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Actualités - OPINION

LE POINT Un tour pour rien Christian MERVILLE

Cela n’aurait pas fait plaisir au Général, mais il faut bien se rendre à l’évidence : tout comme lui, vers l’Orient compliqué, Tony Blair vient de voguer avec des idées simples. En six jours, il aura visité neuf villes, rencontré le gratin politique de la région et gratifié la presse de moult déclarations. Lesquelles tournaient toutes, ou presque, autour d’un thème unique, que l’on peut résumer ainsi, sans grand risque de dénaturer la pensée profonde de l’auteur : il y a, d’un côté, les forces de la réaction et de l’extrémisme et de l’autre celles de la modernisation et de la démocratie. Et le grand méchant loup qui empêche notre bonne vieille terre de tourner rond, c’est qui ? Réponse : l’Iran. C’est pourquoi, tous les modérés arabes et alliés doivent s’unir dans « un combat monumental » pour parer à ce danger qui menace la sécurité de notre bonne vieille planète. Ses interlocuteurs ont sagement préféré ne pas commenter l’appel, rendus prudents qu’ils sont par l’exaltante expérience irakienne. Pour autant, il conviendrait de faire la part des choses et d’éviter de croire que le Premier ministre britannique est le dernier néoconservateur. À Washington aussi les jusqu’au-boutistes de la vieille garde continuent de veiller au salut des confettis de l’empire du Bien. Écoutez le discours de Dubaï, hier, point d’orgue du périple blairien, prononcé devant un parterre de dignes hommes d’affaires qui n’en sont pas encore revenus : « La seule erreur que nous ayons pu commettre c’est d’avoir manqué d’audace dans nos actions pour provoquer le changement et d’avoir soutenu trop timidement ceux qui cherchaient à améliorer les choses. » Les généraux de la Coalition – et les 7 100 « Tommies » – sauront apprécier... Accusée d’incarner le mal qui répand la terreur, la République islamique devra donc s’acheter une conduite et cesser de « nous empêcher d’avancer au Liban, en Irak et en Palestine ». La riposte, laisse-t-on entendre, viendra de « la grande alliance des modérés » qui doit se former le plus rapidement possible car le temps presse. En attendant, on semble se trouver devant un front Bush-Blair menant une guerre d’escarmouches contre les auteurs du dernier rapport sur l’Irak, aussi bien sur la question mésopotamienne que sur le conflit palestino-israélien et surtout sur le sujet épineux représenté par l’ouverture en direction de Téhéran et de Damas. Sur le premier point, le vice-président irakien Tarek al-Hachémi s’est chargé d’apporter des révélations plutôt embarrassantes pour le locataire du 10 Downing Street, d’où l’on pourrait comprendre que « Teflon Tony » serait aussi « Girouette Tony ». Ainsi, après s’être laissé convaincre par Bagdad de la nécessité d’annoncer un calendrier de retrait des troupes engagées sur le terrain, il aurait fini par céder aux instances de la Maison-Blanche. À propos du dialogue de paix, et alors qu’une épreuve de force d’une violence inouïe se trouve engagée depuis quelques jours entre le président de l’Autorité, Mahmoud Abbas, et le Hamas du chef du gouvernement, Ismaïl Haniyeh, il s’agit de savoir si le pari pris sur Abou Mazen pourrait ou non s’avérer gagnant. Reste la recommandation expresse faite par le tandem James Baker-Lee Hamilton en faveur d’une ouverture en direction des Iraniens et des Syriens. On notera que, dans sa philippique contre les extrémistes, Blair a évité d’évoquer le nom de Bachar el-Assad. Ce qui ne veut pas dire nécessairement que le chef de l’État syrien soit dans ses bonnes grâces. Simplement qu’il aurait quelque chance, pour peu qu’il s’amende, notamment sur le thème des rapports avec le Liban voisin, de passer entre les fourches caudines d’un Occident qui le maintient en observation. En fin de compte, cette (ultime ?) tentative de redorer un blason fortement terni par un alignement indéfectible sur les positions de l’allié américain a-t-elle été couronnée de succès, comme voudrait le faire croire les inconditionnels du Labour ? Rien n’est moins sûr. Certes, l’intéressé est parvenu, une fois de plus, à donner la preuve que pour ce qui est de l’agitation diplomatique, il n’a pas son pareil. Un brillant exercice d’habileté politique, dit-on déjà à Londres. Mais cela n’est pas allé plus loin. Mardi, Tony Blair faisait face à un barrage de questions posées par des étudiantes de l’université Zayed d’Abou Dhabi. Exemple : « À quoi cela ressemble-t-il d’être Premier ministre ? » Réponse de l’intéressé : « Vous ne pouvez pas plaire à tout le monde ; alors, il vous faut opter pour ce qui vous paraît être la bonne décision. » Puis, la touche finale, portée d’un ton on ne peut plus sérieux, sous l’œil amusé du reporter de la BBC : « C’est ce que j’appelle la théorie de Mister Tony, que je préfère, croyez-moi, à mon titre officiel. » On aurait souhaité pouvoir lui lancer : « Bien joué, Mister Tony. »
Cela n’aurait pas fait plaisir au Général, mais il faut bien se rendre à l’évidence : tout comme lui, vers l’Orient compliqué, Tony Blair vient de voguer avec des idées simples. En six jours, il aura visité neuf villes, rencontré le gratin politique de la région et gratifié la presse de moult déclarations. Lesquelles tournaient toutes, ou presque, autour d’un thème unique, que...