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Actualités - CHRONOLOGIE

CORRESPONDANCE - Rétrospective de Joseph Cornell, le surréaliste des USA Dans ses boîtes, ses inventions du merveilleux et du poétique WASHINGTON, d’Irène MOSALLI

«La crise de l’objet » selon André Breton, celle consistant à juxtaposer des éléments de nature différente, comme l’ont fait les surréalistes, a atteint son point culminant outre-Atlantique avec le célèbre artiste américain Joseph Cornell (1903-1972). Un surréaliste made in USA qui a cultivé ce concept loin de ceux qui l’avaient lancé dans l’Hexagone, à la même époque. Il avait en commun avec Marcel Duchamp (qu’il rencontre en 1933) la même sensibilité et la même passion pour l’archivage et les collections. Aujourd’hui, le Smisthonian Art Museum lui consacre une grande rétrospective intitulée « Naviguant dans l’imaginaire ». Ses œuvres en vue (plus d’une centaine) sont en majorité des boîtes en bois et en verre à l’intérieur desquelles il a mis en scène, à partir d’objets du monde réel, un univers de rêve, de poésie et d’associations inattendues. Il signe également des collages, des dessins, des films et une multitude de documents (coupures de presse, manuscrits, lettres, photos, etc.) dans une ordonnance de son cru. Ses « mises en boîte » sont devenues célèbres parce qu’il a pu saisir et y enfermer un merveilleux univers ayant ses sources dans les arts, les lettres et les sciences. Si ses œuvres sont moins agressives que celles des surréalistes européens, elles relèvent de la même dérive de l’imaginaire. L’une d’entre elles, intitulée Soap Bubble Set (La bulle de savon), est constituée d’une pipe en argile, d’une tête de poupée, d’un œuf et d’une carte de la lune. L’absence de la bulle de savon est une métaphore de l’orbite céleste, insaisissable et intangible. À noter que Joseph Cornell a donné une grande place dans ses créations à l’interprétation du système astral. Explorateur dans l’âme et autodidacte, il a sondé à sa manière le ciel, la terre, la mer et les êtres là où il les trouve. Restituant le tout à travers son prisme à l’affût de ce qui est et qui ne sera plus. Dans sa boîte intitulée Taglioni, il a conservé l’essence de cette ballerine du XIXe siècle (la première à danser sur les pointes). Il en a parsemé l’intérieur de pierreries ornant les costumes et a placé des cubes en verre, représentant des cubes de glace, avec une note explicative : la célèbre danseuse mettait toujours dans son coffret à bijoux un morceau de cristal, en souvenir d’une performance donnée en Russie sur la neige…Ou aussi, « une étoile illuminant le paysage neigeux ». Bric-à-brac et esprit encyclopédique D’où est venue à Joseph Cornell l’idée de mettre son art en boîte ? Pour les uns, il aurait été inspiré par les théâtres-jouets victoriens et par ce style dominant dans la maison de son enfance. Pour d’autres, par les vitrines des magasins de Manhattan où il aimait flâner. Cet artiste a d’abord grandi dans un environnement aisé de l’État de New York puis sa famille a dû déménager dans une modeste demeure de la banlieue de Queens. Il a travaillé comme vendeur de textile et, à la mort de son père, il a passé le reste de sa vie à prendre soin de sa mère et de son frère handicapé. Il n’a jamais été marié, mais il était attiré par la beauté féminine, comme en témoigne notamment son collage de Heidi Lamarr intitulé La promeneuse enchantée. En dépit de ses nombreuses références à Paris, Rome, aux châteaux de la Loire et à la Bavière, il ne s’est jamais rendu en Europe. Véritable rat de bibliothèque, il avait acquis des milliers de livres et de revues, des centaines de disques et des boîtes pleines de ce qui pourrait être un bric-à-brac dont il se servait pour ses compositions et qui atteste aussi de son esprit de collectionneur et de ses intérêts encyclopédiques. Cet ensemble, qui fait partie de l’exposition sous le thème «Le pays des merveilles», dit aussi que l’artiste, aimant les jouets, était un homme de grande culture qui lisait la poésie française et écoutait Mozart. À son actif également un talent de cinéaste. Il n’a pas manié la caméra, mais a réuni des pellicules déjà existantes pour créer des films muets. Son utilisation de matériaux de grande production réinventés, qui tiennent du Penny Arcades (Arcades à un sou), et ses images répétitives étaient annonciatrices du pop art et autres mouvements d’après-guerre.
«La crise de l’objet » selon André Breton, celle consistant à juxtaposer des éléments de nature différente, comme l’ont fait les surréalistes, a atteint son point culminant outre-Atlantique avec le célèbre artiste américain Joseph Cornell (1903-1972). Un surréaliste made in USA qui a cultivé ce concept loin de ceux qui l’avaient lancé dans l’Hexagone, à la même époque. Il...