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REPORTAGE - Alors que le voyage est extrêmement dangereux, ils sont nombreux à embarquer illégalement vers l’Europe Sur une plage du Sénégal, avec des clandestins en partance pour les Canaries

Tous des jeunes hommes, 25 ans en moyenne. Un petit baluchon, un peu d’appréhension, mais aussi beaucoup d’espoirs. Sur une plage du Sénégal, de petits groupes de clandestins attendent dans la nuit la pirogue qui, espèrent-ils, les amènera jusqu’aux îles Canaries (Espagne). Ces 117 clandestins ont consulté trois marabouts, ont payé la somme globale de 2 millions de FCFA (3 000 euros) pour leurs conseils, pour conjurer le mal de mer, pour échapper à la vigilance des patrouilles. Les marabouts ont donné des talismans. Ils ont tous prié pour arriver en Espagne et surtout y rester. Les marabouts ont choisi le jour et l’heure du départ, quelque part sur la côte sénégalaise. Les adieux sont rapides. Les femmes, surtout les épouses, sont rarement mises dans la confidence. Elles s’opposeraient au voyage. Trop dangereux. Cheikh a 32 ans, il est pêcheur et capitaine de la pirogue : « Je suis marié et père de deux filles, mais je n’ai pas parlé à ma famille de mon voyage. Je me lance dans cette aventure car mes amis qui étaient partis commencent à envoyer (de l’argent) et la pêche que nous pratiquons ne nous fait plus vivre. Ça va de mal en pis. Autant aller faire autre chose en Europe plutôt que de rester ici pour ne jamais devenir riche. » « Les mesures prises pour une émigration légale ne nous concernent pas, les autorités vont présenter leurs parents et proches, assure-t-il. Le mauvais temps ne nous fera pas reculer car les gars sont tous décidés et nous savons que nous pouvons tenter notre chance au pays des “ Blancs ” comme d’autres qui parviennent à envoyer (de l’argent) à leurs parents restés au Sénégal. » Un de ses collègues, Doudou, en est à sa troisième tentative : « Mais cette fois-ci, je pense que c’est la bonne, je le sens car nous sommes suffisamment outillés et nous sommes prêts à affronter les intempéries en mer et le froid en Europe. Les refoulements et les accords officiels ne nous concernent pas. » Il a pourtant été rapatrié des Canaries vers le Sénégal le 18 septembre. Mais cette fois-ci, il ne va plus donner sa nationalité et pense ainsi éviter le rapatriement s’il arrive aux Canaries : « Dès l’embarquement, nous ne sommes plus sénégalais pour ne pas subir le même sort que les refoulés. » Le « ticket » pour les Canaries coûte 400 000 FCFA (600 euros). Sauf pour 7 des 117 passagers : « Sept gaillards sont recrutés pour maîtriser les éventuels défaillants, comme ceux qui nous avaient obligés à rebrousser chemin suite à de fortes intempéries en pleine mer à hauteur du Maroc, explique le capitaine. L’ensemble des candidats sont avertis des nouvelles dispositions rigoureuses et certains étaient avec nous lors de la dernière expédition. Tous se sont engagés pour arriver sains et saufs aux îles Canaries ou périr en mer. » Il est trois heures du matin. La pirogue part. À bord, il y a seulement 40 gilets de sauvetage pour 117 passagers. Naby SYLLA (AFP)
Tous des jeunes hommes, 25 ans en moyenne. Un petit baluchon, un peu d’appréhension, mais aussi beaucoup d’espoirs. Sur une plage du Sénégal, de petits groupes de clandestins attendent dans la nuit la pirogue qui, espèrent-ils, les amènera jusqu’aux îles Canaries (Espagne). Ces 117 clandestins ont consulté trois marabouts, ont payé la somme globale de 2 millions de FCFA (3 000...