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Actualités - CHRONOLOGIE

Dans la bourgade côtière, les structures traditionnelles ont la vie dure Batroun tiraillée entre ses deux grandes familles, sur fond d’enjeux politiques (Photo)

Une véritable perle, au bord de la Méditerranée. Batroun la méconnue, qui a tout pour plaire aux vacanciers et amateurs de mer, de vieux souks et de vestiges anciens, a vécu les élections municipales à sa manière : une bataille féroce sous des allures nonchalantes. S’il n’y avait le courant aouniste et ses militants à la présence bruyante, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un dimanche paisible, sous un soleil très chaud. Pourtant, c’est sous les porches ombragés, dans les vestibules encore frais, que tout s’est joué. Dans cette bourgade à la structure traditionnelle, deux familles se disputent le leadership, les Akl et les Daou. Les partis politiques ne font que se greffer sur ce paysage et hier, à l’issue d’une longue journée électorale, la balance penchait en faveur de la liste parrainée par le député Sayed Akl. S’il faut en croire les banderoles accrochées dans les rues de Batroun, les quelque 5 000 électeurs, dont seulement près de 3 000 votent, appuieraient l’actuel président de la municipalité, Marcellino el-Hark, l’homme qui, avec l’aide du député Sayed Akl, a obtenu un don de la Banque mondiale pour paver les rues du vieux souk. Mais s’il faut regarder les affiches et autres panneaux, ce serait la liste du changement parrainée par les Daou et appuyée par le courant aouniste et les Forces libanaises de Sethrida Geagea, qui obtiendrait la plupart des suffrages. C’est dire qu’à Batroun, ce qui peut paraître évident l’est bien peu en réalité. Dans cette bourgade côtière, au charme incontestable, les allégeances et les sympathies ne sont pas aussi clairement déclarées qu’on pourrait le croire. Au départ, il y avait donc les Akl et les Daou. Feu Youssef Daou avait même été élu député, avant de céder la place à Sayed Akl, qui malgré ses mandats successifs au Parlement ne s’est jamais éloigné de sa région, restant très proche de ses électeurs. Entre les deux familles, la rivalité est donc ancienne et tenace. Une entente impossible, place à la bataille Le scénario de 2004 ne diffère pas des précédents. Deux listes se disputent donc le conseil municipal, l’une parrainée par Sayed Akl, l’autre par Georges Daou. Le député a précisé avoir proposé auparavant l’entente, dans le but d’épargner une bataille inutile à Batroun, mais M. Daou aurait refusé. De son côté, Georges Daou a déclaré que l’entente qui lui a été proposée était injuste à son égard, et c’est pourquoi il a préféré former sa propre liste. Depuis, c’est à qui séduira le plus grand nombre d’électeurs. M. Akl, qui compte essentiellement sur ses propres forces, bénéficie de l’appui d’une partie des Forces libanaises, le groupe dit d’Ilije (cimetière des combattants morts loin de leurs villages initiaux) avec à leur tête M. Fadi Chammati, qui ont un candidat, M. Tony Badawi, et des Kataëb. La liste de M. Daou bénéficie, elle, de l’appui de la famille, mais aussi de celui des aounistes et des Forces libanaises de Mme Sethrida Geagea et du groupe dit des Jeunes de Batroun. Ceux-ci sont essentiellement représentés par trois personnalités très respectées, MM. Antoine Bassil, Adel Merchak et Georges Rustom. En 1998, ces trois personnalités s’étaient présentées et avaient été élues, avant de démissionner du conseil municipal pour cause de non-affinité avec la ligne politique du conseil, dont la majorité était acquise à la liste de M. Akl. Cette fois-ci, les trois hommes ont aussi choisi leur camp, dans la liste dite du changement, aux côtés notamment du aouniste Gebrane Bassil. Mais, de l’avis de toutes les personnes interrogées, les considérations familiales sont plus importantes que la politique à Batroun et finalement, que l’on soit FL, aouniste ou loyaliste, on vote surtout selon les affinités traditionnelles. M. Akl le souligne d’ailleurs très clairement : « L’autre liste affirme être d’opposition, mais celle que je parraine n’est pas celle du gouvernement, tout comme je ne suis moi-même pas un ministre. Être au Parlement ne signifie nullement être loyaliste, mais l’élu du peuple. » Il est pourtant lui-même très proche du ministre Sleimane Frangié. « Et alors ? rétorque aussitôt M. Akl. Sleimane bey n’a rien à voir avec cette bataille. Elle est politique entre les familles, mais elle reste limitée à Batroun et à Batroun seulement. » Présence aouniste sur le terrain Malgré les tentatives de M. Gebrane Bassil pour donner à la bataille municipale une dimension loyalistes contre opposants, en réclamant un changement qui s’étendrait à toutes les localités du Liban, dont Batroun, les habitants de la bourgade ne semblent pas vraiment convaincus. Ils regardent avec une bienveillance certaine les partisans du CPL en tee-shirts orange, venus avec leurs tracts, leurs portraits et leurs micros, comme ils l’avaient fait dans toutes les autres villes du Liban. Mais pour voter, ils penseront plutôt aux enjeux familiaux. D’ailleurs, les aounistes eux-mêmes, qui sont les seuls à mettre de l’animation dans les rues de la ville, ne mènent pas vraiment la bataille pour la gagner, mais plutôt pour roder leur machine électorale et s’imposer sur le terrain. C’était bien plus important pour eux d’être là et de procéder à un déploiement de force populaire que de gagner, à ce stade de la bataille. Selon un vétéran des élections à Batroun, les aounistes se lancent pour la première fois dans la bataille dans cette localité. Et celle-ci est l’occasion pour eux de tester leur force. Sans plus. Ce vétéran explique aussi que les FL et les aounistes ne peuvent pas aligner plus de sept cents voix à eux deux. Et les FL sont divisées, puisqu’une partie, la plus importante en nombre, est avec Akl, alors que l’autre est avec Daou. Finalement, ce sont les structures traditionnelles qui mobilisent le plus les électeurs, y compris les quelques grandes familles sunnites de Batroun (qui forment un bloc de près de 200 électeurs), auxquelles les deux listes portent une grande attention. Avec la pause de l’après-repas, les pronostics allaient bon train, dans les nombreux cafés. Chacun faisait ses comptes, et la plupart des habitants pensaient que la liste parrainée par M. Akl allait l’emporter, avec éventuellement la victoire de trois ou quatre candidats pour l’autre liste, sur les quinze membres que compte le conseil municipal. Un scénario identique pratiquement à celui de 1998. À Batroun, les saisons passent et les structures ne changent pas, les habitants sont plus soucieux de leurs bateaux de pêche garés, pour certains, devant la porte d’entrée de la maison que des grandes tendances politiques. S.H.
Une véritable perle, au bord de la Méditerranée. Batroun la méconnue, qui a tout pour plaire aux vacanciers et amateurs de mer, de vieux souks et de vestiges anciens, a vécu les élections municipales à sa manière : une bataille féroce sous des allures nonchalantes. S’il n’y avait le courant aouniste et ses militants à la présence bruyante, on aurait pu croire qu’il...