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Actualités - CHRONOLOGIE

Ouverture d’une enquête judiciaire sur les émeutes de la banlieue sud Conseil des ministres extraordinaire, samedi, pour évaluer les dégâts

Qui assume la responsabilité des émeutes sanglantes d’hier ? Comment un défoulement s’est-il transformé en carnage ? Comment une manifestation contre le prix de l’essence s’est-elle transformée en une confrontation avec l’armée, qui a fait sept morts et 50 blessés ? Les partis ont-ils été débordés ? Les syndicats se sont-ils laissés manipuler par les partis ? S’agissait-il d’une action concertée, délibérée ? Aux rapports des correspondants de presse qui se trouvaient sur le terrain, il y a du vrai dans toutes ces hypothèses. L’existence de groupe de meneurs qui se déplaçaient d’un point à l’autre de la banlieue, la conduite de certains partisans ne laissaient pas de doutes sur le fait que les émeutes n’étaient pas totalement spontanées. Ainsi, des militants du mouvement Amal ont installé un cordon de sécurité autour de l’église Mar Mikhaël, interdisant à quiconque d’y pénétrer. Par contre, ils n’ont pas levé le petit doigt pour empêcher le sac du KFC ou empêcher les têtes brûlées de lancer leurs pierres sur les militaires et les tanks. Ni pour empêcher l’affligeant incendie d’un bâtiment public où se retrouvent, tous les jours, des centaines de personnes, dont les formalités ont été éparpillées ou carbonisées. « Ils ont eu des morts, ça leur donne des droits », ont entendu dire des correspondants de presse sur le terrain. Et c’est tout dire sur l’esprit qui a présidé aux émeutes d’hier. Informé heure par heure de l’évolution de la situation, le chef de l’État, le général Émile Lahoud, a réclamé « l’ouverture d’une enquête au sujet des actes de violence qui ont accompagné la grève générale, des pertes humaines et matérielles qui en ont résulté ». L’initiative du président de la République a été prise afin « d’éclaircir les circonstances » qui ont conduit à ces violences et de prendre les « mesures légales nécessaires », selon un communiqué de la présidence. Le parquet de la Cour de cassation s’est saisi, hier, du dossier des émeutes, mais le magistrat chargé par M. Adnane Addoum de se rendre dans la banlieue sud n’a pu vraiment entamer son travail et est resté à la périphérie des zones chaudes où s’étaient repliés les émeutiers. Il commencera, aujourd’hui, par interroger les manifestants interpellés par l’armée. Le chef du gouvernement a publiquement pris position en fin de soirée (voir par ailleurs). Il était rentré à Beyrouth, venant de Damas, alors que les troubles faisaient toujours rage, après avoir été reçu par le chef de l’État syrien, le président Bachar el-Assad. Le soir, M. Walid Joumblatt, qui venait d’être reçu par le Premier ministre, a affirmé avoir compris qu’un Conseil des ministres extraordinaire sera convoqué pour examiner la question. En soirée, on apprenait que les contacts sont en cours pour la tenue du Conseil des ministres, demain. Le Hezbollah a rendu le gouvernement responsable des affrontements avec l’armée. Il a dénoncé les tirs sur les manifestants, affirmant que l’usage des armes aurait dû être « catégoriquement banni » et réclamant « l’ouverture d’une enquête immédiate pour faire la lumière sur l’affaire et punir ceux qui ont provoqué les incidents meurtriers ». Le ministre du Développement administratif Karim Pakradouni a condamné le « dérapage » qui a marqué les manifestations à Hay el-Sellom, mais a dénoncé la « provocation délibérée » qui a entraîné l’usage, par l’armée, de ses armes. On n’est pas loin de la thèse du « complot » ou du « message politique » et les partis prosyriens qui se sont réunis hier ont l’intention d’examiner sérieusement aujourd’hui la possibilité qu’il s’agisse d’une action concertée destinée à discréditer le régime. La chèvre et le chou Après s’être entretenu avec le Premier ministre, M. Walid Joumblatt a condamné les agressions contre l’armée. « Même si certains militaires ont commis une erreur de jugement et ordonné d’ouvrir le feu contre les manifestants, ce que devra déterminer plus tard une commission d’enquête, je ne comprends pas que l’on s’en prenne à l’armée, à cette armée qui protège la Résistance et le Sud », a-t-il dit. Cultivant l’art de l’ambiguïté, le chef du PSP a fait allusion au double jeu pratiqué par certains partis qui, tout en étant représentés au gouvernement, tentent de profiter du mécontentement populaire. « Il est trop facile pour nous tous d’être à la fois au gouvernement et dans les manifestations.Il y a là une contradiction et il nous faut trancher », a-t-il dit. Le député Boutros Harb a fait assumer au gouvernement dans son ensemble la responsabilité de ce qui s’est passé. « Les conflits opposant les hauts responsables ont détourné l’attention du Conseil des ministres des soucis d’une population aux prises avec d’énormes difficultés économiques », a-t-il affirmé, en avançant comme preuve le fait qu’une semaine après la décision de fixer un plafond au prix de l’essence, ce carburant se vendait toujours à un prix supérieur à celui qui avait été convenu. Ce n’est qu’hier, note-t-on, que la nouvelle tarification, fixant le prix du super à 23 000 LL les 20 litres, a commencé à être appliquée. À l’instar de beaucoup d’autres personnalités politiques, M. Harb a réclamé le départ du cabinet. L’ancien chef de gouvernement, Sélim Hoss, a estimé que « rien n’excuse » le fait qu’on ait ouvert le feu sur la population civile, qui protestait contre une dégradation du niveau de vie, qui se poursuit depuis des années. Le PCL, pour sa part, a protesté contre le fait que l’armée se soit vu confiée une tâche de sécurité intérieure. Le pouvoir politique n’avait pas à demander à l’armée de faire face à la colère populaire, a-t-il estimé.
Qui assume la responsabilité des émeutes sanglantes d’hier ? Comment un défoulement s’est-il transformé en carnage ? Comment une manifestation contre le prix de l’essence s’est-elle transformée en une confrontation avec l’armée, qui a fait sept morts et 50 blessés ? Les partis ont-ils été débordés ? Les syndicats se sont-ils laissés manipuler par les partis ?...