Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Répercussions de la guerre sur la culture au Liban Lamia ABI RACHED

La culture, considérée comme valeur fondamentale dans le monde occidental, vu la supériorité et la prééminence que confèrent à l’homme le savoir et la connaissance, ne semble pas avoir la même importance dans les milieux orientaux. Cela s’explique par le règne en Orient d’une vision religieuse du monde qui fige les esprits dans une perspective déterminée, empêchant toute ouverture susceptible de les détourner du religieux, ou d’y jeter un regard sceptique ou critique. Qu’en est-il du statut de la culture au Liban, toujours considéré comme médiateur entre l’Orient et l’Occident, constituant la synthèse de ces deux mondes, avec tous les paradoxes qu’un tel mélange peut supposer ? Pour rendre notre étude plus actuelle, nous essayerons de parler du statut de la culture dans le Liban d’aujourd’hui, donc après la guerre de juillet 2006, événement considérable qu’on ne peut par conséquent ignorer. Déjà bien avant cet été sanglant, le Liban, berceau des penseurs orientaux et pays des libertés, connaissait une nette décadence culturelle. Cela était probablement dû à la mondialisation qui privilégie la facilité et la rapidité sur la difficulté et le travail minutieux, fruits d’une longue réflexion et d’un effort durable ; mais également à l’évolution technique qui va dans le même sens, réduisant le temps de travail et tendant à simplifier tout genre de tâches humaines. Ainsi, nous avions une jeunesse qui s’intéressait de moins en moins à la lecture et au travail intellectuel et qui se tournait plutôt vers le monde de l’informatique et du recueil rapide des informations par l’intermédiaire d’Internet. Les personnes plus âgées elles-mêmes favorisaient le divertissement à tout genre d’activités intellectuelles, et les sorties visaient de moins en moins la culture. Il ne se faisait plus de doute que les Libanais n’avaient tout simplement plus envie de penser. Après la guerre, ce phénomène s’est accentué. La population dégoûtée, épuisée par une instabilité récurrente dans le pays à laquelle venait s’ajouter une violence sans précédent, a totalement perdu le goût de la culture. Les individus cherchaient de plus en plus le divertissement pour oublier leur condition misérable, dans un pays en déclin à tous les niveaux, qui n’assure aucune sécurité et aucune garantie pour l’avenir. En outre, les Libanais, depuis cette période obscure, dominée par la terreur et l’anxiété, ne s’inscrivent plus seulement dans le divertissement mais aussi dans le défoulement : ils ont besoin de se laisser aller, de compenser l’été raté pendant lequel ils sont restés séquestrés dans leurs appartements, scotchés à la télé pour suivre de près les événements sanglants. Que de souvenirs imprégnés de douleur, qu’ils croyaient avoir enterrés à jamais en eux, ressurgissaient alors ; et émergeait un passé refoulé où la violence et la souffrance avaient déposé leur sceau. Ainsi, les Libanais qui sont habitués à une vie mouvementée, surtout pendant l’été – période de l’année où l’amusement, les sorties, les projets sont à leur apogée – se sont retrouvés cloîtrés, asphyxiés, prisonniers d’une situation affligeante qui les dépassait, et dont ils n’arrivaient à se figurer ni la fin ni la finalité. Comment se remettre au travail ou désirer se livrer à une activité liée à la pensée, après de telles circonstances qui ne peuvent pas ne pas avoir laissé des séquelles morales et affecté le psychisme des individus, surtout celui des jeunes dont la plupart, gagnés par le désespoir, se résignent à l’émigration ? Jour après jour, la situation empire au pays du Cèdre, caractérisée par une instabilité dans tous les domaines et une incertitude quant à l’avenir. Enfin, le déclin n’est pas seulement culturel ; il touche tous les aspects de la vie et, par conséquent, toutes les dimensions de la personne. Confronté qu’il est à une ère d’inconstance, d’impermanence sans issue visible, le Libanais a aujourd’hui comme principal souci le lendemain. Il se soucie donc de survivre avant de penser à perfectionner son être, car il faut bien commencer par assurer son être, avant de se préoccuper de la question du comment être. Cependant, pour affronter toutes les contraintes qui s’imposent à nous et entravent notre ascension, il faudrait commencer par prendre conscience de ce déclin et de ses conséquences sur l’avenir du pays. Ensuite, il sera nécessaire de se reprendre, car il est impératif de recommencer à nous bâtir de l’intérieur, pour pouvoir rebâtir le Liban de demain : un Liban libre et démocratique. Article paru le Vendredi 05 Janvier 2007
La culture, considérée comme valeur fondamentale dans le monde occidental, vu la supériorité et la prééminence que confèrent à l’homme le savoir et la connaissance, ne semble pas avoir la même importance dans les milieux orientaux. Cela s’explique par le règne en Orient d’une vision religieuse du monde qui fige les esprits dans une perspective déterminée, empêchant...