Dans Naplouse asphyxiée, les groupes armés veulent secourir Gaza

À Naplouse, où les traces de la dernière grande opération israélienne ont disparu des murs de la Vieille ville encore pavoisée de portraits de « martyrs », les groupes armés se disent prêts à se lancer dans la bataille si Israël lance une offensive généralisée sur Gaza. Son corps musculeux moulé dans un tee-shirt vert frappé du nom « Eminem », le chanteur de rap américain, un béret noir sur le crâne, Nasser Abou Aziz, 35 ans, membre des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, un groupe armé du Fateh, ne doute pas de la force des Palestiniens. « À présent, nous nous concentrons sur les territoires de 1967 (Cisjordanie et bande de Gaza) », affirme cet habitant du camp de réfugiés de Balata, qui se targue d’avoir participé à la fondation des Brigades avec Nasser Oweis, le chef du groupe pour la Cisjordanie, capturé lors de l’opération israélienne « Rempart », en 2002, pour laquelle Naplouse a payé le plus lourd tribut. « Mais si Israël lance une grande opération meurtrière contre nos frères à Gaza, nous frapperons en profondeur dans les territoires de 1948 », prévient-il, en référence aux frontières d’Israël fixées après la première guerre israélo-arabe. Par un « accord d’entente nationale » signé le 26 juin, les principaux mouvements palestiniens se sont engagés à concentrer leurs opérations sur les territoires occupés par Israël depuis 1967. « Nous sommes en contact avec Gaza, nous coopérons par téléphone », ajoute Nasser Abou Aziz. « Par exemple, précise Mohammad Qattani, 24 ans, également de Balata, ils nous disent : “Faites quelque chose pour diminuer la pression militaire”. » Tous deux restent évasifs sur la nature des attaques de revers en question et les moyens de franchir les barrages, mais assurent que Naplouse, où les groupes armés ont conservé une présence importante malgré les coups portés par l’armée israélienne, y jouera un rôle moteur. « C’est la ville où il y a le plus d’hommes recherchés par Israël. Ils l’appellent le cerveau du terrorisme », indique Nasser Abou Aziz, dont le nom figure sur les listes israéliennes, comme celui de Mohammad Qattani, pour son implication présumée dans des opérations anti-israéliennes. Ex-cadre dirigeant du Hamas, Tayssir Imrane juge lui aussi « inconcevable que nous laissions nos frères à Gaza résister seuls » et envisage des « manifestations ». « Peut-être que les différentes branches militaires lanceront des opérations pour réduire la pression », relève-t-il. « S’il y a une énorme opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, il y aura une forte réaction dans l’ensemble de la Cisjordanie et nous assisterons au début de la troisième intifada », estime l’ancien dirigeant du mouvement islamiste. La branche armée du Hamas a d’ailleurs menacé dimanche de lancer des opérations contre des infrastructures et des bâtiments gouvernementaux en Israël en représailles aux raids aériens israéliens. Installé dans un immeuble ordinaire à cause de la destruction de son bureau de fonction par l’armée israélienne, le gouverneur Saïd Abou Ali redoute les répercussions d’un embrasement de la bande de Gaza pour la capitale économique palestinienne, déjà asphyxiée par le bouclage. « Le siège est double : il y a un premier cercle autour de la ville, dont toutes les entrées sont bloquées, et un deuxième cercle autour des villages avoisinants. C’est la seule ville de Cisjordanie complètement fermée », souligne M. Abou Ali, qui cite un taux de chômage de 70 %. « Tout ce qui se passe à Gaza provoque des réactions en Cisjordanie. Quand il y a eu des problèmes internes à Gaza, avec des rivalités entre le Hamas et le Fateh, j’ai essayé d’en préserver Naplouse », explique-t-il. « Mais s’il y a une vaste attaque israélienne sur Gaza, Naplouse ne pourra pas se tenir à l’écart. » Sélim Saheb Ettaba/AFP