Moments insolites - Le sud de l’Italie à Saïfi Bienvenue chez Giovanni !

Il est le cœur de son restaurant, son âme et sa pulsion. Pas étonnant, alors, qu’il l’ait baptisé « Da Giovanni ». C’est donc « chez Giovanni », dans ce restaurant où il se sent chez lui, que cet exubérant maître-cuisinier vous reçoit depuis le début de l’année. Pour que vous vous y sentiez chez vous. Il s’appelle Giovanni Casa. Ça ne s’invente pas. Avec un nom pareil, qu’il a fallu lui extraire en usant de tout le charme disponible, comme d’autres informations pratiques dont il n’a que faire, le fougueux Italien ne pouvait que vous inviter chez lui, au « Da Giovanni ». Soufflant le chaud, un vrai passionné, il a, du même coup, et avec la même énergie, soufflé du rouge sur la décoration de ce chez lui, ouvert à tous. Car ici, dans ce qui fut une maison avant de se transformer en restaurant, tout est rouge. Les murs, les plafonds, les luminaires, le tablier du maestro, son humeur et son humour. Cette teinte passion, passionnée, chaleureuse, tactile, sensuelle et sensorielle, lui ressemble. Impatient, pressé, gourmand, coquin et drôle. La décoration est digne d’un décor de la Comedia dell’arte qu’il affectionne particulièrement, et lui d’un de ces personnages. « C’est un esprit, une façon de vivre, riche, généreuse, triste et gaie en même temps. » Un personnage de comédie « Il est fou ce Giovanni ! » Les gens qui le connaissent n’arrêtent pas de le répéter avec bonheur. Et il confirme : « J’aime bien plaisanter, mais au travail, je n’accepte aucun compromis. » Installé au Liban depuis 4 ans, il avoue y être venu « par fascination pour cette terre. Et puis pour commencer une nouvelle aventure dans un pays où je n’étais pas connu… ». Et d’ajouter, avec cet accent charmant et un français à la sauce tomate : « Dès que je souis arrivé ici, je me souis rrrendu compte que j’étais aussi libanais que vous ! » Giovanni est né à Massa Lubrense, dans la région de Napoli. Il a grandi dans une famille de restaurateurs qui ont semé en lui la graine du parfait cuisinier. Après avoir élevé ses deux enfants, aujourd’hui âgés de19 et 15 ans, après avoir passé dix années sur la Côte d’Azur, il débarque au Liban, s’essaie dans deux restaurants, puis se jette dans un projet plus personnel. C’est tout ce qu’il dira à ce sujet. « Le reste, précisera-t-il, en vous servant un verre de vin, vous l’apprendrez en me regardant faire. » Délicieuse soirée À l’heure fatale où la soirée débute, Giovanni est angoissé. Le regard pointu, il ne loupe aucun détail, en salle et en cuisine. « J’ai toujours été comme ça, même lorsque je travaillais pour les autres. » C’est aussi l’heure où les clients commencent à arriver, où son restaurant sert une soixantaine de couverts et où les magnifiques parfums de mets italiens commencent à s’échapper des cuisines. « Buona sera signora», « Come staï ? » « Buon appetito », et, lorsqu’un client lui demande « Qu’est-ce que vous nous faites de bon ce soir ? », il répond, le plus simplement, « je suis là ! ». Car il est vrai que, outre la carte concoctée par lui et directement inspirée de sa région natale, avec des produits de qualité souvent importés et une cuisine délicieuse, Giovanni pourrait être le plat principal, ou le dessert de votre soirée. La cerise sur le gâteau. Durant toute la soirée, et c’est ainsi tous les jours, à midi et le soir, et pendant que vous dévorez un risotto aux poireaux, c’est lui qui prend les commandes, en répondant aux impatients : « Arrivo subito ! » Lui qui conseille les uns, qui plaisante avec les femmes des autres, qui reconnaît les habitués, dispose les plats et regarde fièrement l’ensemble. Et lorsque les gens, satisfaits et repus, sont enfin repartis, il vous invite à vous installer dans le coin le plus confortable de ce restaurant qu’il a conçu comme une maison, avec sa salle à manger et sa véranda. Et, en vous tutoyant en signe d’amitié, en vous offrant un limoncello glacé, il parlera, le ton plaisantin et léger, de ce pays formidable où, dit-il, « je me sens Libanais tout en étant un étranger, ce qui est une situation idéale ! ». Il parlera des femmes de chez nous qu’il trouve superbes, de ses voyages, de son besoin de liberté et de toutes ces choses qu’il vous demandera de ne pas écrire… Et puis, juste avant de repartir, la tête pleine de ces arômes mélangés, il vous remettra la carte de l’endroit. Vous la regarderez, trouverez bizarre, intelligent et fourbe, ce personnage dessiné dans un coin, suspendu à un fil, un masque lui cachant le visage. Et vous sourirez en y apercevant comme un goût exquis de déjà- vu… Carla HENOUD