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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - Ils ont présenté « Pas de 3 » au théâtre Tournesol « Alis » au pays de l’illusoire

Des acteurs qui jouent sans interpréter. Un spectacle bavard sans paroles et une pluie de lettres alphabétiques qui inonde le public de subtilité, de créativité et d’humour. Voici en quelques mots la magie d’Alis, cette troupe française qui s’est produite durant deux soirées consécutives dans sa dernière création intitulée Pas de 3. Après La langue coupée en 2 (présentée au CCF), on s’attendait à un spectacle disert. Il n’en est rien. Sur fond de verbe absent mais de musique envahissante et hypnotique, seule la syntaxe jouait la vedette, mise en scène, ou plutôt en forme. Des mots, il y en avait beaucoup… et de toutes les couleurs. Mais il était évident que la couleur-fantaisie qui fait partie de la palette d’Alis depuis la création de la troupe était prédominante. Il y en avait également de toutes les tailles. Car le langage de Pierre Fourny et Dominique Soria s’articule sur la « physicalité » du mot (si l’on peut s’exprimer ainsi). Du tonus et du muscle pour ce mot qui circule, court et véhicule sur son passage des émotions et des rires. Par moments, c’est un carrousel qui s’impose au regard et par d’autres, un kaléidoscope. Les deux tournoyant jusqu’au vertige. Dans leurs rotations optiques et magiques, consonnes et voyelles se rapprochent, s’éloignent, se confondent et se repoussent. C’est que dans Pas de 3, troisième volet d’une trilogie, le mot n’est pas celui que l’homme s’est approprié et s’est fait sien depuis la nuit des temps. C’est un mot-signe, un mot-objet qui s’amuse, au fil des gymnastiques visuelles et autres acrobaties virtuelles, à prendre le public au dépourvu, à l’intriguer et à le captiver. Cocktail détonant Depuis 1983, Fourny et Soria ne cessent de surfer sur cet espace indéfinissable difficile à catégoriser. Est-ce du théâtre? De la prestidigitation? Ou tout simplement des arts plastiques où les artistes se transforment, au gré des spectacles, en marionnettistes ou en danseurs? D’ailleurs, le terme plastique n’évoque-t-il pas la flexibilité, la souplesse et la malléabilité? Sur scène et comme sur une page planche, tout va se déformer et se reformer. Habiles manipulateurs, les opérateurs vont et viennent sans dire un mot (du moins sonore). Durant cinquante minutes, ils déplacent des objets, les transposent et les disposent avec beaucoup de dextérité et de rigueur. La page se remplit petit à petit, se met en mouvement et parle. En modifiant au passage la perception du spectateur. Du coup, ce dernier se trouve contaminé par un étrange virus. Celui du « mimétisme» (langue à 2mi-mot inventée par la troupe Alis). Dans une obscurité totale, traversée par instants de faisceaux lumineux, toute limite entre la scène et la salle a cessé d’exister. Lieu et temps se confondent dans un grésillement incessant. Surdimensionnées, découpées, phagocytées, les images projetées sur écran (est-ce un seul ou plusieurs ?) s’imbriquent l’une dans l’autre jusqu’à former un énorme puzzle. En gestes minimalistes mais cohérents, et dans un alliage malicieux de lumière et d’ombre qui entraîne l’assistance dans l’univers sidéral des signes, Pierre Fourny et Dominique Soria sont parvenus à reproduire sur scène la dégénérescence et la dématérialisation du mot. En lui redonnant son âme par l’image, ils réussissent un cocktail détonant de sophistication. Un spectacle hors cadre dont on sort sonné, mais délicieusement rafraîchi. Colette KHALAF

Des acteurs qui jouent sans interpréter. Un spectacle bavard sans paroles et une pluie de lettres alphabétiques qui inonde le public de subtilité, de créativité et d’humour. Voici en quelques mots la magie d’Alis, cette troupe française qui s’est produite durant deux soirées consécutives dans sa dernière création intitulée Pas de 3.
Après La langue coupée en 2...