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Actualités - OPINION

Il est temps de régler le problème libanais

Maintenant que le Syrien est sorti, que le fallacieux couvercle de sécurité qui régissait les différents « peuples » libanais a éclaté, que les tensions communautaires ont repris le devant de la scène ; maintenant que les caméras du monde entier se sont une fois de plus braquées sur le destin de notre pays martyr, que le dossier libanais occupe l’avant-scène des querelles d’influence entre Américains et Français, d’une part, la République islamique et la Syrie, de l’autre, avec au centre le tout-puissant Machiavel israélien ; et pour toile de fond le dossier nucléaire iranien et les intérêts pétroliers américains. Maintenant que l’Occident se remet tout d’un coup à romantiquement parler du Liban message, alors qu’il y a quelques années on parlait prosaïquement de « libanisation » pour décrire l’émiettement d’un pays et la discorde entre ses composantes (comme par exemple en Yougoslavie): Il est plus que temps, pour nos nouvelles générations, de renoncer à toute hypocrisie et de veiller à régler une fois pour toutes le problème libanais. Celui-ci voit sa naissance dans le pacte de coexistence de 1943, qui est curieusement le pacte de l’incompréhension mutuelle entre Libanais de toutes les confessions, revigoré par les accords de Taëf (Constitution rédigée hors du territoire libanais, quelle aberration de l’histoire !), en inversant les rapports de force. Après la révolution du Cèdre et le retrait syrien, les mêmes mensonges se sont perpétués, puis le fossé s’est élargi encore davantage lors de la guerre de juillet. Il est temps de reconnaître officiellement et institutionnellement la présence d’au moins deux grands groupes socioculturels (les chrétiens et les musulmans), chacun ayant les caractéristiques et les valeurs qui lui sont propres; cela devrait permettre à chacun de ces groupes d’organiser librement sa manière de vivre au quotidien et entraîner naturellement une détente dans la relation entre les deux groupes. Ce nouveau système éliminera irrémédiablement les tensions politiques dues à la crainte qu’éprouve chacun de ces groupes de se voir imposer les vues et les valeurs de l’autre, en résolvant le problème fondamental qui est la peur millénaire de chaque groupe pour son identité. Il est temps de comprendre que le Liban doit être définitivement pluraliste, c’est-à-dire que la culture et l’héritage de chacun soient reconnus par l’autre, qu’ils soient byzantins, arabes, syriaques ou perses, que soient reconnus le droit à la différence, l’ultime liberté d’autodescription de chacun des « peuples » libanais. Ainsi le druze, le chiite, le sunnite ou le chrétien pourra, chacun, choisir d’organiser sa vie à sa manière, au sein d’un nouveau contrat social qui régira les relations entre les différentes composantes. Le grand défi consiste à faire de la nouvelle formule libanaise le garant d’une nation plurielle mais unie, afin que le Liban ne soit pas une Palestine de remplacement, un microcosme iranien ou un satellite israélien. Il est temps de se rendre compte que le plus grand malheur de l’État libanais réside dans la construction, depuis la fin de la « moutassarifia », d’un système de gouvernement centralisé comme garant du mythe qui consiste à dire qu’il devrait exister une seule société culturelle unifiée ; un système jacobin castrateur des libertés culturelles et donc individuelles. Tant que ce régime perdurera, l’on sera toujours dans une logique de lutte où chaque composante veut imposer sa définition du Liban aux autres et l’on pourra toujours compter sur une puissance régionale pour l’aider (au nom d’une des « oumma » multiples) à sortir du cadre de l’État. Il est temps de réaliser, considérant les divergences fondamentales que l’on constate sur la scène politique libanaise, que ce pays n’a pas plusieurs choix pour son avenir : c’est soit la partition, soit le statu quo et le maintien de la formule consensuelle désuète de Taëf, donc le maintien de l’état permanent de conflit et de compétition entre les communautés, soit la mise en place d’un système fédéral, une option que les Libanais n’ont pas encore essayée malgré que de nombreux indicateurs au sein de la vraie nature de la société libanaise convergent dans cette direction. Il est temps de trouver une solution, fût-ce la fédération, l’autonomie ou la décentralisation poussée, qu’on donne à cette formule l’appellation qu’on veut, mais il est impératif en tout cas d’en finir avec les tabous et les « menaces », de s’attabler, de se regarder dans les yeux et, pour une fois dans notre histoire contemporaine, de se dire la vérité loin de la logique du compromis et de la lâcheté politique. Il est utile de remarquer que notre histoire mouvementée et notre géographie escarpée ont façonné au Liban des divisions géographiques nettes habitées à prédominance par certains groupes culturels. Ainsi l’organisation de l’autorité régionale peut être facilement mise en place sur ces bases géographiques. L’entité fédérée s’occuperait des questions d’existence, de la culture, de l’éducation, de l’identité et de l’histoire, des statuts personnels, des besoins financiers, de la police, du développement et même de l’environnement. L’État fédéral s’occuperait de la défense, des affaires étrangères et de l’économie générale. Il est temps également d’admettre que la Suisse est un modèle unique (qu’importe s’il vient de l’Occident), qui a permis depuis 300 ans de rassembler des peuples que tout opposait (langue, religion, niveau de vie…) et d’en faire une nation certes composite, mais prospère, détendue et surtout pacifiée depuis le XVIIe siècle. Il est temps d’admettre aussi que la plupart des grandes nations du monde sont des États fédéraux (les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, le Canada, les Émirats arabes unis…) et que d’autres accordent un statut d’autonomie aux identités régionales (la Belgique, l’Espagne et dernièrement le Royaume-Uni). Il est temps de s’affranchir de tous ces irresponsables qui nous gouvernent, doués d’un curieux instinct d’adaptation qui favorise leur survie politique quel que soit le tuteur régional, et qui ne songent qu’à s’asseoir sur l’un des fauteuils du pouvoir, prêts à n’importe quelle alliance contre nature pour préserver leur siège (à eux ou à leurs rejetons), sans songer un seul instant aux intérêts de leurs électeurs, étrangers qu’ils sont à toute conscience nationale. Jadis, il y eut certains qui œuvraient pour un idéal du Liban, mais les hyènes de l’arène politique se sont substituées à eux. Il est temps donc pour nos concitoyens de lutter pour le changement, d’apprendre des erreurs du passé (de ne pas revenir à la situation qui prévalait en 1989), de flairer, de pressentir, d’analyser (et je sais que le Libanais lambda est un animal politique, mais qu’il a les mains liées par l’oppression, la pauvreté, donc le clientélisme), de faire confiance à la jeunesse, d’aspirer à de nouvelles formules afin de se défaire une fois pour toutes de la tare du système politique libanais. Enfin, il est temps de réaliser une fois pour toutes qu’en présence de divergences de points de vue aussi grandes entre les différents groupes culturels, concernant des sujets aussi épineux que les relations internationales et la politique de défense nationale (dues aux multiples allégeances), le Liban se doit d’adopter une neutralité « sacralisée » afin de limiter toute intervention étrangère et ses effets néfastes sur les équilibres politiques internes ; une neutralité renforcée qui devrait conduire progressivement à une cessation des cycles successifs de violence au Liban. Il est temps, il est grand temps, il est plus que temps d’agir. Afin que ne passe pas le temps et que je me retrouve sous un érable canadien, ou un palmier d’Arabie et bien loin de l’ombre de notre beau cedrus libani, en me disant : « Il fut le temps où l’on pouvait... » Joy Homsy Citoyen anxieux
Maintenant que le Syrien est sorti, que le fallacieux couvercle de sécurité qui régissait les différents « peuples » libanais a éclaté, que les tensions communautaires ont repris le devant de la scène ; maintenant que les caméras du monde entier se sont une fois de plus braquées sur le destin de notre pays martyr, que le dossier libanais occupe l’avant-scène des querelles...