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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE Se réfugier sous les tentes pour fuir les milices de Bagdad

Craignant pour leur sécurité, une quarantaine de familles du quartier Jihad de Bagdad, à forte majorité sunnite, ont quitté leur maison avec quelques effets personnels pour se réfugier sous des tentes installées dans un jardin, sur la route de l’aéroport de la capitale. « La situation à Jihad est devenue intenable à cause des milices. Des habitants sont tués, d’autres sont volés et nos maisons sont incendiées », affirme Chihab Hammoudi, un « tchaichi », vendeur de thé ambulant. Dimanche dernier, des hommes habillés en civil et cagoulés sont entrés dans le quartier, ont établi des barrages, pénétré dans des maisons et abattu 42 personnes sur la base de leur carte d’identité. « Nous vivions ensemble, sunnites et chiites, dit-il en montrant sa femme, car il s’agit d’un couple mixte. Nous étions tous unis, mais il y a un groupe venu de l’extérieur qui essaie de diviser les deux communautés. » Même si les forces irakiennes et américaines ont encerclé le quartier, la peur se lit sur les visages. Car l’Irak est entré dans un cycle d’attaques et de représailles. Après l’attaque de dimanche, cheikh Mahmoud al-Soudani, imam chiite de la mosquée Fatima Zahra, avait affirmé qu’il s’agissait d’un acte de vengeance après les différentes agressions contre sa communauté. Pour sa part, cheikh Abdelsamad al-Obeidi, imam de la mosquée sunnite Fakhri Chanchal, avait accusé l’Armée du mehdi, la milice du chef radical chiite Moqtada Sadr, et blâmé le « gouvernement qui reste les bras croisés ». Alors les habitants sunnites terrifiés ont préféré s’installer dans le jardin de la mosquée salafiste Ibn Tamiyah, sur la route de l’aéroport. Le Croissant-Rouge a installé des tentes pour les accueillir, mais ils se couchent sur l’herbe car ils n’ont ni matelas ni couverture. « Samedi soir, notre maison a tremblé après une énorme déflagration », affirme la femme de Hammoudi, faisant allusion à un attentat au bus piégé contre la mosquée chiite Fatima Zahra, qui a fait sept morts et 17 blessés. « Le lendemain, mon mari a voulu aller à son travail. Mais nos voisins l’ont dissuadé, nous disant qu’il y avait des hommes en armes dans les rues qui demandaient le nom des passants et des automobilistes et les massacraient sur la base de leur nom et de leur tribu », ajoute-t-elle. Les massacres ont duré plusieurs heures et des cadavres, gisant dans leur sang, ont jonché les rues. Alors, la famille est restée cloîtrée dans sa maison sans nourriture ni eau. Tous les magasins étaient fermés. « Quelle faute ai-je commise ? Quel crime mes enfants ont-ils commis ? » s’écrie-t-elle, avant d’expliquer qu’il ne leur restait plus qu’une issue : fuir. « Comme vous le voyez, j’ai pris un sac avec des habits pour mes enfants. Bien sûr je ne pouvais rien prendre de plus, car nous avons fui à pied. » Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), il y a plus de 110 000 déplacés, en majorité chiites, en Irak, depuis l’attentat contre un mausolée chiite dans la ville sunnite de Samarra, le 22 février, et les violences confessionnelles qui s’en sont suivies. « Ils nous ont attaqués et nous ont dit : “Les sunnites doivent partir sinon nous allons vous tuer” et quand nous avons tenté de partir, ils en ont tué sur la route, jugeant que nous n’allions pas assez vite », assure Rajiha Shakir, mère de quatre enfants. « Nous avons entendu qu’ils voulaient nous chasser pour que le quartier devienne purement chiite », a-t-elle ajouté, avant d’implorer le gouvernement du Premier ministre Nouri al-Maliki « de trouver une solution pour les déplacés ». Les atrocités se multiplient de part et d’autre. Lundi, 10 chiites qui passaient dans un quartier sunnite pour accompagner la dépouille mortelle d’un proche dans la ville sainte de Najaf ont été assassinés et, selon des témoins, leurs corps ont été pendus à des lampadaires. Face au chaos, tout le monde s’arme. La nuit, à la moindre rumeur d’une attaque, les habitants montent sur les toits, prêts à en découdre avec les assaillants. Nafee ABDEL JABBAR (AFP)

Craignant pour leur sécurité, une quarantaine de familles du quartier Jihad de Bagdad, à forte majorité sunnite, ont quitté leur maison avec quelques effets personnels pour se réfugier sous des tentes installées dans un jardin, sur la route de l’aéroport de la capitale.
« La situation à Jihad est devenue intenable à cause des milices. Des habitants sont tués,...