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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Monumentales et mobiles, ses œuvres défilent sur le pont de Melbourne Nadim Karam, ou les sculptures à haute teneur mythologique

C’est un défi, une gageure. Depuis leur première apparition au musée Sursock en 1994, ses sculptures, personnages monumentaux ou bestiaires miniatures, sillonnent les grandes villes, se perchent sur les ponts, escaladent les immeubles, ou flottent sur les rivières. Beyrouth, Prague, Nara, Londres, Dublin et aujourd’hui Melbourne. Nadim Karam participe à sa façon au repeuplement de la planète. Mode opératoire : il effectue, de manière sporadique, des invasions de l’espace public par des monuments artistiques à haute teneur mythologique. Il se trouvait en voyage à Londres. La nouvelle lui a été annoncée au téléphone par sa femme Kaya. Au début, Nadim Karam a pensé qu’il s’agissait d’une blague. Lui-même n’y croyait pas trop. Il avait présenté sa candidature à un concours lancé par la capitale australienne, qui cherchait le meilleur projet pour construire un vieux pont. Lui, à défaut d’immeubles («qui gâcheraient la vue»), a proposé une alternative artistique et récréative, une manière ludique de raconter l’histoire du grand pays des kangourous. Le maire de Melbourne lui avait auparavant communiqué une bonne et une mauvaise nouvelle. «Congratulations, disait le e-mail, votre projet a reçu l’unanimité du jury mais, malheureusement, nous manquons de fonds pour le réaliser.» C’est pour cela qu’il n’y croyait pas trop. «Mais cette fois-ci, c’était la bonne, se souvient Karam. On nous octroyait le budget à condition d’achever le projet à temps pour l’ouverture des Jeux du Commonwealth, en mars 2006.» Les Voyageurs, ces sculptures en acier inoxydable de 8,5 mètres de haut, ont effectué leur premier périple sur le Sandridge Bridge le 12 mars 2006, deux jours avant les festivités inaugurales des jeux sportifs. La ville de Melbourne et l’État de Victoria ont commissionné cette œuvre, «la plus grande installation artistique mobile dans le monde», souligne l’architecte. Créées par Nadim Karam et l’atelier Hapsitus et réalisées en collaboration avec le Melbourne City Council et Arup Melbourne, les dix sculptures représentent l’aspect multiculturel de la société australienne : les différentes étapes de l’émigration et l’importance des aborigènes. «Il s’agit d’une représentation métaphorique des migrants qui effectuaient le voyage, par train, du port de Melbourne vers la station centrale de Flinders. Chaque sculpture donne corps à une étape de la migration vers Victoria State.» Elles sont en réalité neuf sculptures à sillonner le pont, en file indienne. Un aller-retour chronométré et dirigé à distance par un système d’émission d’ondes ultrasophistiqué. La mécanique d’une horloge, certes, mais une horloge du troisième millénaire. Gayip, la dixième œuvre, nettement plus grande que les autres car en piédestal sur un rocher attenant à la rive, est, elle, immobile. Elle a les ailes d’un aigle et la tête en spirale. «Elle s’élève la nuit pour sillonner les territoires et s’assurer du bien-être de tous», raconte l’artiste à l’imagination fertile. Parmi les promeneurs du pont, il y a le First Settler, ou les premières implantations entre 1788 et 1868. Puis la Melbourne Beauty, ou la ruée vers l’or, cette période qui a vu la population d’Australie dépasser le million en dix ans. Il y a aussi le Walker With His Tucker Bag, ou le voyageur au baluchon, illustrant l’ère de la migration assistée (1830-1930). Sans oublier le Shelter ou l’abri, ce bateau qui a transporté, de 1947 à 1953, les rêves et espérances des Européens à la recherche d’une terre d’asile. La sculpture intitulée Urban Wheel ou roue urbaine, le Running Couple (Couple en cavale), la Butterfly Girl (Fille papillon), le Technoman et le Walking Sun (Une roue festive de prospérité) complètent cette panoplie ludique, qui, le soir venu, accroche de manière féerique les lumières de la ville. Les œuvres de Nadim Karam font désormais partie du paysage urbain de Melbourne. La ferveur des Jeux du Commonwealth émoussée, les habitants de cette ville apprennent petit à petit à cohabiter avec ces personnages hybrides qui racontent leur propre histoire. Des œuvres permanentes ancrées sur le pont d’une ville, issues de l’imagination d’un architecte-artiste qui s’ingénie à jeter des ponts (justement) entre les grandes capitales de la Terre. Et dire que la ville qui a vu naître cet enjoliveur de zones urbaines a négligemment délaissé quatre de ses sculptures. Jadis exposées dans le centre-ville, elles sont «stationnées» dans un des parkings du Biel, secteur Normandie. Pourquoi là? À l’abri des regards, mais pas des intempéries? À Solidere, propriétaire de ces œuvres, on assure qu’elles sont destinées à de meilleurs auspices. Un sort réservé ou jeté? Maya GHANDOUR HERT

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