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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE Des milliers d’Irakiens se font enlever dans l’indifférence générale

Un Britannique et deux Canadiens, ex-otages en Irak, doivent leur liberté à une mobilisation internationale et à une opération militaire, des moyens que ne peuvent espérer des milliers d’Irakiens victimes d’enlèvements crapuleux ou politiques. Les trois otages libérés jeudi à Bagdad lors d’une opération de la Force multinationale, le Britannique Norman Kember et les Canadiens James Loney et Harmeet Singh Sooden, travaillent pour l’ONG chrétienne Christian Peacemaker Teams (CPT), qui a été derrière une grande mobilisation en leur faveur. Norman Kember a quitté hier l’Irak pour le Royaume-Uni, alors que les deux Canadiens doivent partir aujourd’hui. La mobilisation, conjuguée au travail des militaires et des services de renseignements occidentaux, qui semblent avoir exploité une information sur leur lieu de détention, explique l’heureux épilogue de la prise d’otages. Cette profusion de moyens fait rêver les Irakiens, notamment les proches de milliers de victimes de rapts et d’enlèvements, devenus une véritable industrie dans un pays secoué par la violence et où les services de sécurité, eux-mêmes la cible de violences répétées, avouent leur incapacité à y faire face. « On demande au gouvernement de prêter un peu d’attention aux enlèvements d’Irakiens. On entend par-ci par-là que des otages irakiens ont été libérés sans plus de détails », déclare un homme d’affaires de 32 ans de Bagdad, Salah Mohsen. Sa catégorie professionnelle est une cible de choix pour les kidnappeurs qui écument Bagdad et d’autres régions d’Irak, tout comme les médecins, les professions libérales, les joailliers et les riches en général. Un responsable militaire américain a récemment estimé que 30 à 40 Irakiens étaient enlevés chaque jour pour des raisons crapuleuses, et que la moyenne des sommes exigées pour les libérer se situait autour de 30 000 dollars. Mais on n’enlève pas que pour l’argent. Ainsi, la propre sœur du ministre de l’Intérieur, Bayane Jabr Soulagh, a été enlevée récemment, probablement pour des raisons politiques, et a été libérée dans une opération dont les détails restent inconnus. Certains Irakiens comme Roua Louaï, une étudiante de 25 ans dont le frère, âgé de 10 ans, a été kidnappé et libéré après paiement d’une rançon de 50 000 dollars, accusent la police de ne prêter aucune attention aux enlèvements d’Irakiens. « Nous avions contacté la police et on avait le numéro de téléphone des ravisseurs, mais elle nous a conseillé de payer la rançon », dit cette étudiante dont une bonne partie de ses proches, ruinés, se sont exilés en Syrie. La police dit ne pas avoir les moyens de traquer et d’arrêter les auteurs de kidnappings. « Les Américains ont des avions, des satellites et de la technologie, et nous n’avons rien », déclare ainsi un officier de police, sous le couvert de l’anonymat, pour se défendre. « Nous recevons certes des plaintes, mais comment chercher des otages alors que certains quartiers et régions autour de Bagdad sont inaccessibles sans le soutien d’une force de centaines d’hommes et d’importants moyens militaires », souligne un autre officier, qui comme le premier, veut garder l’anonymat. En dehors de Bagdad, Mossoul, grande ville à majorité sunnite du nord de l’Irak, est particulièrement affectée par les enlèvements, dont on estime le nombre à quatre par jour, selon un avocat, Saif Abdel Rahmane al-Abbadi qui dirige une association de défense des droits de l’homme. « Les autorités, incapables d’y faire face, ont accordé aux médecins et aux hommes d’affaires des permis de port d’armes », a-t-il indiqué, doutant toutefois que cela dissuade les kidnappeurs. « J’ai été enlevé devant le siège de ma société et mes ravisseurs avaient l’accent typique de Mossoul et n’étaient même pas masqués. Ma famille a payé 50 000 dollars à ces criminels », a-t-il indiqué. « J’ai été enlevé une deuxième fois, et cela m’a coûté 40 000 dollars », ajoute cet homme d’affaires qui s’apprête à s’installer en Syrie et qui dit avoir la conviction que ses kidnappeurs sont d’anciens criminels ayant bénéficié d’une amnistie du président déchu Saddam Hussein en 2002. Assad ABBOUD (AFP)
Un Britannique et deux Canadiens, ex-otages en Irak, doivent leur liberté à une mobilisation internationale et à une opération militaire, des moyens que ne peuvent espérer des milliers d’Irakiens victimes d’enlèvements crapuleux ou politiques.
Les trois otages libérés jeudi à Bagdad lors d’une opération de la Force multinationale, le Britannique Norman Kember et les...