Pourquoi Pierre Gemayel?

Les Libanais ont été bouleversés à l’annonce de l’assassinat du ministre Pierre Gemayel. Incapables de comprendre les motifs, ils ont exprimé leur colère et leur révolte lors des funérailles du disparu. La question demeure posée : pourquoi Pierre Gemayel? Mais tout d’abord son profil. Instruit, cultivé, jeune et dynamique, le député du Metn avait un sens aigu des responsabilités et un jugement équilibré des situations. Intraitable face aux tricheries, la confiance totale qu’il avait en l’autre le portait souvent à donner de nouvelles chances. Confiant dans l’avenir et en soi, son souci public premier était l’avenir du Liban. Il a représenté cette frange de la jeunesse libanaise qui, ayant œuvré pour l’indépendance et la liberté, avait rompu avec un passé incertain pour un présent plein de promesses. Sa jovialité et son empressement au travail représentaient pour le Libanais une note d’optimisme et d’appel au labeur. Pierre Gemayel assuma ses charges de ministre de l’Industrie comme s’il s’agissait d’un chantier de construction sans cesse en œuvre. Favorable au pouvoir de l’expertise plutôt qu’à celui de la hiérarchie, il était capable d’assumer toutes les tâches, très éloigné du concept du ministre superviseur. Proche de ses subordonnés, il était avant tout leur partenaire et vis-à-vis. Ce grand bûcheur, les industriels libanais en avaient fait leur solide rempart, leur porte-parole. Pourquoi Pierre Gemayel? Une fois disparue leur dynamo, le parti des Kataëb se retrouve amputé de son meneur à la veille de grands événements où il devra jouer un rôle primordial de défense des acquis de la révolution du Cèdre, au Mont-Liban et à Beyrouth, en particulier. Pierre Gemayel assassiné, le destin semble s’acharner sur la lignée du fondateur des Kataëb. L’ancien président de la République et chef suprême du parti, Amine Gemayel, a une fois encore transcendé la douleur pour préserver la continuité et l’avenir. Habituée à la résistance pour la pérennité de la nation, cette famille continuera d’assumer son legs historique. Pierre Gemayel et, avant lui, Rafic Hariri, Samir Kassir, Georges Haoui et Gebrane Tuéni ont tous disparus, victimes d’une main criminelle, impitoyable et lâche, pour avoir cru en un Liban pluriel et libre. Ibrahim K. GEMAYEL