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Actualités - OPINION

Réforme électorale et quota

Par ALIA BERTI ZEIN * «Après avoir étudié la situation des femmes dans tous les temps et dans tous les pays, je suis arrivé à la conclusion qu’au lieu de leur dire bonjour, on devrait leur dire: pardon.» Alfred de Vigny Malgré les textes garantissant l’universalité des droits de l’homme et l’adoption de la Convention internationale des droits politiques de la femme en 1952, les femmes restent sous-représentées dans toutes les parties du globe, même dans les pays les plus démocratiques. Alors que l’écrasante majorité des Constitutions du monde a reconnu aux femmes le droit d’élection et d’éligibilité, cette reconnaissance n’a pas conduit à l’égalité réelle des chances entre les sexes en matière de participation politique. Les femmes constituent en 2005 près de 16% des parlementaires du monde. Les femmes chefs d’État ou de gouvernement se réduisent à 8 sur 191, soit la proportion de 4,2%. Les femmes présidentes de Parlement sont au nombre de 21 sur 254, ce qui représente 8,3%. Les disparités sont importantes suivant les régions, avec en tête les pays nordiques ayant plus de 40% de femmes aux Parlements (47% en Suède), 30% de femmes au Parlement européen, 17% en moyenne en Europe et environ 22% de femmes dans les fonctions législatives nationales aux États-Unis. Le Liban, pour sa part, ne compte que 4% de femmes au Parlement. À signaler que dans la plupart des 17 pays qui ont atteint l’objectif du millénaire d’avoir 30% de femmes parmi les parlementaires, on relève le fait qu’une forme ou une autre de discrimination positive avait été mise en place. Dans 81 pays, des quotas ont été instaurés visant à renforcer l’accès des femmes à des postes de responsabilité, en particulier en Inde où un amendement constitutionnel en 1993 a imposé que les femmes détiennent un tiers des présidences et des sièges des Conseils des villages ruraux. Dans près de 90 pays, des partis politiques ont pris des mesures volontaires allant jusqu’à la parité afin de promouvoir la participation des femmes dans la vie publique. Peut-on parler de démocratie quand les femmes ne participent qu’en minorité au processus politique? Le principe quatre de la Déclaration universelle sur la démocratie (1997) dispose ce qui suit: «Il ne saurait y avoir de démocratie sans un véritable partenariat entre hommes et femmes dans la conduite des affaires publiques où hommes et femmes agissent dans l’égalité et la complémentarité, s’enrichissant mutuellement de leurs différences.» La participation des femmes à la prise de décisions est, dès lors, une question de justice et d’équité. Il ne s’agit pas d’arracher un privilège aux hommes, ni de les exclure pour les remplacer par des femmes. La politique d’égalité des chances n’étant pas suffisante, il faut donner aux femmes plus qu’aux hommes pour qu’elles disposent des mêmes chances qu’eux. Cela implique une discrimination positive, c’est-à-dire une politique par laquelle on accorde des droits dérogatoires au droit commun. C’est une politique destinée à compenser les handicaps hérités du passé. L’État par sa politique d’intervention vise à donner un sens aussi «réel» que possible à l’égalité civile, juridique et politique des citoyens. Dépassant une égalité formelle qui ne peut que consacrer les inégalités réelles, l’État se propose d’assurer une égalité effective, en intervenant positivement à l’équilibre d’une société formée par l’apport égal des hommes et des femmes. En effet, l’égalité des chances ne correspond pas nécessairement à l’égalité des résultats. Un système de quota ou discrimination positive s’avère nécessaire pour que les femmes soient représentées autant dans les partis politiques que dans les Parlements. Ce n’est qu’une mesure à court terme, une solution transitoire, un palliatif qui ne reflète pas le fondement d’une véritable démocratie. Cependant l’application des quotas peut rencontrer des difficultés du fait des femmes elles-mêmes, en raison de réticences liées à la personnalité, à la situation de famille et aux contraintes qu’impose l’engagement politique actif, notamment du point de vue financier, d’une culture politique ambiante peu ouverte aux femmes, de traditions ou de tabous défavorables à une action publique, etc., autant de facteurs qui constituent des obstacles à la candidature des femmes à des mandats électifs. Ces considérations montrent l’importance d’une préparation psychologique et technique des femmes pour les mettre en condition d’accepter de mener une campagne électorale. À cet effet, il faudrait, en priorité, transformer les mentalités et les pratiques qui ont participé à exclure les femmes du pouvoir pour ensuite les former à la citoyenneté qui est un moyen majeur pour stimuler l’accès des femmes à la politique. Cela ne peut devenir réalité que si l’environnement socio-juridique et politique évolue et que la volonté de se joindre à l’action politique se manifeste clairement. La responsabilité de la formation des femmes incombe à plusieurs partenaires: 1 – Les partis politiques ont un rôle important pour mobiliser l’électorat. C’est à eux qu’il appartient de lancer un appel aux candidatures féminines en commençant par créer une branche féminine de formation des cadres qui aura pour objectif l’initiation, la sensibilisation et l’explication des raisons pour lesquelles les femmes ont intérêt à s’engager dans l’action publique. La formation des candidates porte sur le renforcement d’un certain nombre de qualités personnelles telles que la culture, l’affirmation de soi, l’art de diriger ainsi que la connaissance des procédures parlementaires et législatives et des notions-clé d’économie et de droit. 2 – Les ordres professionnels et les syndicats, qui comptent un effectif féminin de qualité et en nombre croissant, sont tenus de repérer des candidates compétentes et de les encourager à se présenter d’abord aux élections de leurs conseils. L’enseignement supérieur dont elles sont dotées favorise une prise de conscience de la nécessité d’engager par la suite une action politique pour lutter contre l’injustice et les inégalités. 3 – Les organisations (ONG) féminines ont un rôle fondamental de mobilisation et d’identification des candidates potentielles. Elles offrent une formation technique et pratique: savoir gérer une campagne électorale, organiser la gestion financière des cotisations, planifier des activités bénévoles, élaborer des programmes d’action et organiser des séminaires et des sessions d’information en faveur des femmes. 4 – Les médias, à leur tour, ont un rôle prépondérant en tant qu’outil d’éducation du public à grande échelle. Par la voie des ondes, de la télévision, de la presse et des affichages, les femmes doivent être conviées en masse à manifester leur intérêt à la gestion des affaires publiques, surtout par la participation massive aux élections législatives et municipales en tant qu’électrices et candidates. Les médias, où les femmes ont particulièrement fait leurs preuves, doivent non seulement veiller à éviter de donner des images négatives ou avilissantes des femmes, mais au contraire, ils doivent défendre leur cause en insistant sur la capacité et la compétence des femmes à assumer les mêmes charges que les hommes. 5 – Enfin et surtout, c’est le gouvernement qui doit encourager l’accès des femmes aux postes de décision par la nomination de femmes ministres et parmi les hauts cadres de l’Administration ainsi qu’aux postes-clés des offices autonomes, en les choisissant suivant leur valeur intrinsèque et leur capacité personnelle et non en fonction de leurs liens avec les décideurs politiques. L’introduction par l’actuel projet de loi électorale du «quota» en faveur des femmes, à l’instar des quotas pratiqués en faveur des communautés religieuses du pays, serait une excellente initiative. L’objectif principal de cette mesure est de faire des femmes des acteurs sociaux, politiques et économiques à égalité avec les hommes. La réforme électorale doit aussi encourager les partis politiques à réserver un certain nombre de postes électifs aux femmes du parti et conduire l’État à créer un ministère de la Condition féminine. Ce ministère aura pour but de rassembler les centaines d’organisations féminines du pays, de coordonner et d’unifier leurs revendications. Il visera également et surtout à favoriser la modernisation des lois axées sur les priorités des femmes et à contribuer à surmonter les obstacles auxquels elles doivent faire face du fait de la tradition et des habitudes. Les Libanaises ont été d’un grand soutien et d’une grande efficacité dans la relève socio-économique durant et après la guerre du Liban. Elles se sont unies aux hommes dernièrement pour recouvrer l’indépendance du pays. Au moment de récolter les fruits du succès, si durement acquis, elles ne doivent pas être exclues des honneurs de la victoire à laquelle elles ont contribué. Leur présence active aux postes de décision aidera à consolider une véritable démocratie. Le XXe siècle a permis l’émergence des droits de la femme et l’obtention de ses droits politiques. Le défi du XXIe siècle doit être celui de la réalisation effective de ces droits. *Avocate à la cour, ancienne membre du conseil de l’Ordre des avocats de Beyrouth, présidente de la commission «Droit et statut de la femme» à l’Union internationale des avocats.
Par ALIA BERTI ZEIN *

«Après avoir étudié la situation des femmes dans tous les temps et dans tous les pays, je suis arrivé à la conclusion qu’au lieu de leur dire bonjour, on devrait leur dire: pardon.»
Alfred de Vigny

Malgré les textes garantissant l’universalité des droits de l’homme et l’adoption de la Convention internationale des droits politiques de la femme en...