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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL AL-BUSTAN - Avec Sergey et Lusine Khatchatryan Quand le violon et le clavier ont de redoutables complicités de frère et sœur

Pour la seconde soirée du XIIIe Festival al-Bustan, deux jeunes, très jeunes prodigieux talents arrivés en droite ligne d’Erevan. Leur nom déjà fait penser au brillant compositeur de la Danse des sabres… Certains se sont posés in petto la question : ces mordus de musique sont-ils apparentés à Aram Khatchatourian ? Mystère, mais ils appartiennent tous à la même couleur grenat et à la même terre de Grégoire l’Illuminateur…Sur scène, voilà donc le violoniste Sergey et la pianiste Lusine Khatchatryan. Frère et sœur à la redoutable complicité, certes merveilleuse, mais qui n’exclut jamais des rivalités où la musique est toujours affaire, élocution et expression personnelles…. Un menu qui va crescendo dans la sensibilité et la virtuosité et que les deux bis, généreusement accordés, ont tétanisé puis enflammé le public, comme un fagot de sarment qu’on jette dans l’âtre pour renforcer un feu pourtant déjà dévorant... En hommage au génie de Salzbourg qui anime l’esprit de ce festival, ouverture avec la Sonate en B flat majeur k454 de Mozart. Trois mouvements (largo, andante et allegretto) pour traduire toute l’inspiration en touches légères, volatiles, d’une douceur enchanteresse d’un musicien qui savait parler au cœur humain en des termes d’une extraordinaire clarté. Dès les premières mesures, c’est le piano qui a la part belle ici. Et pourtant l’archet de Sergey a donné des sonorités géniales à une expression touchante de nuances et de subtilité. Faut-il conclure que, malgré les dialogues alternés du violon et du clavier, cette sonate de Mozart accordait la préférence au piano ? Pour prendre le relais, la Sonate n1 en A mineur op 105 de Robert Schumann, une œuvre écrite soixante-sept ans plus tard que celle de Mozart et juste au début de la folie du compositeur de la majestueuse Symphonie rhénane. Trois mouvements aussi (passionata, allegretto et lebhaft) pour dire, avec le recul du temps, les égarements du cœur, les troubles et la confusion des sentiments. Œuvre poignante où le violon, beaucoup plus que le clavier, a des confidences d’une troublante sensibilité d’écorché vif. Romantisme absolu, que le violon de Sergey, éruptif et volcanique, restitue avec un éclat particulier. Le jeune interprète retient son souffle et ses émotions pour une impeccable qualité du son qui va au plus profond de la partition et qui vrille en une confondante tendresse le cœur de l’auditeur. Après l’entracte, place à une très belle Sonate en A majeur de César Franck que plus d’un siècle sépare de celle de Mozart, et où le jeune violoniste se lâche totalement. Sans éclipser le clavier, le virtuose donne aux cordes et à l’archet une ampleur et une richesse sonore inégalées. Des pianissimi à faire rêver, des pizzicati à damner les plus insensibles, des trémolos à fendre la pierre, des chromatismes d’une célérité vertigineuse, à couper le souffle. Torrents d’émotions où tous les thèmes romantiques sont abordés avec originalité et un sens innovateur des rythmes, des couleurs et des mélodies pour conclure sur un magnifique allegro vivace d’une beauté d’apothéose. Ovation à tout rompre par un public littéralement subjugué par cette époustouflante prestation. Un public sous le charme des musiciens, notamment d’un violoniste hors pair, dans sa jeunesse même. En bis, le célèbre Groung (la grue, cet oiseau migrateur figure de légende dans la mythologie arménienne) où le lamento déchirant du violon est d’une chavirante beauté. Inassouvi, le public en redemande encore. Et là, plus riche que tout le programme présenté, ce Tzigane de Ravel, authentique morceau de prouesse technique, de bravoure, de virtuosité et de brio. Enlevé haut la main par ce violon qui joue à découvert en première partie pour être rejoint par un piano d’une belle éloquence. Voilà que les deux instruments croisent admirablement le fer. Frénésie baudelairienne du violon pour une somptueuse narration où les airs czardas et les envolées lyriques transportent l’auditeur vers des rives heureuses, aux horizons ouverts à tous les chemins de la liberté et du rêve. Prodigieux violoniste Sergey, chaleureusement et péremptoirement accompagné par sa grande sœur Lusine. Les Khatchatryan, c’est la musique dans le sang et les deux sont à garder à l’œil : ils ont sans nul doute rendez-vous avec la gloire de ceux que l’art transcende au-dessus des mêlées humaines. Un grand moment pour la révélation d’un violoniste à la graine « paganinienne » et d’une pianiste qui, par un regard, a la redoutable précision d’un impitoyable métronome. Edgar DAVIDIAN
Pour la seconde soirée du XIIIe Festival al-Bustan, deux jeunes, très jeunes prodigieux talents arrivés en droite ligne d’Erevan. Leur nom déjà fait penser au brillant compositeur de la Danse des sabres… Certains se sont posés in petto la question : ces mordus de musique sont-ils apparentés à Aram Khatchatourian ? Mystère, mais ils appartiennent tous à la même couleur grenat et à...