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Actualités - ANALYSE

ANALYSE Le tribunal international, entre la frousse syrienne et les récalcitrants libanais

La Syrie a la frousse, ses principaux alliés au Liban – Amal et le Hezbollah – aussi. Cela explique largement le vaudeville auquel se livre, depuis quelques jours, le régime de Damas au pays du Cèdre. Si, dans le cas du très léger Houssam Houssam, le ridicule ne tue pas, il peut s’avérer en revanche franchement dangereux en Conseil des ministres, lorsque des ministres finissent par s’aligner sur un mot d’ordre étranger pour saboter l’esprit de consensus, et, par-delà, les structures mêmes sur lesquelles repose le Liban. N’est-ce pas finalement ce que font Amal et le Hezbollah depuis que le président syrien Bachar el-Assad a sonné le clairon, lors de son fameux discours, pour rassembler « ses troupes » en vue de la lutte finale contre les « traîtres », les « comploteurs » et « les esclaves dociles et vendus, au service de leurs maîtres » ? Ainsi le Conseil des ministres stagne-t-il, depuis quelques semaines, au rythme des compromissions, qui se terminent presque toujours à l’avantage des ministres du « 8 mars ». Tant et si bien que tout observateur honnête avec lui-même et refusant de se laisser happer plus longtemps par la grande mascarade finit par se dire : d’un côté, il y a le camp du « 14 mars » qui accepte, au nom du consensus et de l’intérêt national supérieur, de concéder du terrain, pour éviter un clash qui n’ose toujours pas dire son nom. De l’autre côté, il y a les ministres du « 8 mars », qui multiplient caprice sur caprice, faisant systématiquement monter les enchères pour obtenir gain de cause. D’un côté, on agit pour préserver la notion de l’État, et, de l’autre, on donne de plus en plus une désagréable impression de soi : celle d’avoir constitué un véritable État dans l’État, n’obéissant qu’à ses propres désirs et ses propres lubies. Et celle qu’on peut indéfiniment prendre les autres, le reste de la population libanaise, en otages, au service d’un isolationnisme qui se cache de moins en moins derrière des formules de politesse. Après le retrait des ministres chiites, refusant de discuter du discours d’Assad, après l’escalade commanditée du mazout, heureusement désamorcée par le ralliement des ministres du « 14 mars » aux revendications sociales du Hezbollah, c’était jeudi au tour du dossier du tribunal international de donner l’occasion aux récalcitrants de sortir leurs cartons rouges. Comment comprendre l’attitude des ministres chiites ? Pour ce faire, il faudrait d’abord se souvenir que lors de la rencontre entre le chef de la diplomatie syrienne, Farouk el-Chareh, et le Premier ministre Fouad Siniora, à Barcelone, en marge du sommet Euromed, le responsable syrien a répondu à une question sur le tribunal international en ces termes : « La question ne se pose pas pour l’instant. » Le message aurait été reçu cinq sur cinq chez les compagnons de la Syrie au Liban, notamment en Conseil des ministres. Résultat : pour les ministres du « 8 mars », il est « trop tôt » pour traiter de cette question. D’autant que Damas n’a toujours pas donné d’autre signal dans ce sens. Une deuxième piste serait la réponse d’Émile Lahoud à Fouad Siniora au sujet du tribunal international : il vaut mieux attendre les résultats du rapport Mehlis. Sous-entendu : pour savoir à quel niveau (des officiels syriens) le rapport va arriver. L’essentiel dans cette logique, c’est ce qu’elle ne dit pas. En lisant en effet entre les lignes, on peut y entrevoir toute la frayeur du régime syrien de voir un tribunal international se mettre en place. Un tribunal qui échapperait totalement à toute influence de sa part, qui pourrait toucher au clan Assad, à la açabiyya gouvernante sur laquelle repose tout l’édifice baassiste en Syrie, en traînant Assef Chawkat ou Maher el-Assad en justice, par exemple. Sans garde-fous, le noyau dur du régime syrien se retrouverait aussitôt mis à nu, fragilisé à outrance. Et, par-delà, ses alliés du Hezbollah au Liban, déjà dans le collimateur de la communauté internationale, en ressentiraient directement l’onde de choc… Par conséquent, le Hezbollah (et accessoirement Amal) se réfugie dans une politique de contestation stérile et de veto successifs, arguant du fait qu’il est encore trop tôt pour discuter de la question du tribunal international. Une position indéfendable, fait valoir un éminent juriste libanais, selon qui il ne faut pas attendre que quelqu’un soit incriminé pour former un tribunal, et que ce raisonnement n’est valable que pour les tribunaux d’exception. Or les tribunaux d’exception sont l’apanage des régimes de dictature, et font donc peu cas de la culture démocratique et de la justice équitable et impartiale. L’argument du Hezbollah serait donc pour le moins significatif, sur le plan symbolique, d’une certaine manière de penser et de percevoir les choses… Il reste la question fondamentale : combien de temps la situation actuelle peut-elle perdurer ? Le travail de sape syrien, s’il continue à trouver écho de cette manière dans les milieux libanais, ne risque-t-il pas de compromettre la paix et la souveraineté retrouvées ? Le nouveau Liban renaissant de ses cendres n’est-il pas encore trop précaire pour se retrouver l’otage d’un bras de fer qui le pousse systématiquement à la compromission ? Une fois de plus, le dialogue national franc et égal s’impose comme la seule planche de salut. Il suppose toutefois deux conditions : d’abord, que les artisans du 14 mars, revenus chacun de ses errances en solitaire, refassent leur sacro-sainte unité. Ensuite, qu’ils s’engagent, sans broncher, dans un chantier national, en convainquant, avec la fermeté qu’il faudra, les récalcitrants, tous les orphelins de la Syrie à adhérer au projet de l’État et à accepter enfin que le Liban est un pays indépendant et définitif pour tous ses fils. Michel HAJJI GEORGIOU

La Syrie a la frousse, ses principaux alliés au Liban – Amal et le Hezbollah – aussi. Cela explique largement le vaudeville auquel se livre, depuis quelques jours, le régime de Damas au pays du Cèdre. Si, dans le cas du très léger Houssam Houssam, le ridicule ne tue pas, il peut s’avérer en revanche franchement dangereux en Conseil des ministres, lorsque des ministres finissent par...