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LE POINT Au nom de l’eau de rose

Un débat télévisé entre candidats à la candidature, à sept mois de l’élection présidentielle, que voilà une idée nouvelle, en France du moins. Pourquoi donc avoir aseptisé la prestation, au point de la rendre indigeste, pour les militants bien entendu, mais aussi pour l’ensemble des téléspectateurs scotchés à leur poste deux heures durant dans l’espoir de voir le dompteur (en fait, ils étaient deux) bouffés par le lion (en fait il s’agissait d’une lionne qui évitait systématiquement de montrer les crocs) ? Et puis ce temps de parole imparti à chacun, pour chaque thème, calculé sur le trébuchet d’un Monsieur Homais politicailleur et désireux de ménager la chèvre socialo et le chou écolo, mais qui aura finalement réussi l’extraordinaire tour de force de mécontenter tout le monde... Plus sérieusement, à quoi aura-t-elle servi, cette confrontation qui n’en était pas une, puisque, François Hollande dixit, il s’agissait plutôt d’une « compétition démocratique », un habillage sémantique qui, en fait, cache l’essentiel : une envie mal contenue d’en découdre avec l’adversaire, malgré les mouches posées sur les fleurets ? Réponse : le match aura permis à deux des trois joueurs, de surcroît anciens ministres des Finances, de prouver qu’ils possèdent à la perfection leurs dossiers économiques et qu’ils peuvent à loisir disserter sur l’extensibilité des 35 heures, le relèvement du smic ou encore la suppression des subventions publiques aux entreprises qui délocalisent. Un exercice de haute voltige, dans lequel les enfants de François Mitterrand sont passés maîtres. Exemple : championne incontestée de cette discipline typiquement française, Ségolène Royal juge – mais à qui a-t-elle bien pu piquer cette pensée profonde ?... – qu’« il faut réconcilier le monde de l’entreprise, les salariés et les Français en général ». Relever ainsi, au fil des interventions de mardi soir, les phrases qui, prononcées devant les caméras, impressionnent le vulgum pecus, mais qui, imprimées noir sur blanc, donneraient le vertige au plus savant des politologues, représenterait un nécessaire travail de sélection en vue de l’élaboration d’un sottisier à l’usage des apprentis politiciens. L’idée au départ était que l’électeur mérite, avant l’ouverture officielle de la campagne, d’être informé du programme des participants à cette épreuve marathonienne qui s’appelle une présidentielle. Initiée par les Américains, la formule – prélude à des primaires – a été testée dans plusieurs pays où elle a rencontré un succès que, dans le monde du spectacle, on qualifierait de mitigé. Le malheur est d’avoir réuni ce soir-là trois énarques de gauche, soucieux de se mettre en valeur sans pour autant faire montre d’agressivité, une caractéristique jugée impardonnable en France, mais indispensable dans nombre de pays anglo-saxons. Le résultat est que, cent vingt minutes durant, ils ont répondu aux questions des membres du parti sans jamais s’adresser la parole, la présidente de la Région Poitou-Charentes prenant soin de préciser d’emblée qu’elle n’aurait pas réponse à tout. Il en est résulté un triple monologue ponctué de poncifs qui secouaient plutôt mal des téléspectateurs rapidement gagnés par une bienfaisante somnolence. Le plus sévère à l’encontre de la formule retenue aura été Laurent Fabius, pour qui ce « débat à l’américaine » fut « trop long, trop formel ». Il aurait pu ajouter : « ... et inutile ». Gare, cependant, à ceux qui ne s’armeraient pas de patience : ce genre de côte à côte, comme on dit face-à-face, va se reproduire mardi prochain 24 octobre (sur les questions de société) puis de nouveau, ce sera le dernier, le 9 novembre (sur l’Europe et des sujets d’ordre international). Tenue de jouer d’ores et déjà son rôle de challenger numéro un d’un certain Nicolas Sarkozy, la favorite des sondages paraissait avoir opté pour le shadow boxing politique, parce que, a-t-elle expliqué, elle est « candidate pour faire gagner la gauche et ensuite pour faire réussir la France ». À ce double titre, l’intention est plus que louable. Rien n’indique cependant qu’elle lui permettra de battre un prétendant aussi coriace que l’actuel président de l’UMP et, au titre de ministre de l’Intérieur, poids lourd du gouvernement de Villepin. Partis un peu tôt, les deux lièvres ont prouvé à ce jour qu’ils pouvaient tenir la distance, aidés en cela par le fait que les tortues sont d’une lenteur et d’une absence de charisme propres à décourager leurs plus chauds partisans. À l’égard de la nouvelle coqueluche des Français, ils sont nombreux à partager l’opinion d’un Jean-Pierre Raffarin particulièrement féroce hier : « Elle est à la fois à gauche, au centre et à droite. » L’envie, au soir des grandes assises du PS, de lancer : « Demandez le programme à la sortie. » Des fois qu’il y en aurait un. Christian MERVILLE
Un débat télévisé entre candidats à la candidature, à sept mois de l’élection présidentielle, que voilà une idée nouvelle, en France du moins. Pourquoi donc avoir aseptisé la prestation, au point de la rendre indigeste, pour les militants bien entendu, mais aussi pour l’ensemble des téléspectateurs scotchés à leur poste deux heures durant dans l’espoir de voir le dompteur (en...