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Actualités - OPINION

Rester fidèles aux idéaux de Pierre... Kinda ÉLIAS

Nos esprits sont paralysés par la force du mal qui frappe encore une fois le Liban ! Que Dieu vienne en aide à la famille Gemayel, avec qui j’ai partagé beaucoup de moments forts, depuis les frayeurs que nous avaient causées les multiples tentatives d’assassinat contre cheikh Amine en 75 et 76 jusqu’à cette dernière monstruosité, l’assassinat de Pierre, sans oublier toute la caravane de martyrs offerte par la famille Gemayel en trente ans. Quand cheikh Amine a été victime d’un attentat en 76 à Antélias, j’ai failli, j’étais bouleversée. Mes parents n’ont eu de choix à l’époque que de m’emmener le voir. Je n’avais que 12 ans. Il a fallu l’intervention de cheikh Pierre pour que l’on me permette d’entrer dans sa chambre de l’hôpital Abou Jaoudé, à Jal el-Dib. Le « mouallem » Fouad Chartouni à l’époque voulait le protéger de la foule rassemblée aux portes de l’hôpital. Je me rappelle encore aujourd’hui le retour de ma respiration à la normale au moment où je me suis assurée de visu qu’il allait bien. À chaque tentative d’assassinat, c’étaient les mêmes sentiments de peur, de frayeur et d’angoisse, qui ne faisaient que renforcer notre détermination à lutter pour un Liban souverain, libre et indépendant, un Liban libre de ses entraves régionales et internationales, un Liban libre pour sa jeunesse, qui pourrait y tracer son chemin loin de la corruption et de l’aliénation de la classe politique classique, loin des engagements contractés par la génération précédente aux dépens du Liban. Amine Assouad est le frère de mon camarade et ami Nagi et l’oncle de mon ami Amine, garçon dynamique, sérieux et engagé rationnellement dans la défense du Liban. Avec Emmanuel Gemayel (Mano) on a passé des moments fabuleux à la villa Dagher ou à Jamhour, de 76 à 78, avant d’avoir dû le transporter à l’hôpital le jour où il est tombé au champ d’honneur dans la bataille de Kobbeih-Krayyé (caza de Aley) où il fut tué par traîtrise par ceux qui sont devenus plus tard des alliés politiques. Que dire de l’assassinat de Béchir, quand nous avons dû passer la nuit à creuser pour chercher une dépouille tout en sachant que nous l’avions nous-mêmes déjà transportée à l’Hôtel-Dieu, alors que nous avions déjà prévenu cheikh Pierre de la catastrophe ? Il fallait mentir aux militants des Kataëb et des Forces libanaises pour éviter tout débordement, mais il fallait également tout faire pour sauver les quelques survivants qui auraient succombé si les travaux de déblaiement avaient été suspendus. La mort de Béchir avait tué en nous tout espoir de voir un jour le Liban ressembler à nos rêves de jeunes ayant cru à cet idéal de pays moderne, allant de l’avant et surprenant le monde entier par la créativité de ses citoyens. Nous avons dû enterrer avec Béchir nos projets citoyens (couverture médicale et sociale de tous les citoyens du Liban, projet entamé, réfléchi et mené par son cousin Paul Gemayel. Ce dernier a été celui qui a transporté Béchir à l’hôpital et averti cheikh Pierre). Nous avons eu du mal à accepter l’idée que plus jamais nous n’entendrions cette voix qui nous disait « Ya ekhwan » (ô frères). Plus jamais nous n’entendrons cette voix nous dire que nous étions à 1 contre 10 mais que le Liban méritait que nous nous donnions pour lui, que la cause libanaise valait toutes les peines et tous les sacrifices. Idéal qu’il a assumé jusqu’au bout, en perdant à la fois sa propre fille, ses neveux, et en perdant lui-même la vie au bout du compte. On croyait que c’en était fini du tribut que la famille Gemayel devait payer pour ses idéaux libanais. On croyait avoir refermé pour toujours le registre des martyrs de cette famille. Mais il a fallu que les bénéficiaires de l’assassinat de Béchir s’en prennent à nouveau à un jeune leader politique de la famille, à une voix qui n’arrêtait pas de tonner quand beaucoup de celles qui se devaient fidélité à ce souvenir avaient fini par laisser tomber la lutte, ou par s’aligner sur les forces du mal qui régnaient sur le Liban. Pierre, que j’avais vu du haut de ses 7 ans jouer devant la boutique d’artisanat que sa mère Joyce (soldat inconnu de cette guerre de 31 ans) avait créée au début de la guerre pour soutenir financièrement les familles des martyrs Kataëb ; Pierre qui avait appris avec Majd, mon plus jeune frère, à faire du skateboard à Champville à l’âge de 12 ans ; Pierre que j’ai retrouvé en 90 dans les conférences organisées à Paris conjointement par le Rassemblement pour le Liban (noyau franco-libanais fondateur du Courant patriotique libre) et les Kataëb opposants à la direction du parti inféodée à l’époque à la domination syrienne. Pierre qui a su se démarquer de son père, qui en a hérité le dynamisme frondeur et obstiné, qui a élevé la voix au Liban à l’instar du courant aouniste quand les exactions politiques et sécuritaires dépassaient tout entendement. Je me rappelle l’avoir retrouvé lors d’une interview accordée à l’hebdomadaire Magazine, il y a plus de cinq ans. Je me rappelle m’être fait cette réflexion : « Comme il me rappelle Amine au début de la guerre, comme il me rappelle Béchir dans les années 80 ; comme ses propos sont proches de ceux du général Aoun ! » J’en étais très fière. Si les années qui suivirent ne furent pas de tout repos, si les divergences politiques et partisanes que le terrain leur a imposées ont éloigné ces jeunes qui partageaient et qui partagent toujours le même idéal (un Liban souverain, libre et indépendant), n’empêche que la voix de Pierre, son sourire et surtout sa détermination marqueront à jamais l’esprit de la jeunesse libanaise. Il reste à espérer que cette jeunesse saura en tirer les leçons et refusera de se laisser entraîner dans des zizanies internes qui ne serviront que les desseins des ennemis du Liban. Pierre, je t’en conjure, de là où tu es, essaie d’inspirer aux jeunes, à tous les jeunes du Liban, la sagesse que tu as acquise en partant vers ton destin. C’est le seul moyen pour cette jeunesse de rester fidèle à tes idéaux et à ceux de tous tes prédécesseurs. La violence n’entraîne que la violence. La colère est légitime, la fureur est encore plus compréhensible. Cependant, pour toi, pour Béchir, Maya, Mano, Amine et tous les autres que nous aimons encore, ne laissons pas l’instinct prendre le pas sur la rationalité. Ne permettons pas aux pêcheurs en eau trouble d’atteindre leur but. Article paru le Mardi 12 Décembre
Nos esprits sont paralysés par la force du mal qui frappe encore une fois le Liban !
Que Dieu vienne en aide à la famille Gemayel, avec qui j’ai partagé beaucoup de moments forts, depuis les frayeurs que nous avaient causées les multiples tentatives d’assassinat contre cheikh Amine en 75 et 76 jusqu’à cette dernière monstruosité, l’assassinat de Pierre, sans oublier toute la...