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Actualités - OPINION

EN DENTS DE SCIE Devoir d’invention

Quarantième semaine de 2006. Tout le monde commence à presque tellement bien faire son travail que cela en devient presque rassurant, certes, mais un peu ennuyant, presque lénifiant : la majorité s’emploie tant bien que mal, la pauvresse, à appliquer la Loi, les lois, en apprenant à ne pas répéter les erreurs commises par tous dans le passé ; l’opposition fait de l’opposition, parfois constructive et féconde, souvent démagogue et acnéique ; le Hezbollah attend gentiment la fin du ramadan ; Émile Lahoud ne cesse de représenter de la plus grotesque des façons une caricature de président de la République ; Bkerké continue de rester l’objecteur de conscience des Libanais – c’est un fait, que l’on soit païen, athée, croyant, confessionnel ou laïc ; la communauté internationale fait preuve d’une patience infinie ; les boys and girls de la Finul Plus aident les soldats de l’armée libanaise de leur mieux ; Serge Brammertz semble être comme un poisson dans l’eau dans l’imperméable de l’inspecteur Colombo – celui-là même qui connaît dès le début l’identité du coupable et qui réussit toujours, au bout de l’épisode, à prouver sa culpabilité… ; Haïfa Wehbé est toujours aussi bombasse ; bref, tout va bien. Et c’est justement le moment que devrait choisir le pôle qui défend la souveraineté, l’indépendance, la démocratie, l’État de droit et les spécificités libanaises – c’est-à-dire, malgré toutes ses tares, l’Alliance du 14 Mars – pour prendre l’initiative. Ne serait-ce qu’une initiative. Quelque chose dont on parlerait dans les prochaines quatre décennies, quelque chose que les générations futures liraient dans les livres d’histoire, quelque chose de retentissant, quelque chose qui mettrait en branle tout l’appareil institutionnel, quelque chose qui réveillerait cette Belle au bois dormant, d’une inutilité hallucinante, qu’est devenue la Chambre des députés – le comble, c’est que, pour la première fois depuis des lustres, ce Parlement dispose d’une majorité véritablement représentative (sachant naturellement que la loi 2000, débile, était la même pour tout le monde). Quelque chose qui pousserait le jeune, l’investisseur, le touriste à revenir ; quelque chose qui ramènerait la confiance. Quelque chose qui toucherait aux fondements du Liban, à sa constitution, à sa Constitution et, de facto, à son fonctionnement. Quelque chose qui rallumerait l’étincelle et mettrait immédiatement chaque Libanais face à un choix de présent et d’avenir, créant ainsi deux camps naturels : ceux qui sont pour le changement et la construction, et ceux qui sont contre. Peut-être alors que les Libanais qui ne veulent plus ni de Aoun, ni de Geagea, ni de Hariri, ni de Karamé, ni de Nasrallah, ni de Berry, ni de Joumblatt, ni d’Arslane, ni de ceux qui reçoivent le fauteuil en héritage, ni des fils de, ni des gendres de, peut-être que ces Libanais-là accepteront de défendre une idée plutôt qu’un homme. À moins qu’un(e) Ségolène Royal libanais(e), quelqu’un à qui personne ne s’attendait, ne déboule, comme ça, sans prévenir… L’Alliance du 14 Mars a le choix : se suicider lentement ou créer. Imposer. L’inacceptable clash de la banlieue sud, où les forces de l’ordre avaient mission d’empêcher les constructions illégales, de faire respecter la loi, d’asseoir l’État de droit, devrait largement servir d’exemple à la majorité. Certes, les parti(e)s politiques qui cautionnent et protègent ces Libanais carrément hors la loi sont pleinement fautifs, totalement responsables de ce miniputsch, mais la majorité est fautive de ne pas en faire une affaire d’État. Fouad Siniora serait bien inspiré d’expliquer à ses concitoyens de quoi il s’agit, de mettre devant le fait accompli, devant leurs responsabilités, les tuteurs politiques de ces voyous tout fiers de poser devant l’objectif d’une caméra en faisant un doigt d’honneur à ce béret vert qu’un homme de l’ordre a laissé tomber dans l’altercation. Surtout que ces tuteurs en question et leurs alliés n’ont qu’un leitmotiv, et un seul, pour justifier la pérennité de leurs privilèges, ou les raisons de leur opposition : l’absence de l’État de droit. Très drôle : quand la majorité s’efforce de l’imposer, ces gens-là se mettent tous aux abonnés absents, prétendant que si eux étaient chargés de l’instaurer, cet État de droit, tout se passerait bien. Ou que s’ils faisaient partie du gouvernement, tout se passerait bien. On a le réflexe républicain ou on ne l’a pas : si tout le monde devait faire partie de l’Exécutif ou si tout le monde devait être chargé d’appliquer la loi, il faudrait modifier la Constitution, en finir avec la démocratie parlementaire et mettre sur pied rien d’autre qu’une jamahiriyya. Ou une dictature. Se suicider ou créer : il n’y a pas d’autre choix. Ziyad MAKHOUL

Quarantième semaine de 2006.
Tout le monde commence à presque tellement bien faire son travail que cela en devient presque rassurant, certes, mais un peu ennuyant, presque lénifiant : la majorité s’emploie tant bien que mal, la pauvresse, à appliquer la Loi, les lois, en apprenant à ne pas répéter les erreurs commises par tous dans le passé ; l’opposition fait de l’opposition,...