SPECTACLES Les Molières, véritable fête du théâtre, consacrent «La Symphonie du hanneton»

La «Nuit des Molières», fête annuelle du théâtre à la télévision, a consacré lundi soir pour sa 20e édition la pièce La Symphonie du hanneton du Suisse James Thierrée, quatre fois primée lors d’une soirée-anniversaire sans tensions avec les intermittents du spectacle. Sous la houlette de l’animatrice Karine le Marchand et la présidence d’honneur du comédien et metteur en scène Jacques Weber, la cérémonie, diffusée en direct sur France 2, a enchaîné remise de trophées et séquences filmées, avec une grande part d’images d’archives souvent drôles, parfois émouvantes. La Symphonie du hanneton, premier spectacle de James Thierrée – petit-fils de Charlie Chaplin, 31 ans – a reçu quatre Molières (spectacle de théâtre public, metteur en scène et révélation théâtrale pour le jeune homme, costumes pour sa mère Victoria Thierrée). «Ces Molières, c’est le triomphe du spectacle visuel. C’est la reconnaissance des arts du cirque qui se sont petit à petit intégrés au théâtre. Ce qui est formidable, c’est que normalement, Molière, ce sont les mots alors que dans mon spectacle, c’est le corps qui fait passer des idées sans les mots. J’ai grandi dans l’univers de la pantomime: être sur scène, c’est aussi naturel que boire ou manger avec le corps comme objet ludique. Les gens ont envie de rêver: c’est peut-être aussi ce que les Molières ont voulu récompenser», a dit James Thierrée. Judith Magre s’est vu attribuer le troisième Molière de sa carrière en étant sacrée «meilleure comédienne» pour son rôle dans Histoires d’hommes. Jacques Sereys a été désigné meilleur comédien (Du côté de chez Proust) face à des monstres sacrés comme Michel Piccoli et Claude Rich. «Pour ce Molière, Proust m’a bien aidé! C’était un rêve, sans penser que je le mériterais un jour. Je vais l’installer dans mon bureau près d’une peinture représentant Rachel, grande tragédienne sous Napoléon III», a dit Sereys en coulisses Ovation pour Judith Magre, qui déclare très émue: «C’est mon troisième Molière. Celui-là me touche particulièrement, sans savoir pourquoi. Il y avait une belle concurrence cette année et ce prix qui m’est décerné prouve que la chance joue à 90% dans ce métier. J’aime avoir de la chance. J’aime aussi beaucoup Molière: il est très beau garçon.» Le Molière de la révélation théâtrale a été remis à Marilou Berry, la fille de Josiane Balasko, pour Toc toc: «Je ne m’y attendais vraiment pas, d’autant plus pour une pièce comique (Toc-Toc) écrite par Laurent Baffie. On ne peut pas dire que c’est commun aux Molières... Je suis fière d’être récompensée avec cette pièce.» L’Académie des Molières (1 500 votants) a salué dans des seconds rôles Danièle Lebrun (Pygmalion) et Roger Dumas (Moins 2) qui a dit: «C’est la troisième fois que je suis nommé. Ils m’ont eu à l’usure! Ce Molière est légitime, surtout pour une pièce comme Moins 2. L’auteur, Samuel Benchétrit, est un grand écrivain, capable de délires géniaux. Je partage ce Molière aussi avec Jean-Louis Trintignant, bien sûr!» Pourtant huit fois nommées, Moi aussi je suis Catherine Deneuve et La Sainte Catherine ne se sont vu distinguer qu’une fois chacune, respectivement dans les catégories «théâtre privé» et «auteur» (Stéphan Wojtowicz). La troisième pièce aux huit nominations, Le roi Lear, devra elle se contenter de deux accessits («décorateur-scénographe» avec Nicky Rieti et «lumières» pour André Diot). En recevant le grand prix spécial du jury «théâtre public en région» pour La mort de Danton de Büchner (Théâtre national de Bretagne), l’acteur Nicolas Bouchaud s’est chargé de plaider la cause des intermittents, qui protestent depuis 2003 contre le protocole régissant leur régime d’assurance chômage. «Nous savons depuis trois ans que ce protocole est inadapté à nos métiers, y compris dans sa version la plus récente», négociée le 18 avril, a souligné le comédien. Il a été longuement acclamé dans la salle, sous le regard attentif du ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres. Le porte-parole a souhaité que le «projet élaboré par le comité de suivi, signé par 476 députés de tous bords », soit examiné par le Parlement.