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L’honneur déchu…

L’honneur serait-il un rideau qui tamise la lumière blême de la lâcheté et de la trahison ? Une notion péjorative ? Serait-il devenu uniquement une image de soi au lieu d’être aussi, et surtout, un don de soi? Ces armoiries qui caractérisent nos dignités, comme la liberté, la solidarité, la fraternité, l’égalité…tombent en désuétude si notre honneur est déchiré. Le préserver, c’est être fidèle quand il est difficile de l’être et quand on pense qu’on a tout perdu. Le seul honneur digne de ce nom est celui qui est lié à l’universel, au Liban, avec toutes ses factions. L’origine de ce bien moral doit être un pour nous tous. Malheureusement, les constats de manquement à l’honneur par certains de nos hommes politiques provoquent en nous mépris et dégoût (...) L’harmonie collective de nos dirigeants exige de nous de ne pas résister, mais vient un moment où la ligne rouge est franchie et où il convient de leur dire : non. Non aux injustices, aux massacres de nos femmes et de nos enfants au Sud. Résister dignement en ignorant leurs recommandations qui nous soumettent aux normes qu’ils exigent de nous. Nous sommes,ô combien, conscients que les finalités de la société libanaise sont celles de chacune des factions qui la composent, et nous tenons, en dépit des intentions non avouées, à préserver cette singularité. En résistant aujourd’hui, nous mutilons leur prétention à la toute- puissance. Dans ce théâtre macabre de violences et de barbaries, chacun doit, au nom de son humanisme (et pas au nom de son chef), étudier dans la solitude de sa conscience la décision à prendre car nous ne pouvons pas rester les bras croisés face aux exactions inhumaines de nos agresseurs et au silence conspirateur du monde quand le carnage des enfants du village de Cana fut porté sur la place internationale. Autant le dire d’entrée de jeu, la Résistance n’engage pas des comportements différents. Nous sommes tous, dans cette guerre contre Israël, confrontés à la lutte pour la vie, l’honneur et la dignité – un état d’esprit, un niveau de l’être différent de celui qui sévit dans l’esprit et l’âme de nos politiciens (...). C’est le Liban et les Libanais qu’il faut sauver des griffes de l’envahisseur, et mettre de côté toutes les spéculations politiciennes empreintes de mollesse, de fourberies et de petits calculs. Il ne faut pas refuser de prendre les armes. Nous respectons et jugeons impérative la conduite de la Résistance, et nous estimons que le devoir de tout le peuple libanais est de lui apporter aide et protection, car dans ce conflit, elle brandit beaucoup plus le flambeau du cèdre que celui de l’islamisme. Dans cette attaque démesurée de l’armée israélienne, l’islam a été dépassé pour céder la place au patriotisme. Quand la loi de nos ennemis permet que des enfants et des femmes soient « laissés aux chiens et exclus des rites funéraires », cette loi se fait sans aucun doute barbare dans son délire. Aujourd’hui au Liban-Sud, des populations sont chassées de leurs maisons et poussées par la terreur, la faim et la soif vers un avenir incertain. Un nettoyage « ethnique » laissant derrière lui un espace chaotique de la brutalité et de la cruauté qu’a conçu l’esprit américano-sioniste. Devant ces fosses communes, sur chaque parcelle de la terre libanaise, il n’est plus question de tempérer nos ardeurs, il faut agir et agir vite. Quant à la position américaine, elle relève d’un acte d’inhumanité patente : une ferveur vouée au culte de leur libéralisme totalitaire. Par cette pressante réforme sanglante (l’instauration d’une nouvelle carte géopolitique de la région, comme ils disent), Washington a condensé tous les paramètres pour nourrir une fois de plus l’extrémisme là où il croit l’éradiquer. Il est coupable parce qu’il tient en bride et assujettit un ordre injuste. Plus il persiste dans sa politique, plus l’opposition gronde et s’accroît. Aujourd’hui, par un étrange et brusque retournement qui a surpris le monde entier, et en particulier les agresseurs eux-mêmes, l’armée israélienne est condamnée, tandis que les soi-disant « terroristes » sont absous et victorieux. Le criminel, aux yeux d’une grande partie de la population mondiale, n’est plus le kamikaze, mais celui qui le traque : la victoire psychologique a d’emblée été remportée, indépendamment de l’issue finale de la guerre sur le terrain. Avec les moyens du bord, même si leurs armes portent la signature d’un pays tiers (comme si les avions de chasse et les obus qu’utilisent les Israéliens ne sont point offerts par d’autres puissances), l’invincible armée a succombé devant la foi et la détermination de la Résistance. Les leçons du passé au Liban, en Afghanistan, en Irak, en Somalie dénotent en premier lieu le mépris que les Américains portent à l’idéologie, pour ne pas dire à la religion, qui alimente ces peuples de « race inférieure » et en second lieu souligne l’illettrisme flagrant de cette Administration en matière de politique internationale. « Défendre la paix intérieure de l’État d’Israël est un droit », nous assène le président Bush. Nous lui donnons raison, mais nulle part dans son discours il n’a évoqué la responsabilité, ne serait-ce que partielle, des dirigeants israéliens qui tuent, massacrent, ruinent, dynamitent des maisons, violent des territoires et emprisonnent des personnes (plus de 10000 résistants palestiniens et libanais sont enterrés dans les geôles israéliennes, quelques-uns d’entre eux depuis trente ans). Quand les autres ont le malheur de défendre leurs territoires et leur dignité, leurs revendications sont irrecevables, et leur protection justifiée devient dès lors un crime de lèse-majesté ! Dans la propagande américaine, cette guerre symbolise le combat du bien contre l’empire du mal. Il reste que l’étude des faits nous démontre l’inexactitude de leur analyse : mais qui déterminera en définitive ce qui est mal ou bien ?La morale est celle du plus fort, déduisons-nous. Tout le Mal ne peut être concentré dans un camp ni le Bien dans l’autre. Les extrémistes ne sont pas tous d’un côté de la barrière et les défenseurs de la démocratie de l’autre : c’est injurier la conscience mondiale. Si extrémisme il y a, c’est bien évidemment là où l’on ne se doute pas de son existence. L’Amérique s’approprie le rôle de gendarme dans cette région et dans d’autres d’ailleurs. Pouvons-nous protester ou contester sans être écrasés ou tout simplement broyés ? La dérive américaine va créer des révoltés et des insoumis. Les esprits libres vont s’insurger. Et la France élève la voix, et la France crie au scandale, et la France réagit. Merci pour elle et pour tous les Français, quand la plupart des dirigeants arabes, nos soi-disant frères, laissent faire et imposent le silence à la colère de leur population. Fayçal JOUMBLATT Conférencier, islamologue et consultant pour le Moyen-Orient – Paris
L’honneur serait-il un rideau qui tamise la lumière blême de la lâcheté et de la trahison ? Une notion péjorative ? Serait-il devenu uniquement une image de soi au lieu d’être aussi, et surtout, un don de soi?
Ces armoiries qui caractérisent nos dignités, comme la liberté, la solidarité, la fraternité, l’égalité…tombent en désuétude si notre honneur est déchiré. Le...