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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE Les prosyriens choisiraient entre la main tendue (l’adieu à Karamé) et le chemin miné (un gouvernement monochrome) Le choix de Sophie pour Aïn el-Tiné, ce soir

C’est un changement qualitatif d’importance, politique mais aussi psychologique. L’opposition nationale plurielle, qui compte dans ses rangs un peu plus de 44 députés, a pour la première fois hier brisé cette solidarité corporatiste qui n’a jamais voulu clairement dire son nom avec un homme que ne semble aucunement rebuter son improbable schizophrénie politique : le président de la Chambre/patron de Aïn el-Tiné, Nabih Berry, désormais placé, à la veille de la réunion des pôles loyalistes et/ou prosyriens, sur le même banc (des accusés) qu’Émile Lahoud et Omar Karamé. « L’opposition rend le président Lahoud, le président de la Chambre, Nabih Berry, et le Parlement responsables de cette situation (la volonté du pouvoir sécuritaire libano-syrien de saboter les élections afin de proroger le mandat de l’actuelle Chambre), et les appelle à remplir leurs devoirs historiques sans atermoiements », écrit ainsi le communiqué publié à l’issue de la réunion plénière de Koraytem – ou Bristol VI. Et même si le n° 2 de l’État a gentiment (et constitutionnellement) accédé à la requête des députés opposants qui lui avaient demandé de leur prêter, pour une réunion prévue aujourd’hui à 16h30, la bibliothèque du bâtiment réservé aux parlementaires et qui dépend de la présidence de la Chambre, Nabih Berry n’a pas pu recevoir autrement que cinq sur cinq le message de Koraytem : s’il rate l’occasion en or, ce soir au cours de la réunion du Rassemblement de Aïn el-Tiné, de s’assurer, pour le court et le moyen termes, un niveau respectable de survie politique, s’il oublie encore une fois qu’il est le chef du Législatif, le premier des représentants du peuple, c’est uniquement en patron d’un camp loyaliste en déliquescence qu’il sera dorénavant considéré par l’opposition sur le plan politique. Et s’envoleront ainsi ses rêves au centre desquels il est celui vers lequel tous se retournent quand se bouchent tous les horizons, quand le pays est sur le point de basculer dans un terrifiant inconnu politico-constitutionnel. Sauf que Nabih Berry devra prendre en compte ce soir quatre paramètres incontournables de plus. Un : ce « On ne se suicidera pour personne » asséné il y a trois semaines à Baabda, équivalent à un « S’ils ne veulent pas d’un gouvernement d’union nationale, tant pis pour eux ». Deux : les distances (un euphémisme doux pour évoquer de pitoyables retournements de veste) que prennent depuis quelques jours un certain nombre, un nombre certain, de députés loyalistes avec le Rassemblement de Aïn el-Tiné. Trois : les prises de positions et les options choisies par le locataire de Baabda, auprès duquel Nabih Berry, mécontent, boudeur, ne s’est pas rendu, depuis deux semaines. Quatre : la décision du Hezbollah. Les sons de cloche se contredisent sur les intentions des uns et des autres. Certaines sources assurent qu’il y a deux camps au sein de Aïn el-Tiné : d’une part, les petites formations (dont le Baas et le PSNS) qui ont compris que seule la prorogation du mandat de l’actuelle Chambre pourra leur permettre de conserver leur strapontin, et de l’autre, le tandem Hezbollah-Amal, partagé entre deux options. Soit se résoudre au désistement de Omar Karamé, boycotter les consultations parlementaires et menacer de ne pas donner la confiance au prochain cabinet (sauf que les 71 se sont, depuis la nomination de Omar Karamé, sensiblement réduits, proportionnellement à l’usure de la tutelle syrienne sur le Liban...) ; soit demander au chef de l’État d’accorder une dernière chance, trois ou quatre jours supplémentaires, à Omar Karamé pour qu’il puisse former un gouvernement d’union nationale. Ce qui équivaudrait, à la lecture de l’intraitable communiqué de Koraytem d’hier, à une encore plus impossible mission. D’autant que selon des sources généralement bien informées (et malgré les communiqués scandalisés à répétition du bureau de presse de la présidence de la République), Émile Lahoud aurait menacé les têtes d’affiche loyalistes de s’adresser à la nation et de « vider son sac » s’ils continuaient à bloquer la situation. Sans oublier l’option extrême – la crise ouverte –, qui verrait Aïn el-Tiné perpétrer l’impasse et demander à Omar Karamé de rester PM désigné ad vitam aeternam. Et selon d’autres sources, ni le Hezbollah ni Amal ne veulent de législatives, du moins pas à la date prévue, pensant arriver à éroder la détermination populaire, fissurer l’opposition, gagner du temps. Et Nabih Berry, ligoté par les obligations incontournables imposées par son perchoir, est déterminé à convaincre Omar Karamé de ne pas se récuser, de former un gouvernement loyaliste « avec qui veut » – ce qui équivaut à obliger le PM désigné à s’autoinfliger un retentissant camouflet, lui qui a juré mille et une fois ses grands dieux qu’il ne présidera pas une équipe monochrome. Et il semblerait, à en croire un pilier de l’opposition interrogé tard en soirée, que c’est ce chemin miné pour eux que les loyalistes, jusqu’à nouvel ordre, semblent vouloir emprunter, plutôt que de commencer à s’agripper à la main que leur a tendue hier une opposition certes intransigeante, mais décidée à tout faire pour ne pas inverser, après l’achèvement du retrait syrien en tous genres, la criminelle logique post-Taëf du vainqueur et du vaincu. Ziyad MAKHOUL
C’est un changement qualitatif d’importance, politique mais aussi psychologique. L’opposition nationale plurielle, qui compte dans ses rangs un peu plus de 44 députés, a pour la première fois hier brisé cette solidarité corporatiste qui n’a jamais voulu clairement dire son nom avec un homme que ne semble aucunement rebuter son improbable schizophrénie politique : le président de la...