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Actualités - OPINION

Le Point D’Alexandrie à Dahab

Cela commence à ressembler furieusement à la litanie de Toinette face à ce pauvre Argan. Souvenez-vous du célèbre « Le poumon, le poumon, vous dis-je. » De New York à la Khyber Pass en passant par l’Irak, cherchez le coupable des explosions qui, à intervalles réguliers, font passer des frissons d’épouvante dans le dos de millions d’hommes. Cette fois encore, dans la nouvelle vague terroriste qui vient de s’abattre sur l’Égypte, enquêteurs, officiels et inévitables « terroristologues » veulent voir la main d’el-Qaëda, une accusation qui peut sembler bien commode, à l’heure surtout où, vidéocassettes à l’appui, Oussama Ben Laden et Abou Moussaab al-Zarqaoui, rivalisent de propos menaçants. Certains retiennent aussi la thèse des bédouins de la péninsule du Sinaï, à condition toutefois qu’il soit possible de leur coller le label de la nébuleuse révélée lors des tristement célèbres attentats du 11 septembre 2001. Il s’agirait ainsi plus particulièrement des membres de la tribu des Mzeina, lesquels attendent, résignés, de figurer dans les premières charretées de « coupables ». Pour une dernière catégorie enfin, les auteurs des trois attentats de lundi seraient de vulgaires amateurs, par ailleurs candidats à l’auréole de martyrs que confère l’appartenance à la mouvance qaëdienne, si tant est qu’ils aient trouvé la mort dans les explosions. Ignorantus, ignoranta, ignorantum donc ? Pas si vite. L’enquête n’en est qu’à ses premiers balbutiements, même s’il est permis de penser qu’elle pourrait déboucher sur une mise en accusation formelle des partisans du milliardaire saoudien reconverti dans le combat au service de la cause d’Allah, encore qu’il serait difficile alors d’expliquer le fait que les déflagrations étaient provoquées par des bombes de fabrication artisanale. À en croire Tel-Aviv, les « Afghans » seraient fortement implantés dans une large portion du désert limitrophe d’Israël, où l’on observe depuis quelque temps un intense trafic d’armes et de munitions, à destination notamment de la bande de Gaza, d’où il pourrait être loisible de les acheminer à l’intérieur de l’État hébreu dans le but de monter des opérations contre des cibles civiles et militaires. On peut juger que tout cela relève du domaine des élucubrations dont nous abreuvent régulièrement les services de contre-espionnage et la police dans le but d’excuser leurs exactions et de justifier leur carence. Nul doute qu’au Caire, on ne prend à la légère aucune des pistes qui se présentent aux enquêteurs. Lesquels s’attardent, dans un premier temps, sur l’objectif visé par les poseurs de charges explosives devant les restaurants Asian Lantern et Al Capone (un tel nom, cela ne s’invente pas…) ainsi qu’à l’entrée d’un hypermarché de la station balnéaire de Dahab. Comme à Taba en octobre 2004, comme à Charm el-Cheikh en juillet de l’année suivante, c’est le tourisme qui est visé, c’est-à-dire un secteur représentant pour l’Égypte la plus importante source de devises et par ailleurs fournissant des emplois à une main-d’œuvre en majeure partie sans qualification aucune. De plus, la date choisie était celle d’une double célébration : celle de la libération en 1982 du Sinaï, celle ensuite du Cham el-Nessim, une fête, dit-on, dont les origine se perdent dans la nuit des temps, sans doute à l’ère pharaonique, quand on accueillait dans la liesse générale l’avènement du printemps. À cela s’est ajouté le fait que ce lundi noir succédait à des journées pascales au cours desquelles, à Alexandrie, des églises et des fidèles coptes avaient été pris pour cibles par des extrémistes un peu trop cavalièrement qualifiés de déséquilibrés. Dire aujourd’hui que l’Égypte va mal, c’est énoncer un truisme qui, en des circonstances moins douloureuses, en aurait fait sourire plus d’un. Depuis 1967, le pays vit sous le régime d’un état d’urgence qui n’a été levé que pour une brève période de dix-huit mois précédant l’assassinat d’Anouar Sadate avant d’être régulièrement reconduit, chaque fois pour une durée de trois ans. Ce qui, lors des dernières législatives de novembre-décembre, n’a pas empêché les Frères musulmans de rafler 88 des 454 sièges que compte l’Assemblée nationale. Cette victoire survenait à point nommé pour donner des ailes aux radicaux du Hamas palestinien, nettement vainqueurs, eux, du scrutin qui s’est déroulé un mois plus tard. Ailleurs dans la région, les islamistes veulent croire qu’à l’exemple de l’Iran, ils ont le vent en poupe, qu’ils peuvent recommencer à rêver à un proche avenir placé sous le signe du califat. Et ce n’est pas la pluie de condamnations arabes et internationales qui va rassurer ceux qui en appréhendent l’avènement. Hier même, un véhicule ayant à son bord deux membres de la Force multinationale était pris pour cible sur la route menant à l’aéroport d’al-Gora ; presque au même moment, un poste de police essuyait des coups de feu au nord du Caire, comme un rappel d’une instabilité sécuritaire qui a cessé d’être rampante pour devenir, si l’on n’y prend garde, galopante. Christian MERVILLE
Cela commence à ressembler furieusement à la litanie de Toinette face à ce pauvre Argan. Souvenez-vous du célèbre « Le poumon, le poumon, vous dis-je. » De New York à la Khyber Pass en passant par l’Irak, cherchez le coupable des explosions qui, à intervalles réguliers, font passer des frissons d’épouvante dans le dos de millions d’hommes. Cette fois encore, dans la...