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Linda Bustani, plus proche de Schumann que de Mozart…

Curieux programme et curieuse programmation de la troisième soirée du treizième Festival d’al-Bustan avec, au clavier, la pianiste Linda Bustani. Un bout de Mozart avec deux longs opus de Schumann entrecoupés par un entracte et une partition de Villa-Lobos. Césure injustifiée rompant en deux, comme une orange fendue, tout le monde agité et tourmenté du compositeur de la majestueuse Symphonie rhénane. Exubérant monde sonore fait de romantisme ténébreux, de désarrois, de passion violente, de folie et d’imaginaire exacerbé, privé un peu de son élan et de sa force par une rupture inopinée. Il y a des atmosphères sacrées auxquelles on ne touche pas impunément. Toujours est-il que Linda Bustani, en abaya longue, en dentelle couleur jaune soufre, fendue jusqu’aux genoux, a attaqué en ouverture, avec beaucoup de douceur précautionneuse, la Sonate N18 en d op K 576. Trois mouvements (allegro, adagio et allegretto) tendrement expédiés comme on borde un enfant avant de dormir… De toute évidence plus à l’aise dans Schumann, dont elle est une âpre et brillante championne au clavier, la pianiste a interprété, avec une sensibilité émue, la Phantasierstùcke op 12, inspirée en majeure partie des écrits de Hoffmann et composée de douze pièces. Etats d’âme variables et humeurs romantiques excentriques sur fond de poésie, à la fois diaphane et ardente, sont au rendez-vous de cette somptueuse narration aux timbres envoûtants alternant en toute subtilité mouvements calmes et rythmes saccadés, parfois même très saccadés. Entracte de vingt minutes et voilà La Valse de la douleur de Villa-Lobos. Comme une mer aux vagues légèrement démontées, sur un air à trois temps et avec des accords riches, se déploie la complainte du musicien brésilien. Tout en appelant au soleil, à la sensualité, à la douceur de vivre, aux paradis artificiels, cette musique secrètement lancinante et faussement salonnarde évoque la vie et ses remous indicibles. Une vie qui a des moments où la souffrance est au bord de l’insupportable. Et c’est ce message de chagrin, de douleur et de mal-être que rend Villa-Lobos dans une expression d’élégante mélancolie où la voix du petit peuple, des miséreux, des blessés du cœur et de la dignité, à travers une mélodie venue de très loin, est à peine perçue. À nouveau Schumann dans les dix-huit séquences musicales du monumental Davidbundlertanze op 6 (Danses des fils de David) écrit en 1837. Entre Florestan et Eusebius, c’est-à-dire entre la joie et la mélancolie oscillent ces pages chargées de toutes les tempêtes et orages intérieurs. Des battements de cœur à l’amour de la nature en passant par les mystères de la nuit, cette partition pour virtuose et amoureux des nuances de la facette humaine est un périlleux tremplin pour tout pianiste, même parfois virtuose. Images sonores somptueuses et vibrantes pensées révélant l’héroïsme spirituel de Faust et de Manfred, ainsi que la témérité de Byron, les rêveries et les contemplations de Heine et de Goethe. C’est tout cela cette musique qui ne laisse pas de répit ni au pianiste ni à l’auditeur. Linda Bustani a sans nul doute voulu concocter un menu de haut vol au public libanais. Et malgré des notes écrasées, cette performance laisse l’empreinte d’un dire pianistique bien senti où l’émotion – moment béni où l’on se détache du prosaïque – est à placer au-devant de la scène… Edgar DAVIDIAN
Curieux programme et curieuse programmation de la troisième soirée du treizième Festival d’al-Bustan avec, au clavier, la pianiste Linda Bustani. Un bout de Mozart avec deux longs opus de Schumann entrecoupés par un entracte et une partition de Villa-Lobos. Césure injustifiée rompant en deux, comme une orange fendue, tout le monde agité et tourmenté du compositeur de la...