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Actualités - CHRONOLOGIE

La guerre de Rach’ine a bien eu lieu (Photo)

Dès 10h30, dans les salons de la résidence René Moawad, il règne à première vue l’effervescence des grands jours. Même si Nayla Moawad ne s’est pas lancée dans la bataille de Zghorta-ville. Parce que les enjeux sont particulièrement importants dans plusieurs localités du caza : Alma (le village de Jean Obeid), Ardé, Achache, Meriata, Kferdlakos, Toula, Aïto, Majdlaya et, surtout, Rach’ine, la « mère des batailles », comme se sont plus à la qualifier de nombreux Zghortiotes. Secondant infatigablement sa mère, Michel Moawad raconte d’emblée avoir pris contact la veille avec le ministre de l’Intérieur, Élias Murr, pour lui demander de faire en sorte que « les généraux des FSI ne squattent plus les bureaux de vote ». « L’argent se paie de chez eux, les listes se font de chez eux, les menaces également ; ils ont même couvert la construction illégale de maisons réservées aux électeurs sur des terrains appartenant à l’État », a-t-il accusé. « S’ils continuent de paraître et de parader, je n’écarte pas un clash entre eux et bon nombre de citoyens », a-t-il menacé. Sauf qu’hier, aucun « général » ne se trouvait devant les bureaux de vote. Dans les salons de la résidence Moawad, les femmes qui vont et qui viennent sont bien plus nombreuses que les hommes ; chacune d’entre elles veut échanger quelques mots avec « sett Nayla », lui faire part de son soutien, de ses encouragements. Il y a quelque chose de joliment instinctif dans cette cohésion des femmes du Nord – et d’ailleurs – autour de celle qui a été la première à présenter sa candidature à la présidentielle 2004, et qui ne ménage aucun effort pour améliorer la condition féminine, même au-delà des frontières du caza de Zghorta. Une jeune intellectuelle, partisane de Sleimane Frangié, n’a d’ailleurs aucun mal à applaudir le travail de Nayla Moawad à ce niveau, tout en déplorant l’absence de toute candidate au poste de conseiller municipal à Zghorta. « C’est honteux », dira-t-elle, interrogée par L’Orient-Le Jour juste avant d’aller voter. Elle rend par ailleurs hommage au futur président de la municipalité, Joseph M’aarawi, que soutient le ministre de la Santé. « Tout le monde l’apprécie, il est honnête, il a fait carrière sans être soutenu par les politiciens, il est le plus compétent », assure-t-elle, reconnaissant que « comme d’habitude, il n’y a pas de bataille municipale ». De retour dans les salons de la résidence Moawad, on évoque le peu d’enthousiasme des Zghortiotes, considérablement refroidis par l’absence de bataille, on parle d’un taux de participation de 35 %. Par contre, pour les moukhtars de la ville, c’est le bras de fer, surtout dans le quartier de Saydé. On donne le candidat des Moawad et de Jawad Simon Boulos Makari gagnant. « Mon but n’est pas l’alignement ; je souhaite une participation maximale et effective des forces vives de la société afin de créer un espace où tout le monde pourra s’exprimer librement », a-t-il dit à L’Orient-Le Jour. Les rumeurs courent sur des naturalisés que l’on amène voter à Majdlaya. Nayla Moawad va aller voter, en compagnie de son fils et de sa belle-fille. « Tu es la plus belle et tu dégoulines de noblesse », hurle un jeune homme venu tout près de la députée. Les femmes sortent des magasins pour l’embrasser, elle sourit, entourée de sa garde prétorienne, les youyous fusent, ne cessent pas. Elle monte les escaliers qui la mènent au bureau de vote, elle calme les ardeurs d’une femme que plus rien n’arrête – « par notre âme, notre sang, etc. » –, elle entre saluer le président de la municipalité sortant, Georges Yammine, au côté duquel se tient le patron du PSNS, Gebrane Arayji. Il y a de l’électricité dans l’air, Nayla Moawad avait affirmé il y a quelques jours que la municipalité de Zghorta est la troisième plus corrompue selon la Banque mondiale. « On veut des preuves », dit un partisan de Yammine. « Travaillez, et on vous soutiendra », rétorque la dame du Nord. Les partisans des deux clans sont à deux doigts d’en arriver aux mains. Au sortir du bureau de vote, Nayla Moawad explique aux journalistes pourquoi elle a privilégié la neutralité ; pourquoi un bras de fer avec Sleimane Frangié aurait nui aux Zghortiotes ; oppose une vision, l’installation de l’État de droit, la libre décision, au clientélisme familial et à l’utilisation des municipalités pour « l’achat des consciences » ; insiste sur le fait que ses alliés zghortiotes ne l’ont pas abandonnée. Et en réponse à Sleimane Frangié, qui avait affirmé quelques minutes plus tôt qu’il ne souhaitait pas cette politisation de l’échéance municipale, et qu’il préfère utiliser « les services du gouvernement plutôt que ceux de l’Occident et des États-Unis », Nayla Moawad a asséné que l’État « est obligé de rendre des services aux citoyens libanais ». Affirmant que « si je peux faire bénéficier le Nord, comme toutes les autres régions du Liban où elles sont appliquées sans distinction aucune, d’aides-programmes occidentales ou américaines, je n’hésiterais pas une seconde ». Nayla Moawad et Sleimane Frangié ont compensé par leurs répliques la tiédeur des Zghortiotes. Un scrutateur aouniste à la porte d’un bureau de vote dit que personne ne s’attendait à ce que le Courant patriotique libre s’installe dans la bataille zghortiote (il a une liste de sept candidats) « où les familles sont prépondérantes ». Il rappelle l’alliance du CPL avec les indépendants, ne cache pas sa préférence pour Nayla Moawad, « c’est elle la plus proche de nous », tout en indiquant que le taux de participation, faible (35 %), est « inversement proportionnel aux pressions ». Un scrutateur de la liste de Sleimane Frangié affirme à L’Orient-Le Jour qu’avec le ministre de la Santé, « pas besoin de demander, il anticipe tout ce dont les Zghortiotes ont besoin – c’est ce qui différencie Zghorta des autres villes », tout en soulignant qu’il aurait aimé que Nayla Moawad accepte la proposition d’accord. Jospeh M’aarawi, reconnaît lui aussi, interrogé par L’Orient-Le Jour, que l’absentéisme est important – « il n’y a pas de compétition » –, tout en réfutant le fait que Zghorta soit la troisième ville corrompue au Liban. « Pourquoi Nayla Moawad n’a pas avisé les commissions de contrôle ? », a-t-il demandé. Il assure que la municipalité va travailler pour tous les citoyens, dont il a demandé l’aide et l’appui, en leur conseillant de « ne pas avoir peur pour les législatives 2005 ». Dans le village de Ardé, trois listes s’affrontent, dont celles de Habib Lattouf (clan Moawad) et de Tony Mardini, face à celle de William Jabbour (clan Frangié). Les scrutateurs sont très présents et à 13 heures le taux de participation était à 40 %. on signalait beaucoup de pressions et les votes allaient plus volontiers à la liste soutenue par Sleimane Frangié. À Alma, le village de Jean Obeid, tout est calme, hospitalier, mais la bataille fait rage. Cheikh Khodr, le président de la municipalité de Kfarhata, est là : à Alma, il y a beaucoup de sunnites. « Politiquement, je suis à égale distance du ministre Frangié et de la députée Moawad », dit-il, reconnaissant qu’il a « de l’affection pour le courage » de la seconde. Albert Azar, opposé au candidat de Jean Obeid, insiste sur le développement du village. Aux dernières nouvelles, la liste appuyée par le clan Moawad aurait gagné, avec 8 candidats sur 12. À Toula, on évoque une victoire de la liste appuyée par Sleimane Frangié. Des « magouilles » sont signalées à Achache. À Rach’ine enfin, « la mère des batailles », qui remplace celle qui n’a pas eu lieu, Chucri Noujaim se présente seul, au nom du CPL, contre trois listes, l’une appuyée par les Moawad et l’autre par les Frangié. L’effervescence est à son comble, c’est la foule des grands jours, l’enthousiasme est à son climax. « C’est mon rêve que le CPL soit présent à Rach’ine, avec tout ce féodalisme familial, politique, et financier. C’est une façon de dire qu’on est là », sourit Noujaim, qui n’a aucune illusion. Gergès Ayoub, qu’appuie Nayla Moawad, veut absolument « redonner au village sa dignité, sa liberté de décision, son indépendance, un vrai conseil municipal ». Et seuls de petits détails (à qui ira la présidence, etc.) ont fait que la liste de « La décision de Rach’ine » et celle de « La dignité de Rach’ine » ne se sont pas unies face à celle des « Fils de Rach’ine », appuyés par le ministre de la Santé. En dernière heure, les deux camps étaient au coude-à-coude, et la guerre pour la municipalité du village a, à elle seule, fait exploser un baromètre plutôt au tiède.
Dès 10h30, dans les salons de la résidence René Moawad, il règne à première vue l’effervescence des grands jours. Même si Nayla Moawad ne s’est pas lancée dans la bataille de Zghorta-ville. Parce que les enjeux sont particulièrement importants dans plusieurs localités du caza : Alma (le village de Jean Obeid), Ardé, Achache, Meriata, Kferdlakos, Toula, Aïto, Majdlaya...