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Actualités - OPINIONS

Unanimes, les lecteurs condamnent le lâche assassinat de Pierre Gemayel

Miroir déformant Mercredi 22 novembre 2006. Au-delà de la nouvelle tragédie qui vient de frapper le Liban, ce qui est le plus consternant, c’est d’écouter les nouvelles de 20 heures d’al-Manar, la télévision du Hezbollah. On se croirait devant un miroir déformant : le gouvernement y est qualifié de « gouvernement non constitutionnel de Siniora » ; les forces du 14 Mars deviennent les « forces du 14 Février » et sont qualifiées de « traîtres », et « d’instruments des États-Unis et de la France ». L’ambassadeur américain Jeffrey Feltman a-t-il effectué une visite de condoléances à M. Amine Gemayel que la nouvelle est rapportée dans les termes suivants : « Feltman s’est réuni à huis clos avec Amine Gemayel et Samir Geagea pour décider de l’étape suivante. » Plus pernicieux encore, des pneus ont-ils été brûlés la veille par quelques jeunes excités que la nouvelle devient, texto, la suivante : « Des partisans du 14 Février ont manifesté violemment à travers tous le pays, brûlant des pneus, insultant les dirigeants du Hezbollah et du courant aouniste, et jetant des pierres sur les voitures de ressortissants syriens. » C’est là le véritable drame de ce pays, car lorsque les souverainistes appellent au rassemblement de tous les Libanais sans en exclure aucun, lorsqu’ils reconnaissent au Hezbollah sa « victoire divine » alors que celui-ci a pris le risque (avec succès) de couler la saison estivale sans concertation aucune avec les autres composantes du pays, lorsqu’ils tendent la main aux dirigeants du 8 Mars parce que, somme toute, ils sont aussi libanais que nous tous, ils reçoivent en réponse des insultes indignes d’une démocratie. Qu’on m’explique donc comment pourrait se former ce fameux « gouvernement d’union nationale » avec des gens qui excluent au lieu de rassembler, qui insultent au lieu de dialoguer, et qui considèrent comme traîtres ceux qui ont le soutien de la communauté internationale et qui se sacrifient (le terme est malheureusement approprié) pour que naisse une démocratie dans ce pays. Georges BOUSTANY PS : ma lettre s’adresse en particulier au général Aoun. Sauf votre respect, il commence à nous coûter très cher, ce fauteuil de Baabda, mon général. Communiquer… Communiquer, transmettre, faire partager son avis, l’avis des autres. Comment ? De quelle manière ? Par quel moyen ? Et surtout pourquoi ? Toutes ces questions, ces idées, cette volonté de faire changer les choses, de les améliorer pour son propre bien, le bien de tous, le bien du Liban. Recomposer le Liban, le composer de nouveau, former un tout en assemblant plusieurs parties. Recommencer, repartir à zéro et oublier le passé, ce passé qui a tant fait souffrir, ce passé que les Libanais ont peur de voir ressurgir. Reconnaître comme vrai, comme légitime, comme sien ce combat qu’ont mené nos martyrs pour l’indépendance du Liban. Se reconnaître en eux et renouveler l’espoir, se redonner le courage, la force de continuer le chemin… Aboutir à nos fins. Rendre à notre pays sa liberté, sa souveraineté, sa sécurité. Lui redonner toute sa beauté : refaire du Liban la perle du Moyen-Orient. Karine JAZRA Sciences-po, Paris Le goût de la liberté Une fois de plus, le terrorisme criminel frappe au Liban contre ceux qui ont façonné la victoire, la seule que nous connaissions à ce jour. Et les vaincus n’ont plus fermé l’œil, les dents serrées, depuis le grand jour de l’année passée, jurant par la mort de prendre leur revanche des pôles de la liberté, de la souveraineté et de l’indépendance. Non contents de semer la mort et la terreur, ils utilisent leurs outils médiatiques et leurs marionnettes pour propager les rumeurs les plus sordides autour des circonstances et des raisons des assassinats qu’ils commettent. Mais la vérité, nous la connaissons tous, et elle poursuivra les criminels de l’ombre au-delà de leurs couvertures. À tous ceux qui baignent leurs mains dans le sang innocent des martyrs, sciemment ou non, je dis que nous savons lire le cours des évènements et la portée des intérêts de chacun. Plus le sang des martyrs est versé et plus notre cause s’ennoblit. Plus les larmes des veuves et des mères coulent dans la douleur et plus notre foi se renforce. Plus ils s’attèlent à faire taire les voix de l’indépendance et plus ils insufflent en nous une détermination bétonnée à continuer sur la voie empruntée par les martyrs de l’indépendance. Cette voie, elle peut être longue, cahoteuse, éclaboussée de sang et de chair, mais nous ne reculerons pas. Le Liban est à nous, nous les êtres libres, nous les souverains, nous les indépendants, nous les générations futures, qui regardons vers l’avant et défions de toute notre force les démons du passé qui ne rêvent que d’un retour en arrière. Mais vous ne l’aurez pas, notre Liban, parce que le sang des martyrs ne sera pas versé en vain. Il coule dans nos veines et il a le goût de la liberté, celle qui fait de nous des hommes, des vrais. Muriel MATTA Ça suffit ! Encore un homme qui tombe sous les balles des assassins. Combien de crimes leur faut-il encore pour réaliser que le pays va à la dérive ? Quand vont-ils s’arrêter ? À ce train-là, bientôt il ne restera plus de place sur les murs de Beyrouth pour les portraits de « Lan nann’sa » (nous n’oublierons pas). Avec tous les jeunes qui s’en vont et les autres qu’ils assassinent, il n’y aura plus au Liban que les vieux et ceux qui ne peuvent pas quitter, obligés qu’ils sont de rester. C’est cela qu’ils veulent, vider le pays, le rayer de la carte ? Eh bien, ils ne le pourront pas. Il restera toujours quelqu’un comme cheikh Pierre et ceux qui l’ont précédé sur le chemin du martyre pour prouver le contraire. Que Dieu donne la force et le courage aux Gemayel. Ils ont très lourdement payé leur amour pour le Liban. Adieu, cheikh Pierre, ton sourire va nous manquer. Sally TRABOULSI NDLR Dans le nombreux courrier que nous recevons quotidiennement, certaines lettres comportent des passages qui seraient difficilement publiables. Pour cette raison, et aussi afin de faire paraître le plus grand nombre possible de lettres, le journal se réserve le droit de n’en reproduire que les parties les plus significatives et d’en rectifier certains termes désobligeants. En outre, chaque missive doit comporter la signature (nom et prénom) de son auteur. Les lecteurs, nous en sommes certains, le comprendront, ce dont nous les remercions par avance. Les condoléances de l’Union maronite du Canada Au nom de l’Union maronite du Canada, nous tenons à présenter à la famille Gemayel nos plus sincères condoléances. La perte de Pierre Amine Gemayel n’est pas seulement une perte pour sa famille, mais c’est surtout une énorme perte pour tout le Liban et les Libanais à travers le monde. J’ai eu la chance de connaître Pierre personnellement. Sa simplicité, son patriotisme, sa sincérité, et sa foi en un Liban fort, indépendent et démocratique étaient symboliques. Les criminels qui ont essayé, par leur acte perfide, de détruire un jeune symbole de notre cher Liban se sont trompés encore une fois. Notre message est clair. Notre réponse à ces actes est basée sur notre conviction, et notre foi inébranlable en un Liban fort, indivisible et éternel. Parce que nous, Libanais du Liban et de la diaspora, nous n’enterrons pas nos morts. Leur présence est à jamais dans nos cœurs. La longue liste, de Rafic, Bassel, Samir à Gebran, à laquelle s’est ajouté Pierre, est un rappel incessant de leur sacrifice ultime pour notre patrie. Les millions de Libanais à travers le monde partagent notre vision : de grâce, laissez nos enfants vivre en paix. Donald J. EDDÉ MD Président de l’Union maronite du Canada Président du Regroupement des professionnels Canada-Liban (RPCL) Président des Anciens de Jamhour Canada (AJC) Vive l’héritage politique ! L’héritage politique est à tort souvent entendu comme un concept péjoratif. Or le martyr qui vient de tomber apporte la preuve, une fois de plus, que les Libanais doivent être fiers de compter parmi eux des familles politiques. Des familles qui sont nées et qui se perpétuent dans l’esprit du combat pour l’indépendance. Des familles clamant haut et fort leur amour du pays, luttant sans relâche pour une vie digne et libre, des familles ayant pour souci la défense d’un Liban souverain et transmettant de père en fils ce don du sacrifice. Ces hommes qui bénéficient de l’héritage politique sont animés par l’enthousiasme à se mouler dans l’histoire du Liban, à se donner corps et âme à la cause, à mêler leur sang à la terre de leur patrie. Quoi de plus noble que cet héritage précieux, constant, dont le peuple tout entier profite ? Les autres familles libanaises devraient non seulement rendre hommage à ces héros, mais également se construire elles aussi des sentiments nationaux infaillibles pour faire parvenir sans retenue, de génération en génération, le sens du courage qui permettra à lui seul de préserver notre cher Liban. Vive l’héritage politique ! Claude ASSAF Quitter ou rester ? Rien ne va plus au Liban. Et pourtant, on y reste ; pourtant, on l’aime encore plus, et pourtant, on s’y attache. Quelle contradiction ! Mon pays, mon pauvre pays, existes-tu encore? Tu meurs mille fois, à chaque fois qu’on tue l’un de tes fils. Et tu renais car tu sais qu’il y a d’autres qui ont besoin de toi. Mais jusqu’à quand pourras-tu résister? Mon cher pays, existes-tu encore ? Oui, tu existes et tu existeras pour toujours, pour nous, les Libanais. Est-ce que c’est à force de t’aimer qu’on t’a blessé ? Quel est notre crime pour subir tout cela ? Serait-ce d’être libanais, mon pays ? Peut-être que si on quitte, tu te reposeras, mais on te laisse pour qui ? Et quitter pour où ? Partout dans le monde, nous serons des étrangers, traités comme des parasites vivant aux dépens des autres. Je ne sais plus. Quitter ou rester? Et rester pour quoi faire ? Je ne comprends plus rien, c’est comme si tout s’est arrêté tout d’un coup. Je suis énervée, frustrée, mais pire encore, j’ai peur. Oui, j’ai peur pour moi, pour ma famille, pour mes amis, pour mon pays. J’ai peur de rester et j’ai peur de quitter. Tâla SINNP Un si lourd fardeau Une mort indigne d’un homme digne, d’un homme qui a porté le nom de sa famille avec un grand sens de responsabilité et de fierté, d’un homme qui était convaincu de son devoir envers sa patrie, envers un Liban libre, indépendant et souverain. La mort a dû le prendre en tant que martyr de la parole libre, en tant que martyr de l’ultime et unique cause. La coupe est amère et la croix devient encore plus lourde à porter. À l’amertume s’ajoute la rage devant une telle injustice, devant une si froide inhumanité. Quels mots et quelles promesses pourraient encore nous rassurer ? Le peuple libanais crie de toutes ses forces : arrêtez ce bain de sang ! On veut vivre en paix, grandir, évoluer ! Il faudrait payer encore plus cher le prix de notre liberté parce que, avec la liberté, vient une grande responsabilité. À nous seuls de l’assumer, même si le fardeau est de plus en plus lourd à porter. Tina BARAKAT Aidons les Libanais Je suis abattue après cet assassinat. Comment peut-on laisser se commettre autant de violence sans aucune punition, cette horreur sans aucune intervention internationale ? Encore un Libanais, chrétien maronite, qui a payé de son sang, de sa vie son attachement à son pays et sa détermination politique. Je ne comprends pas comment les chrétiens du Liban vont pouvoir survivre à cette recrudescence de violence. Quel avenir pour eux ? Nous devons nous battre ensemble pour vaincre et combattre ces horreurs. Un Liban fort est un Liban uni, solidaire, dirigé en toute démocratie, avec l’aide de la communité internationale et l’aide de la France, afin d’enrayer la violence, et aider les Libanais à aimer leur pays et à en être fiers. Nous ne pouvons plus supporter cette violence. Nous demandons l’aide internationale pour que nos frontières soient solides et que les Libanais puissent enfin, au bout plus de trente ans de conflit, vivre tranquillement et reconstruire un pays encore une fois noyé sous le sang. Aidons-les pour une vie meilleure et pour l’égalité des chances dans ce pays historiquement associé à la France. Ophélie CHOLLOIS Et les mesures de sécurité ? Incroyable comment le gouvernement libanais n’a pas encore instauré des techniques avancées de sécurité après l’assassinat de Hariri ! Depuis, plusieurs attentats et assassinats ont eu lieu, et on en voit encore plus. Quelle est la mesure radicale qui a été prise à part embaucher 12 000 nouveaux gendarmes qui créent un plus grand fardeau sur notre budget, incapables qu’ils sont de protéger les citoyens et les politiciens ? Si nos systèmes de sécurité sont faillibles, pourquoi ne consulterait-on pas un État spécialisé pour entraîner nos forces à gérer les choses ? Le pire est que tous ces assassinats finissent par être oubliés, sans la sanction des criminels... Avec un quotidien aussi délirant, comment va-t-on songer un jour à rentrer au pays ? Ziad JUREIDINI J’ai peur Un martyr de plus tombe pour le Liban. Le pays est en deuil, sous le choc de cette mort injuste, celle d’un jeune homme qui avait le courage de se battre pour sa patrie et ses idées. Mais au-delà de la douleur face à cette perte, ce sont les conséquences qui me terrifient. Je suis tétanisée à la vue des pneus brûlés, des rixes qui éclatent entre les partisans des différents courants, comme aux heures les plus noires de la guerre. La guerre, on n’a connu que ça. Je fais partie de la génération quatre-vingt, et au Liban, cela signifie naître et grandir au plus fort des conflits, et en garder les séquelles à tout jamais. À l’époque, nous n’avions pas eu le choix. Nous n’étions que des enfants, obligés de subir la folie des grands, de rater l’école, de déménager au gré des combats, de vivre entassés dans les cages d’escalier pour se mettre à l’abri des obus, avec comme musique d’ambiance les « départs-arrivées » et le crachotement des postes de radio qui tentaient tant bien que mal de nous relier au monde extérieur. Mais aujourd’hui, c’est nous les « grands », et ce choix, nous l’avons. Le choix d’être ceux qui appellent au calme au lieu d’être ceux qui ravivent les tensions. Le choix de la rationalité face à la violence. Le choix du dialogue et de l’union face à l’affrontement et la discorde. Nous avons le pouvoir, mais surtout le devoir, d’éviter à nos (futurs) enfants de subir l’horreur que nous avons dû affronter. Tout simplement parce que nous sommes les mieux placés pour savoir que la guerre et les violences ne résoudront jamais rien. Maya HOBEIKA En exil forcé à Lyon
Miroir déformant
Mercredi 22 novembre 2006. Au-delà de la nouvelle tragédie qui vient de frapper le Liban, ce qui est le plus consternant, c’est d’écouter les nouvelles de 20 heures d’al-Manar, la télévision du Hezbollah. On se croirait devant un miroir déformant : le gouvernement y est qualifié de « gouvernement non constitutionnel de Siniora » ; les forces du 14 Mars deviennent...