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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Une année après l’attentat, elle reste « journaliste avant tout, éternelle optimiste malgré tout » May Chidiac : la détermination

Son parfum la devance, puis sa voix. Une présence qui se fait déjà ressentir, avant même qu’elle n’apparaisse dans la pièce ... Et lorsqu’elle arrive, fière, marchant difficilement à l’aide d’une canne, mais avec le sourire, elle impose encore plus le respect et une grande admiration. May Chidiac, un an et 26 opérations plus tard, revient, à l’heure du bilan, sur un miracle, certes, mais avant tout un drame. Elle a le ton juste, qui balance, selon l’humeur du jour, entre légèreté et révolte, entre « Grâce à Dieu » et « Pourquoi ? » Sans fausse note, elle trouve les mots qu’il faut pour exprimer ce parcours de combattant qu’elle traverse, pas à pas, mais d’un pas sûr, chaque jour. Alors que nos mots deviennent boiteux, timides, face à tant de courage. « J’ai toujours eu les pieds sur terre », confirme-t-elle en guise d’introduction. Le ton est donné. « Je ne veux pas être une icône, je considère plutôt que j’ai une mission : être la voix de ceux qui ont disparu. La voix de Samir, celle de Gebran. Je n’ai pas le droit de me taire, de mener une vie tranquille. » Sa vie, depuis ce maudit 25 septembre 2005, a volé en éclats. Les projecteurs se sont déplacés, les plateaux de télévision ont été remplacés par des couloirs d’hôpital sans fin, le bonheur a brûlé, laissant la place à des douleurs physiques qu’il serait presque impudique de décrire. « C’est maintenant, en reprenant ma vie normale, confie-t-elle, que je réalise les dégâts et les difficultés. » Un parcours réussi Car il y a un cruel avant et après cet attentat qui l’a privée de sa main et de sa jambe. Un avant et un après ce dimanche qui ne fut pas heureux, mais qu’elle avait entamé par un rayonnant « Nharkoun saïd ». L’avant, on le connaît : une carrière de journaliste politique. « J’ai toujours voulu faire de la politique », précise-t-elle à ceux qui n’ont pas compris sa brève candidature au poste de député. Une carrière qui a débuté très jeune, alors qu’elle poursuivait ses études, à la radio VDL. La LBCI l’engage pour un journal télévisé qui devait être… en français ! Durant des années, elle sera à l’antenne du journal de 20 heures, avec de petites parenthèses de voyages, de changement, mais la télévision devient un virus dont elle ne peut se passer, la célébrité aussi. Et la LBCI une famille dans laquelle elle trouve sa place – d’honneur. « Je n’ai pas eu les choses facilement. J’ai perdu mon père à l’âge de 13 ans, je me suis faite moi-même et j’en suis fière. » Il y a quelques mois, encore en plein traitement à l’hôpital, elle décide de reprendre l’antenne, encouragée par son entourage et Pierre Daher. « Je n’avais pas mesuré les difficultés qui m’attendaient. Rester assise plus de trois heures, c’est épuisant. Je supporte, je m’effondre après », dit-elle dans un sourire. Le présent Au lendemain du 25 septembre, le monde entier a témoigné à la journaliste et à la femme son indignation et son amitié. Elle a reçu au cours de cette longue année de nombreuses distinctions, dont le prix mondial de la liberté de la presse Unesco/ Guillermo Cano, le prix 2005 de la liberté d’expression et le prix 2006 de la liberté de la presse. Outre nos politiciens et ambassadeurs, le président Jacques Chirac lui a, dans une lettre personnelle, exprimé sa « très chaleureuse sympathie ». Kofi Annan, Javier Solana et tout un peuple consternés lui ont confirmé une admiration sans borne. « C’est pour eux que je continue à me battre. » Son caractère décidé, fort, qui refuse de se plier, mêlé à une subtile intelligence, la guide dans ses choix. Lorsqu’elle apparaît sur CNN dans un documentaire signé Brad Saddler et dans un reportage de Paris Match, elle montre tout de son calvaire, sans hésitation, et une fois de plus avec le sourire. « Je n’ai pas voulu choquer. Mais il me semblait que je devais faire ça avant de tourner la page et rentrer. Pour qu’on n’en parle plus. Je n’ai rien à cacher, parce que, après tout, ces images, c’est la nouvelle personne que je suis. Si moi je m’accepte comme ça, il faudrait que les gens le fassent aussi. » À son retour le 21 juillet, à la veille de ce terrible été, elle reprend la même voiture, la même plaque d’immatriculation et le même invité pour sa première apparition télévisée. Bikoul jour’a, titre de son émission, lui va comme un gant. Elle tient aussi à porter la même chemise rose, elle la fera acheter à Londres un an plus tard… Le retour à la vie et à l’écran de May Chidiac en juillet 2006 était bourré de symboles. « À présent, c’est le travail qui m’intéresse. Je voudrais, poursuit-elle, que les gens fassent la part des choses. Je représente, il est vrai, la chaîne des martyrs morts ou vivants, mais aujourd’hui, je veux qu’on me juge sur mon travail. » L’avenir L’enseignement, la télévision, la politique. Ses passions, intactes, comme son visage, l’aident à envisager plus facilement l’avenir. Outre les nombreux voyages, pour des interviews ou d’autres distinctions à recevoir, elle prépare un livre, prévu dans quelques mois, où elle parlera, avec l’audace et l’humour qu’on lui connaît, de « cette maudite année 2005. C’est un récit, il y aura des moments de colère, de tristesse, de désespoir, de renaissance et de reconnaissance ». Et de conclure : « À l’hôpital, je n’ai pas eu le temps de penser à moi, je devais me soigner. C’est maintenant que je me remémore tous les détails et que je fais des constats, souvent pénibles. Mais je suis une éternelle optimiste, qui voit toujours la partie du verre plein. Et puis, vous avez de la chance, aujourd’hui, je suis de bonne humeur ! » Carla HENOUD
Son parfum la devance, puis sa voix. Une présence qui se fait déjà ressentir, avant même qu’elle n’apparaisse dans la pièce ... Et lorsqu’elle arrive, fière, marchant difficilement à l’aide d’une canne, mais avec le sourire, elle impose encore plus le respect et une grande admiration. May Chidiac, un an et 26 opérations plus tard, revient, à l’heure du bilan, sur un miracle,...