loutfi. Elle commence par des mesures visant à doter la société civile de toutes les informations nécessaires sur les questions économiques et financières, afin qu’elle devienne consciente des rouages de la politique financière et du budget national, de leur incidence sur le travail du gouvernement et des ministères, et par conséquent sur les dépenses publiques. D’un autre côté, cela poussera les ministères à adopter une méthodologie plus transparente. C’est ainsi que nous aurions entamé un dialogue entre les associations et les ministères, de façon à ce que les premières non seulement obtiennent toutes les informations mais aussi participent à la prise de décision, et que les seconds soient prévenus des besoins de la société civile. Cela reviendra à mettre au point des budgets ciblés plutôt que simplement axés sur des questions économiques ou politiques. » N’est-il pas vrai que ce projet ne donnera ses fruits qu’à long terme, surtout que la relation entre les associations et les ministères n’a pas toujours été, ces dernières années, au beau fixe ? « C’est une initiative à long terme, même si le budget national est annuel, dit-il. D’ailleurs, un tel projet ne prend pas fin simplement parce que nous avons atteint un niveau acceptable de transparence et de participation active de la société civile. Nous aurons, à l’avenir, la responsabilité de surveiller l’action des ministères pour nous assurer de leur engagement envers cette méthode que nous prônons. » Qu’en est-il du réseau national sur le budget alternatif que l’union entend créer ? Comment rassembler des personnes d’horizons divers ? « Pour arriver à imposer une participation active de la société civile, il faut que notre action rassemble des personnes représentant tous les secteurs socio-économiques, indique M. Loutfi. Chacun d’entre eux détient la spécialisation qui lui permettra de jouer un rôle précis dans le cadre de cette action. Et depuis le début de notre projet, tous les contacts que nous avons établis montrent que nombreux sont ceux que le sujet intéresse. » Il ajoute que le réseau n’a pas encore été lancé officiellement, mais qu’à ce stade, l’union tentait de créer un noyau dur d’associations et de les former. Par la suite, elle cherchera à établir le lien entre ces associations et le gouvernement. À ce stade, l’union prépare une vaste réunion qui permettra de définir le rôle joué par chaque groupe d’ONG, selon leur spécialisation, dans les discussions autour de tel ou tel article du budget. Une conférence-débat sur le rôle de l’État dans la période actuelle est ensuite prévue. En février, une rencontre sera organisée par l’union pour une estimation générale de la politique financière et du budget national de la part d’experts locaux et internationaux. Y a-t-il eu des contacts avec les ministères et ceux-ci se sont-ils montrés coopératifs envers une telle initiative ? « Il y a eu des contacts, ceux-ci ont été positifs mais pas nécessairement faciles parce que la coopération n’est pas toujours aisée avec les administrations publiques, précise M. Loutfi. Mais ce lien a été établi, et la preuve, durant cet atelier de travail, un des formateurs représentait le ministère des Finances. Et nous poursuivons nos rencontres. » Suzanne BAAKLINI

À quoi cela sert-il de mener des mouvements civils de revendication des droits si l’on n’a aucune incidence sur l’élaboration du budget national et sur le calendrier des dépenses de l’État, qui seuls peuvent infléchir sérieusement le cours des choses ? Cette problématique est posée actuellement par l’Union des handicapés du Liban, qui s’est lancée dans un projet...