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Actualités - OPINION

LE POINT Marigot irakien

Le général William Caldwell ne passe pas pour un plaisantin. Même pas pour un pince-sans-rire. Plutôt le genre de militaire scrogneugneu qui choisit ses mots pour énoncer des évidences. Or ce galonné vient d’affirmer à un groupe de journalistes, et le plus sérieusement du monde s’il vous plaît, que pour l’exécution de Saddam Hussein, les responsables du contingent américain, dont il est le porte-parole, s’y seraient pris « autrement ». Il faut espérer que des précisions sur ce sibyllin adverbe seront fournies ultérieurement. En attendant... En attendant, cette déplorable vidéo de la pendaison n’en finit pas de susciter des remous. Et de provoquer des effets boomerang appelés à se répercuter sur la situation politique autant que sur l’état de la sécurité. Dans la ville sainte de Najaf, un prédicateur a déjà qualifié l’affaire de « cadeau envoyé par le ciel ». Il aurait dû préciser qu’il s’agit d’un cadeau qui va empoisonner l’existence des Irakiens pour les mois à venir. À l’insurrection sunnite, organisée probablement sous la conduite de l’ancien numéro 2 du régime Ezzat Ibrahim el-Douri, par les hommes du régime baassiste, au conflit sectaire qui prend au fil des jours l’allure d’une guerre civile qui va en s’amplifiant, va s’ajouter désormais un scandale, celui du film, d’autant plus grave qu’il a été provoqué – c’est déjà une quasi-certitude – par un haut responsable du gouvernement en place. Le Premier ministre Nouri al-Maliki, disait-on hier, a voulu hâter les choses par crainte de voir l’ancien maître de Bagdad échapper à la potence. Ses partisans, a ainsi affirmé un responsable US, auraient procédé à une série d’enlèvements dont ils se seraient servis pour obtenir la libération de l’ex-président. La scène irakienne est familière de scénarios aussi abracadabrantesques. Curieusement, c’est encore un militaire qui le rappelait à l’intention des mémoires défaillantes. Écoutez le caporal Thomas Schek, 25 ans, qui vient de rempiler : « D’abord, il y avait les armes de destruction massive dont on n’a pas retrouvé trace. Puis il a fallu assurer la capture de Saddam Hussein et, cela fait, veiller au bon déroulement de son procès. Quel va être l’argument qu’on va nous avancer maintenant pour nous demander de rester ? » Il appartient à George W. Bush de se prononcer, dans les prochains jours, sur le tournant de la guerre et d’expliquer les raisons pour lesquelles, après avoir insisté sur la nécessité de maintenir le cap (« stay the course », a-t-il répété des semaines durant), il est soudain question de changer de cap (« change the course »). Les experts militaires yankees sont unanimes à prédire l’envoi sur place de renforts additionnels sans aller jusqu’à avaliser le chiffre de 20 000 hommes évoqué ces derniers temps, soit l’équivalent de cinq brigades. S’agira-t-il pour eux de mater la rébellion dans le « triangle sunnite » ou bien de s’attaquer à la milice du Mahdi relevant de Moqtada el-Sadr ? L’Amérique a manœuvré si habilement qu’elle a réussi l’exploit, inégalé par le passé, de se mettre à dos les deux principales composantes confessionnelles du pays. En effet, dans les premières semaines qui ont suivi l’invasion, L. Paul Bremer a renvoyé chez eux les membres d’une armée soupçonnée d’excès de fidélité à l’ex-tyran, avant de démanteler les cellules du parti Baas. Pour se retrouver aussitôt après à court d’effectifs sur lesquels s’appuyer dans son entreprise de pacification. À l’opposé, l’actuel ambassadeur US, Zalmay Khalilzad, juge quant à lui que les milices armées chiites représentent « le plus grave danger pour la stabilité ». Ce qui complique davantage encore les choses, c’est que le cabinet Maliki dépend pour sa survie de ces éléments de choc, dont le chef est soupçonné d’avoir commandité l’assassinat en 2003 de l’imam Abdel Majid el-Kho’ï. Hier, ses hommes ont récidivé, balançant dans le vide, du haut d’un immeuble de Chouala, cheikh Hamed Mohammad Souheil, chef de la puissante tribu des Bani Tamim qui compte un tiers de sunnites et deux tiers de chiites. Un meurtre qui, on s’en doute, n’est pas de nature à calmer l’ébullition qui prévaut depuis la disparition de Saddam Hussein et qui risque d’être avivée par l’exécution – aujourd’hui jeudi, selon toute probabilité – de Barzan al-Takriti, ancien chef des services de renseignements, et Awad al-Bandar, ex-président du tribunal révolutionnaire. L’histoire retiendra que, quelques jours après leur entrée dans Bagdad, les Américains avaient suspendu la peine capitale, rétablie deux ans plus tard, par le gouvernement local sous prétexte que cela servirait à « dissuader d’éventuels criminels ». Hélas pour eux (et pour les Irakiens), la décision – quelque louables qu’aient été les intentions de ses auteurs – aura eu des résultats plutôt contraires. Christian MERVILLE
Le général William Caldwell ne passe pas pour un plaisantin. Même pas pour un pince-sans-rire. Plutôt le genre de militaire scrogneugneu qui choisit ses mots pour énoncer des évidences. Or ce galonné vient d’affirmer à un groupe de journalistes, et le plus sérieusement du monde s’il vous plaît, que pour l’exécution de Saddam Hussein, les responsables du contingent américain, dont il est le porte-parole, s’y seraient pris « autrement ». Il faut espérer que des précisions sur ce sibyllin adverbe seront fournies ultérieurement. En attendant...
En attendant, cette déplorable vidéo de la pendaison n’en finit pas de susciter des remous. Et de provoquer des effets boomerang appelés à se répercuter sur la situation politique autant que sur l’état de la sécurité. Dans la ville sainte de Najaf, un prédicateur...