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Régine Serra, spécialiste de la politique étrangère du Japon, analyse les choix stratégiques de l’archipel Tokyo veut une politique défensive ajustée au nouvel ordre mondial

À l’occasion de l’inauguration, demain, du ministère japonais de la Défense, Régine Serra, chargée de mission à Sciences Po, à Paris, et enseignante à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), analyse pour « L’Orient-Le Jour » les répercussions de la réforme de la politique défensive de l’archipel nippon sur la scène internationale. Q- Demain, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon se dotera d’un véritable ministère de la Défense. Quel effet aura ce changement «historique» sur la politique étrangère de l’archipel ? R- «Le remplacement de l’actuelle “Agence de Défense” japonaise par un ministère n’aura pas un impact considérable sur la définition et la mission des Forces d’autodéfense japonaises (FAD). Ce changement est un ajustement administratif qui permettra de placer les FAD dans un cadre juridique légal et de créer une plus grande égalité entre les différents ministères japonais en terme de budget et de représentation politique. L’usage de la force n’est toujours pas envisagé par le Japon. Cependant, une révision de la Constitution pacifiste de l’archipel nippon résultera évidemment en un changement dans la politique militaire de Tokyo. Mais pour l’instant, les FAD continueront d’agir dans le cadre de l’ONU lors de leurs missions de sécurisation ou d’assistance humanitaire à l’étranger. Le Japon n’envisage pas pour le moment d’envoyer ses troupes sur les fronts de combat en Irak ou en Afghanistan.» Q- Mais le Japon est confronté à de nombreuses menaces régionales et internationales. Cela n’a-t-il pas directement influencé la décision de réviser la politique défensive japonaise? R- «Sur le plan régional, le Japon est évidemment directement confronté à la menace nucléaire de la Corée du Nord, surtout aujourd’hui alors que Pyongyang a effectué son premier essai atomique. Concernant la Chine, Tokyo ne perçoit toujours pas son voisin comme une menace militaire immédiate. Je pense donc que le défi nucléaire a certainement accéléré la réforme de la politique défensive japonaise qui a commencé pendant la guerre froide. Mais il ne faut pas oublier aussi que, face à ces menaces, les États-Unis ont aujourd’hui plus que jamais besoin d’un Japon militairement puissant en Asie-Pacifique. Par ailleurs, sur le plan international, bien que Tokyo ne se sente menacé que de loin par le terrorisme islamiste, le Japon souhaite quand même, à travers ces réformes, ajuster sa politique de défense au nouvel ordre mondial.» Q- Le Premier ministre japonais Shinzo Abe effectuera cette semaine sa première tournée européenne afin de renforcer les liens euro-japonais et de plaider la cause de son pays pour un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Pensez-vous que cette visite portera ses fruits, alors que la Chine est particulièrement hostile à ce projet? R- «L’Europe estime que le Japon mérite un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais il est évidemment difficile de savoir si Tokyo peut réaliser son ambition dans le futur proche. Cette question s’inscrit par ailleurs dans le cadre des réformes des Nations unies qui sont actuellement en cours d’étude. D’ailleurs, les chances du Japon pour un tel siège se sont nettement améliorées avec l’arrivée de Ban Ki- moon, le nouveau secrétaire général de l’ONU, d’origine sud-coréenne. En ce qui concerne Pékin, M. Abe s’est efforcé d’enrayer la détérioration des liens sino-japonais en se rendant en Chine et en Corée du Sud dans les semaines qui ont suivi son entrée en fonctions en septembre dernier. Mais Pékin garde toujours une attitude prudente face à Tokyo. Et il devrait en être ainsi au moins jusqu’au 15 août, date à laquelle le prédécesseur de Abe, Junichiro Koizumi, avait l’habitude de visiter le sanctuaire de Yasukuni, symbole de l’ancien militarisme nippon. Si M. Abe renonçait à cette visite “traditionnelle”, Pékin pourrait faire un geste politique envers Tokyo en acceptant sa candidature au club fermé des membres permanents du Conseil de sécurité. Mais M. Abe n’a toujours pas officiellement déclaré qu’il renonce à la visite controversée du sanctuaire.» Propos recueillis par R. M.
À l’occasion de l’inauguration, demain, du ministère japonais de la Défense, Régine Serra, chargée de mission à Sciences Po, à Paris, et enseignante à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), analyse pour « L’Orient-Le Jour » les répercussions de la réforme de la politique défensive de l’archipel nippon sur la scène...