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Actualités - OPINION

Une urgence vitale : sauver la coexistence Émile KHOURY

Le Liban politique, constatent des professionnels, se trouve divisé entre partisans des deux axes extérieurs, le syro-iranien et l’américain. De ce fait, le pays sert encore une fois, à ses dépens, de lice ouverte pour un conflit qui ne lui est pas propre. Mais le danger le plus pressant, soulignent ces sources, c’est le principe vital de coexistence qui l’encourt. Les Libanais doivent ensemble en prendre conscience. Et étudier les moyens de le parer, en rétablissant l’union nationale. Sans quoi il n’y aurait plus ni stabilité, ni souveraineté, ou indépendance. Et les portes seraient encore plus largement ouvertes devant l’immixtionnisme étranger. Le Liban indépendant avait pu exister grâce à l’accord de coexistence conclu en 1943 entre la majorité de ses fils. Mais ce pacte fondateur s’est trouvé trahi au bout de quelques années. À cause de vives dissensions partisanes ou politiques, qui ont entraîné, sur le terrain, hostilités et guerres multiples. Après d’incommensurables dévastations, un exode d’émigration massif, les Libanais se sont réconciliés autour de Taëf, qui génère leur nouvelle Constitution. Mais ce traité s’est trouvé tronqué à son tour, sans même que sa concrétisation soit achevée. Régression qui a pris un tour aigu sous le régime du président Émile Lahoud. Pour aboutir donc à l’embrigadement des uns sous la bannière syro-iranienne, et l’alliance des autres avec l’Amérique. De plus, les divergences initiales d’interprétation concernant la Constitution (dont le texte comporte à vrai dire bien des failles), se sont exacerbées. Chacun s’inspirant, dans ses arguments non pas de l’esprit même de la loi fondamentale, mais de ses intérêts propres. L’on a pu entendre parler de la sorte d’une « démocratie consensuelle », conçue essentiellement comme un instrument paralysant tout pouvoir de décision. Et engendrant l’étrange trouvaille du tiers de blocage au sein de l’Exécutif. Si tant qu’il puisse y en avoir un. Car l’objectif de disposer de ce tiers mènerait, presque fatalement et à tout coup, à un insoluble conflit entre le chef de l’État et le président du Conseil désigné, lors de la formation de tout gouvernement. Or, retour aux imperfections flagrantes de la Constitution, ses dispositions ne prévoient nulle part ce qu’il faudrait faire pour régler un tel différend. L’article 53 se contente en effet d’édicter que la composition du cabinet est conditionnée par l’accord entre le président de la République et le chef du gouvernement désigné. Sans plus. Avant, on le sait, c’était le tuteur syrien qui arbitrait. Et d’ailleurs, il commandait pratiquement à l’un et à l’autre des dirigeants. Désormais, toute crise ministérielle peut tourner à la crise de pouvoir indéfiniment ouverte. Cercle vicieux Et l’on tombe dans un dangereux cercle vicieux. Pour traiter la cause de base, il faudrait en effet réviser, compléter, corriger la Constitution. Or la crise suraiguë présente ne permet à personne d’y songer. Ceux qui préconisent, par exemple, que l’on fixe un délai déterminé au bout duquel un président du Conseil désigné devrait forcément se résigner, renoncer à former le cabinet ou se soumettre aux vues du chef de l’État, baissent les bras, impuissants. Revenant au tableau suivant, les politiciens cités relèvent une autre étonnante invention de l’axe chiite Hezbollah-Amal. À savoir exiger un droit de veto non seulement sur toute décision de la majorité, via le tiers de blocage, mais aussi sur les questions retenues pour figurer à l’ordre du jour du Conseil des ministres. Sur ce point, il faudrait retoucher, pour donner satisfaction au tandem, l’article 65. D’un point de vue juridique, ils vont encore plus loin, lorsqu’ils considèrent, ainsi que Baabda, que le gouvernement a perdu sa légalité du fait qu’il ne comprend plus de ministres chiites. En effet, la Constitution ne juge pas qu’il en va ainsi, puisqu’elle précise, au sujet de la validité d’un cabinet, des conditions numériques, de changement de régime et de Chambre, ou de perte de la confiance parlementaire. Et rien d’autre. Il faudrait, pour rajouter l’élément confessionnel, amender l’article 69. Ce qui serait promouvoir, raviver ou attiser un esprit confessionnaliste que la Constitution et Taëf réprouvent clairement. Ou encore, un accord de pratique, d’usage courant en marge du texte, entre les Libanais. Enfin, l’opposition réclame des législatives anticipées. En faisant fi, encore une fois, de la Constitution nouvelle. Qui pose, pour la dissolution de la Chambre, des conditions pratiquement impossibles à réunir. Comme le fait pour le Parlement de ne pas tenir session deux fois de suite. Ou son rejet total de la loi de finances. Mais alors, objectera-t-on, pourquoi la majorité s’autorise-t-elle à réclamer de son côté une présidentielle anticipée. Parce qu’en théorie, la Constitution le permet. À condition d’abréger le mandat présidentiel par un amendement constitutionnel nécessitant du reste une majorité parlementaire certifiée des deux tiers.
Le Liban politique, constatent des professionnels, se trouve divisé entre partisans des deux axes extérieurs, le syro-iranien et l’américain. De ce fait, le pays sert encore une fois, à ses dépens, de lice ouverte pour un conflit qui ne lui est pas propre. Mais le danger le plus pressant, soulignent ces sources, c’est le principe vital de coexistence qui l’encourt. Les...